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"Bravo Taubira", et après ?

lundi 22 février 2016

Act Up-Paris ne peut que regretter le départ de Christiane Taubira, et ne s’en réjouira pas.

Élue locale d’un des départements les plus touchés par le sida, quand elle s’était présentée à la présidentielle au nom des radicaux de gauche, en 2002, elle était déjà la seule candidate à parler des discriminations.

Act Up-Paris n’oubliera pas la pugnacité avec laquelle elle a défendu le projet de loi autour du mariage pour tous. Nous avions organisé 2 manifestations pour soutenir son action, quand les associations institutionnelles avaient baissé les bras face au déchaînement de violences homophobes et racistes.

Pendant la bataille du mariage pour tous, les veilles lunes haineuses se sont réveillées et Christiane Taubira a été une des personnalités politiques les plus insultées de l’histoire contemporaine, non loin de Léon Blum, Roger Salengro ou Simone Weil.

Cependant, la loi sur le mariage restait incomplète, puisqu’elle ne règlait pas la situation des ressortissantEs de 11 pays, qui ne pouvaient bénéficier de cette loi s’ilLEs voulaient se marier avec unE citoyenNE françaisE, à cause de conventions bilatérales signées entre ces pays et la France. C’est une jurisprudence de la Cour de Cassation qui a permis d’apporter une réponse [1], rendant caduque la circulaire du 29 mai 2013 qu’avait signée Christiane Taubira et qui s’opposait à ces unions.

En outre, sont-ce ces attaques, des réticences de Taubira ou de l’ensemble du gouvernement et de ses soutiens, qui expliquent l’abandon des autres engagements de campagne en matière de droits des LGBT ? La première bataille gagnée, Taubira a laissé tomber les trans, comme les lesbiennes qui demandent la PMA. Tout débat sur la GPA est tué dans l’œuf. Une circulaire est tout de même sortie pour inscrire les enfants nés de GPA dans l’État civil, afin d’éviter une sanction de la France par l’Union européenne.

Au Sénat [2], interpellée comme ministre sur le changement d’état-civil, elle ressort des oubliettes une loi de 1808 ! « La loi d’indisponibilité des personnes », qui n’a pas empêché, pourtant, de promulguer des milliers de changement d’état-civils depuis les premières opérations dans les années 40. Amère déception pour cELLEux qui se battent contre les discriminations des trans, et qui tempère notre peine à la voir partir. C’est le sens de notre dépôt de gerbe devant le ministère du samedi 30 janvier.

Plus qu’une chronique du jeu politique, ce qui nous préoccupe, ce sont les volte-faces des associations gays se présentant LGBT sur la question du changement d’état-civil et sur la PMA.

Il y a un mois des militantEs de certaines associations "LGBT" se sont réuniEs à Paris pour échanger sur l’organisation des Marches des Fiertés, et sur leurs mots d’ordre. La plupart ont évoqué leur soutien aux droits des trans. Deux semaines plus tard Taubira s’en va, et hop !, dans les communiqués, son inaction néfaste envers les trans est oubliée. Il ne s’agissait pas de faire le coup de pied à l’âne, il s’agissait juste de tempérer des éloges mérités. Même oubli dans la plupart des médias qui en sont encore aux histoires au marronnier "Gaston devient Marguerite", faisant fi du travail de l’AJL [3].

Ce n’est pas parce que Taubira a quitté le gouvernement que le combat s’arrête. Le nouveau ministre de la justice était signataire de la proposition de loi qui vise à faciliter, quoique très imparfaitement encore, le changement d’état-civil. Il s’agit d’une étape indispensable pour faciliter l’accès aux études supérieures, au travail, aux soins, et pour lutter contre la précarité, les violences et le sida. Des députéEs ont eu en main les amendements proposés par les associations trans, indispensables pour ne pas laisser la procédure tributaire d’une juridiction, et en faire une compétence des officiers d’état-civil.

Ce qu’on attend des associations LGBT c’est un réel soutien pour que cette loi passe... L’acte qu’il s’agit d’accomplir est en effet grand comme notre besoin de changer d’un air vicié de la paranoïa du "gender" de la Manif pour tous, qui pèse sur les précautions oratoires de l’exposé des motifs des députés socialistes.