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Dossier de Presse

répondez-vous des pratiques meutrières de l’Union Européenne ?

jeudi 11 juillet 2002

Le gouvernement espagnol a refusé d’accorder des visas à des membres d’association de lutte contre le sida venant de pays du sud pour la XIVème conférence internationale sur le sida. Cette situation était prévisible : elle est le résultat de la politique de lutte contre l’immigration adoptée par l’Union Européenne.

Aujourd’hui, l’Union Européenne continue d’expulser les étrangers "en situation irrégulières" et vivant avec le VIH/sida. Le système de répression à l’égard des migrants, que les États du Nord renforcent de jour en jour, contraint des milliers de personnes à vivre une existence clandestine - sans papiers, sans droits, sans ressources et sous la menace permanente d’une expulsion. Il les éloigne des soins, les maintient hors de portée des messages de prévention, les expose à l’épidémie.

Pour 2004, les 15 pays membres de l’Union Européenne ont décidé d’harmoniser les lois sur l’immigration. La mise en place, quelques jours avant le Sommet de Séville, d’un arsenal de guerre européen pour une "chasse aux sorcières" ayant pour cible les étrangers, nous laisse présager le pire.

Dans deux ans, au moment de la prochaine Conférence Internationale sur le Sida, il se pourrait bien que les quelques mesures qui permettent encore aux malades étrangers de se maintenir dans "l’espace Schengen" soient supprimées.

L’Union Européenne a déclaré la guerre aux étrangers. Organisons la riposte

1. Le cas unique de la France

Suite à la pression des associations de lutte contre le sida, la France est devenu, en 1997, le seul pays d’Europe à disposer de lois permettant l’inexpulsion puis la régularisation des étrangers atteints de pathologie grave, notamment les étrangers vivant avec le VIH/sida. Nous ne souhaitons pas faire l’apologie de ce système encore extrêmement imparfait. Nous pourrions le critiquer à bien des égards dans ce qu’il laisse ou crée de situations dramatiques : étrangers régularisés mais laissés sans ressources parce que sur le territoire français depuis moins d’un an, accès difficile à un permis de travail, régime de quasi non-droit pour les malades étrangers sortant de prisons. Nous ne pouvons pas non plus faire l’apologie du gouvernement français ; son désengagement - voire ses tentatives de réinterpréter les lois pour reprendre les expulsions d’étrangers malades en situation irrégulière - force les associations de lutte contre le sida et de soutiens aux étrangers à une surveillance quotidienne des administrations : des préfectures qui compliquent les démarches en exigeant de manière arbitraires différents documents, qui motivent des refus de titre de séjour en se basant sur des textes inexistants, qui ignorent les circulaires ministérielles quand elles le veulent et un Ministère de l’Intérieur qui met tous ses moyens en œuvre pour faire passer tout ex-détenu comme "menace à la sûreté de l’État", seule catégorie d’étrangers légalement expulsables, même atteints de pathologie grave. Même si c’est beaucoup moins courant, les expulsions d’étrangers malades du sida et en situation irrégulière ont encore lieu en France.

Cependant, bien qu’extrêmement imparfaits et insuffisants, nous considérons ces quelques droits comme un service minimum à l’égard des étrangers gravement malades.
Ce système, par son existence en France depuis maintenant 4 ans, prouve qu’il est possible d’accueillir les malades étrangers dans les pays riches. Quand ce système n’en était qu’à l’état de revendications, on taxait de naïveté les associations qui les défendaient. Aujourd’hui, nous pouvons tirer un premier bilan : les théories sur "l’appel d’air" ou le gouffre financier que cela aurait pu entraîner sont des fantasmes.

Ce droit à la santé et au séjour garanti aux étrangers atteints de pathologie grave, le gouvernement français doit l’assumer et, dans le cadre de l’harmonisation des lois sur l’immigration, il ne doit rien concéder, en aucune manière, à ses pairs européens. La France doit au contraire l’utiliser pour montrer que sa mise en place est donc possible de manière très concrète dans tous les autres pays de l’Union Européenne. Plus rien ne s’oppose à la régularisation et à la prise en charge des malades étrangers vivant ou souhaitant vivre en Europe, qu’une volonté politique de la part des autres pays de l’U.E.

2. La situation des malades dans le reste de l’Europe

Aujourd’hui, la totalité des pays membres de l’Union Européenne continuent d’expulser les étrangers vivant avec le VIH/sida. Parmi ces pays, par ailleurs membres du G8 - Groupe des 8 pays les plus riches du monde : le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne n’ont toujours pas de loi protégeant les étrangers atteints de pathologie, laissant ces personnes malades dans l’insécurité d’un dispositif discrétionnaire.
Un des rapports IDEME (Intervention pour les Droits des Étrangers Malades en Europe), action lancée par Médecins Sans Frontières, fait le point :
 Royaume-Uni. Une directive prévoit d’accorder un titre de séjour aux étrangers malades dont "l’espérance de vie serait réduite" par un retour au pays d’origine. Toute mesure d’éloignement engage la responsabilité de l’État et doit prendre en compte la dimension humanitaire. Ces recommandations ne constituent pas un droit.
 Allemagne. Les demandeurs d’asile auxquels l’asile a été refusé peuvent obtenir, à titre discrétionnaire, une protection contre l’éloignement s’ils sont gravement malades.
 Espagne. L’accès aux soins des étrangers en séjour irrégulier est inscrit dans la loi mais la délivrance d’une carte de séjour pour des raisons humanitaires à des étrangers malades en séjour irrégulier reste exceptionnelle. Seules les femmes enceintes sont protégées contre l’éloignement.
 Italie. L’accès aux soins des étrangers en situation irrégulière est prévu par la loi. Des étrangers gravement malades peuvent bénéficier d’une carte de séjour, mais exclusivement pour des raisons humanitaires. Seules les femmes enceintes sont protégées contre l’éloignement. À l’heure actuelle, la loi Bossi-Fini contre l’immigration qui pourrait bientôt être mise en place, risque de mettre à mal ces quelques mesure de protection des étrangers.
 Belgique. Une aide médicale est accordée aux étrangers en séjour irrégulier. Les personnes gravement malades peuvent solliciter une autorisation de séjour. La maladie est assimilée à une "circonstance exceptionnelle".

Les recommandations ou mesures d’exceptions ne sont rien de plus qu’une loterie où se joue la survie de malades étrangers. Seules des lois peuvent protéger le droit à la santé. Ainsi qu’une volonté politique.

3. Pratiques meurtrières de l’Union Européenne et silence de l’OMS - "as usual"

Plus de 20 ans après le début de l’épidémie, l’OMS garde le même silence complice. Malgré son poids, son rôle et les possibilités qu’elle a, à aucun moment l’OMS n’interroge la répression des clandestins en Europe et les conséquences sanitaires qui en découlent. La répression contre l’immigration menée par les pays européens au sein même de leurs territoires respectifs est une catastrophe en terme de santé publique : c’est un des plus gros obstacles à la prévention et à l’accès aux soins des populations immigrées. Il les éloigne des soins, les maintient hors de portée des messages de prévention, les expose à l’épidémie. Ce discours, l’OMS le connaît. Mais comme pour l’accès aux médicaments dans les pays du sud, cette structure n’a que faire de la santé si la santé ne s’accorde pas avec les exigences des Chefs d’État Européens. L’OMS sait les expulsions de personnes gravement malades qui ont régulièrement lieu, elle connaît également la Convention européenne des droits de l’homme ratifiée par les 15 membres. Mais encore une fois, elle s’illustre par son mépris des malades. En 1997, un étranger malade du sida vivant au Royaume-Uni a été obligé de déposer une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme pour ne pas être expulsé dans une île des Caraïbes où il n’aurait pu être soigné. Il obtiendra gain de cause, la Cour reconnaissant le lien entre l’expulsion d’un malade et la notion de « traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme ». Il aura donc fallu attendre une décision de la Cour européenne des droits de l’homme pour qu’un premier signe soit fait en direction des étrangers malades en situation irrégulière.

Act Up-Paris exige de l’Union Européenne :
 une protection inconditionnelle contre l’éloignement, pour tous les étrangers atteints de pathologie graves
 l’accès aux soins et au séjour pour tous les étrangers vivant avec le VIH/sida en Europe.
 la fin de toutes les mesures de harcèlement des étrangers qui confortent l’amalgame entre immigrés et insécurité
 le transfert des budgets européens de lutte contre l’immigration sur la lutte contre le sida et l’accès aux traitements.

Si vous souhaitez télécharger les affiches d’Act Up-Paris réalisées lors de la Conférence de Barcelone, elles sont à votre disposition en format jpg haute résolution [1].


[1ces documents peuvent être reproduits librement à condition de citer la source, Act Up-Paris.