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charte de responsabilité

un mieux dans la prévention gay ?

dimanche 23 juin 2002

En décembre 1999, Act Up-Paris dénonçait la charte de responsabilité qu’elle avait signée 4 ans plus tôt avec le SNEG, Aides et Sida Info Service. Nous considérions que ce texte, qui établissait un certain nombre de règles élémentaires de prévention et de respect des personnes atteintes par le VIH dans les établissements de consommation sexuelle homo, n’était pas respecté par une immense majorité des signataires. À ce titre, il ne servait qu’à donner bonne conscience aux patrons de ces lieux, sans faire avancer la prévention.

Si nous avons participé à la réécriture d’une charte en avril 2002, c’est d’abord en raison de la nouvelle dynamique qui semble émerger en matière de prévention gay. On a ainsi pu voir le SNEG (Syndicat National des Entreprises Gays), les pouvoirs publics et Act Up travailler ensemble en début d’année pour améliorer la prévention et l’hygiène au Dépôt, à Paris.

Ensuite, parce que la nouvelle mouture clarifie et renforce un certain nombre d’engagements que les patrons des établissements sont tenus de respecter : l’accès aux capotes et au gel doit être facilité, à l’entrée et au bar mais aussi dans les parcours sexuels (cabines, backrooms, etc.). Le texte le précise bien : "L’établissement ne peut se soustraire à cet engagement pour des prétextes légaux, financiers ou de rupture de stock". Les vidéos porno diffusées doivent être exclusivement safe. Il ne doit plus y avoir de lieux totalement sombres - et des patrons ont déjà témoigné de l’impact d’une telle mesure en matière de consommation de préservatifs. Un "référent sida" doit être désigné dans chaque établissement. Il est chargé de veiller à l’application de la charte au sein de l’établissement. On retrouve par ailleurs des éléments de la mouture précédente : formation du personnel, respect du droit du travail et des employés atteints d’une pathologie grave, etc.

Enfin, la nouvelle version introduit un élément majeur : le respect de l’hygiène. Indépendamment des règles de bases, qu’il est toujours bon de rappeler, le texte précise que l’établissement doit mettre "à disposition de ses clients le matériel nécessaire à une hygiène corporelle minimum adaptée à la nature des pratiques". Il s’agit d’une formulation polie pour expliquer aux patrons qu’ils doivent faire le nécessaire pour que les clients puissent se laver le cul, la bite et le reste après usage.

Quelle que soit la qualité de ce texte, il n’aura aucune valeur si nous n’avons pas les moyens de le faire respecter. A cet égard, la nouvelle version de la charte apporte quelques améliorations, mais qui restent encore trop limitées : l’évaluation est faite par les associations, qui seront réunies en comité par le SNEG deux fois par an pour faire le point sur les établissements qui posent problème. Le SNEG est chargé de soutenir l’application du texte dans les établissements qui n’y veilleraient pas. Act Up avait insisté pour que les pouvoirs publics participent pleinement aux comités d’évaluation. Cette exigence ne s’est traduite que trop partiellement : les associations peuvent envoyer leur évaluation aux DDASS, à leur demande. Le bilan sera par ailleurs communiqué à la presse identitaire - mais comme celle-ci, et particulièrement les gratuits, vivent de la publicité que leur achètent de nombreux établissements, on peut douter que le relais soit réellement assuré par ces médias.

Pour le reste, "les associations signataires restent libres d’user des moyens d’action qui leur sont propres face à la persistance d’un non-respect de la charte". Mais en ce qui concerne Act Up, nous n’avons pas besoin d’une charte pour agir quand nous estimons qu’un établissement manque gravement à ses responsabilités.

On le voit donc : malgré les réelles améliorations apportées à la version précédente, ce texte n’aura d’efficacité que si, au-delà des seules associations, l’ensemble de la communauté homo se mobilise pour veiller à son application. Cette nouvelle charte doit être comprise comme un signe adressé à chaque client des établissements pour lui rappeler que les services qu’il y trouve ne lui sont pas offerts, mais bien vendus. Et qu’à ce titre, il a le droit d’exiger que l’établissement veille à sa santé.
Nous veillerons à l’application de cette charte par les établissements signataires et nous publierons en septembre la liste des backrooms ayant témoigné de leur désinvolture.