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la France préfère laisser à leur sort les pédés persécutés

lundi 29 juillet 2002

La France n’accorde pas le droit d’asile aux homosexuelLEs persécutéEs dans leurs pays, pas plus qu’elle ne condamne ces persécutions.

En novembre 2001, des associations homosexuelles et de défense des droits de l’homme descendaient dans la rue pour protester contre l’arrestation de 52 Egyptiens poursuivis pour homosexualité et mépris de la religion. En janvier, Act Up-Paris couvrait de sang la façade de l’ambassade d’Arabie Saoudite suite à la décapitation de trois Saoudiens accusés de « sodomie, mariage entre eux et corruption de mineurs ».

Sur ces deux affaires, la France a gardé le silence, du moins jusqu’à ce que les militants de l’association harcèlent des journées entières le ministère des Affaires Étrangères et l’Élysée pour leur arracher de vagues déclarations.

Apparemment, le sort d’unE homosexuelLE ne vaut pas que l’on froisse des rapports commerciaux. Pourtant, se taire face à l’homophobie, c’est condamner ces homosexuelLEs à mort. Directement, mais aussi indirectement, parce que l’homophobie fait le lit du sida.

Un droit d’asile malmené

Parallèlement, l’accès au droit d’asile est de plus en plus malmené par les membres de l’Union Européenne, et en particulier, en France, par l’OFPRA et la CRR. Michel Raimbaud, directeur de l’OFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et Appatrides), écrivait dans un courrier adressé à Act Up-Paris, le 20 février dernier que « l’homosexualité féminine ou masculine (pas plus que le fait d’être transsexuel) n’est pas, en tant que telle, considérée comme un motif de persécution relevant de la Convention de Genève. (…) Elle est donc nécessairement dépendante des cas d’espèces soumis, se situant eux-mêmes dans des contextes étatiques spécifiques. »

« Des contextes étatiques spécifiques » : il s’agit bien là de ce que nous souhaiterions voir plus souvent pris en compte par l’OFPRA et la CRR (Commission de Recours des Réfugiés).

L’homosexualité reste illégale ou pénalisée dans de nombreux pays : la Turquie, pourtant prétendante à l’adhésion à l’Union européenne, la Tunisie, le Maroc, l’Algérie, l’Iran, etc. Or, les recours au Conseil d’Etat et à la CRR des ressortissantEs de ces pays ont été, pour la plupart, rejetés.

Aujourd’hui, pour l’OFPRA et la CRR, être homosexuelLE ou transsexuelLE dans un pays le condamnant ne constitue pas une raison suffisante pour prétendre au droit d’asile en France. Les responsables de ces institutions exigent des preuves de menaces personnelles. La Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiéEs est pourtant très claire : l’article 1er-A-2 précise explicitement que le terme de « réfugié » ne s’applique pas seulement aux personnes qui ont subi des persécutions, mais à toute personne « craignant » d’être persécutée [1]. Mais cette notion de « crainte » est systématiquement écartée par les exigences de stigmates de l’OFPRA et de la CRR, obsédés par l’idée de vagues d’étrangers qui se feraient passer pour homosexuelLEs. Ainsi, selon l’administration française, être homosexuelLE dans un pays qui condamne l’homosexualité dans son code pénal (comme en Algérie, article 333, ou au Cameroun, article 347 bis) ne suffit pas à prouver que l’on est menacé personnellement. L’intéresséE doit d’abord mettre sa vie en danger pour pouvoir ensuite demander asile.

Une conception archaïque

De plus, l’OFPRA et la CRR ont une vision de l’homosexualité tellement archaïque qu’il leur est quasiment impossible d’aborder la demande d’un gai ou d’une lesbienne de manière objective et cohérente. Ces deux administrations n’ont choisi de prendre en compte que certaines demandes d’asile : l’homosexualité de l’intéresséE doit être visible. Ainsi, si le demandeur a le malheur de se présenter à l’audition de l’OFPRA sans « comportement manifeste », on lui rétorquera qu’il ou elle peut cacher sa sexualité et donc continuer à vivre dans son pays. Un exemple de réponse particulièrement ironique : « […] il n’en résulte pas davantage de l’instruction que M. E (Algérien) qui ne revendiquait pas publiquement son homosexualité et ne la manifestait pas par son comportement […]. Recours rejeté ».

Nous contestons l’interprétation restrictive que Michel Raimbaud fait de la Convention de Genève. Quoi qu’il en soit, elle n’est pas appliquée, et nécessite d’être améliorée, notamment par des précisions apportées à l’article 1er-A-2.

Si l’expression « groupe social » est sensée définir entre autres la catégorie des homosexuelLEs, elle n’est pas suffisante pour permettre l’octroi du droit d’asile. Sans référence aux rares jurisprudences et autres recommandations faites depuis 50 ans, le demandeur a peu de chance de voir sa requête acceptée. « Groupe social » laisse trop de place aux détracteurs du droit d’asile des homosexuelLEs persécutéEs. Des termes plus explicites comme « orientation sexuelle » et « identité sexuelle » apportent plus de clarté. Pour lutter contre l’homophobie, encore faudrait-il pouvoir parler d’homosexualité.

Act Up-Paris exige :
 Une véritable formation sur les questions de l’homosexualité et du transsexualisme pour tous les employés de l’OFPRA et de la CRR.
 L’inscription dans l’article 1er-A-2 de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiéEs, des termes « orientation et identité sexuelle ».
 La reconnaissance systématique du statut de réfugiéE pour les homosexuelLEs persécutéEs dans leur pays.
 Que l’Europe, et les pays du Nord en général, cessent leur politique à géométrie variable et condamnent sans réserve ces régimes criminels qui bafouent les droits des homosexuels, des lesbiennes et des trans.

La sécurité des minorités est un droit qui ne se négocie pas. Faisons pression sur vos gouvernements et sur l’Union Européenne. Organisons-nous.


[1Le texte intégral de la Convention est le suivant : Article Premier — Définition du terme « réfugié »
A. Aux fins de la présente Convention, le terme « réfugié » s’appliquera à toute personne :
2) Qui, par suite d’événements survenus avant le premier janvier 1951 et craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner.