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Abrogation du délit de racolage public

Tout délai supplémentaire met en danger les travailleurSEs du sexe.

mardi 26 mars 2013

Act Up-Paris condamne l’amendement du sénateur socialiste Philippe Kaltenbach visant à reporter sine die l’abrogation du délit de racolage. Cette mesure est dénoncée par les travailleurSEs du sexe eux-elles-mêmes, par toutes les associations de terrain et par les expertEs unanimes de la lutte contre le sida. Nous appelons les parlementaires socialistes à refuser cet amendement. Repousser l’abrogation de ce délit, c’est encore entraver les actions de prévention du VIH et des IST, c’est accepter la précarité des droits des prostitué-es. Les socialistes doivent cesser de défendre une idéologie déconnectée des travailleurSEs du sexe, des associations de terrain et des scientifiques, sinon, ils et elles devront assumer les conséquences sociales et sanitaires de leur attentisme.

Une urgence prouvée

Tout milite pour une abrogation sans délai de la loi : l’expertise des travailleurSEs du sexe, celle des associations de terrain (Médecins du Monde, Aides, Le Bus des Femmes ou encore la LDH ), mais aussi les données scientifiques du Conseil national du sida et les recommandations internationales du Programme des Nations Unies pour le Développement.

Les travailleurSEs du sexe, qui font chaque jour les frais d’un éloignement contraint des structures de dépistage, de soins, de prévention, n’ont plus le temps d’attendre. C’est au nom de cette disposition législative que chaque jour, des prostituéEs sont arrêtées et expulséEs, sur une simple présomption, par exemple parce qu’elles ont des préservatifs dans leur poche. C’est à une clandestinité accrue que les contraint cette loi, comme toute loi répressive, directe ou indirecte, à leur encontre. Ce sont donc des conditions de travail plus précaires, une vulnérabilité plus grande à des violences éventuelles de clients ou des forces de l’ordre (référence de la commission de la LDH) ou à des rapports non protégés contraints. La preuve en est apportée depuis longtemps.

Une abrogation trop longtemps attendue

Rien ne peut justifier un nouveau report de l’abrogation du délit de racolage. Les motivations de Philippe Kaltenbach visent en fait à retarder la suppression de cette mesure répressive pour permettre l’introduction d’une nouvelle, la pénalisation des clients, qui aura exactement les mêmes effets – comme l’ont récemment rappelé l’ONU [1] ou le Planning Familial. Le PS ne peut céder à un lobby dont les motivations ne sont qu’idéologiques, et dont la vision du travail sexuel est simplissime, mal documentée et erronée.

Or, cette abrogation a déjà été reportée, du fait des socialistes. Dès novembre dernier, une proposition de loi (PPL) visant à l’abrogation du délit de racolage public était inscrite à l’ordre du jour d’une discussion parlementaire. Najat Vallaud-Belkacem avait alors fait pression pour le retrait de cette PPL, faisant miroiter une loi plus vaste sur la prostitution, et arguant attendre un rapport de l’IGAS.

Ce rapport est sorti courant décembre, et il est très clair : il recommande une approche pragmatique, transversale et coordonnée, préconise de conforter l’approche préventive, rappelle l’impossibilité à quantifier le nombre de travailleurSEs sexuelLEs et pointe une nouvelle fois la dangerosité de la loi de 2003 (LSI, racolage public) qui ’pousse les prostituéEs à se dissimuler’.

La proposition de loi était finalement inscrite à l’ordre du jour de la séance du Sénat ce jeudi 28 mars, le texte a été voté à l’unanimité en commission des lois. Le mécanisme aujourd’hui utilisé par Philippe Kaltenbach pour se défausser est celui de la motion de renvoi en commission : plutôt que de voter une fois de plus contre une promesse électorale de François Hollande, le groupe PS du Sénat va se replier derrière un rouage technique de la procédure législative, et signer par là-même l’abandon de cette proposition de loi, avant même un examen détaillé.

Nous espérons donc que cet amendement est le fait d’une minorité de socialistes et que le groupe se ressaisira. Les socialistes, la ministre des Droits des Femmes en tête, dont nous attendons qu’elle condamne l’amendement de Philippe Kaltenbach, ne peuvent plus sacrifier les minorités qui ont été les plus frappées par dix années de répression intense. La santé et les droits doivent l’emporter sur des idéologies obscurantistes, qui prétendent faire le bien des prostituées sans leur demander leur avis, et en les exposant un peu plus à l’épidémie de sida.

Act Up-Paris exige :

 que le groupe PS au Sénat ne cède pas aux pressions obscurantistes de toutes sortes ;
 que le groupe PS au Sénat et le gouvernement se positionnent contre la motion de renvoi qui suspendrait irrémédiablement l’avancée du projet de loi ;
 qu’on ne légifère pas sur la prostitution sans les prostituées, et en refusant de tenir compte des expertises associatives et scientifiques ;
 que le Parti Socialiste tienne sa promesse électorale d’abroger sans conditions le délit de racolage public.


[1Lire le rapport du PNUD sur « Risque, droit et santé », page 41 et notre résumé de ce rapport.