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Les pouvoirs publics doivent maintenir une vigilance élevée face à la volonté de commercialiser prématurément la PrEP (prophylaxie pré-exposition)

vendredi 1er février 2013

Dans un communiqué de presse daté du 29 janvier 2013, l’association AIDES confirme sa volonté, déjà exprimée à l’automne, de faire commercialiser le truvada© en prévention de l’infection à VIH au plus vite. Elle demande à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) de mettre en place une RTU (recommandation temporaire d’utilisation).

Pourtant, la prophylaxie pré-exposition (PrEP) est loin d’avoir prouvé son efficacité : un essai en cours en France (l’essai IPERGAY, mené par l’ANRS et dont l’association AIDES est opérateur), vise à apporter des résultats d’efficacité, les données actuellement existantes montrant soit un échec de la stratégie, soit une efficacité de l’ordre de 44 % (avec un intervalle de confiance compris entre 15 et 63%). Au-delà des essais, la question du risque de relâchement des comportements préventifs et le problème du coût économique et éthique d’une telle stratégie de prévention restent posés.

AIDES a annoncé cette demande de RTU lors d’une journée consacrée à la PrEP et organisée par SIDACTION, mais l’association a également affirmé, par la voix de son président et à la même tribune, qu’il serait inenvisageable de mettre à disposition les PrEPs sans en passer par un dispositif associatif communautaire.

Act Up-Paris appelle à la vigilance, surtout lorsque les intérêts associatifs (devenir opérateur d’une mise à disposition des PrEPs) rejoignent des préoccupations de santé publique. Certains résultats scientifiques sont encourageants, mais ils demeurent insuffisants, et fortement tempérés par des données complémentaires, comme lorsqu’une modélisation mathématique montre qu’une petite augmentation du nombre de partenaires annuels chez les utilisateurs de PrEP la rendrait contre-productive, ou lorsque des enquêtes mesurant les attentes des gays face à la PrEP montrent une forte désapprobation de cette stratégie chez les gays, selon les critères d’efficacité actuels [1]. Par ailleurs, il faut être conscient de l’influence potentielle et immédiate d’une mesure de RTU sur les messages de prévention comportementale autour du préservatif, au profit d’une stratégie complexe et non éprouvée.

D’ailleurs, le laboratoire GILEAD, qui produit le Truvada© semble avoir renoncé à sa volonté de demande d’Autorisation de mise sur le marché (AMM) en Europe. Une conséquence, sans doute, de la très faible adhésion des gays à cette stratégie aux États-Unis.

Act Up-Paris exige de l’ANSM qu’elle joue son rôle de vigilance sanitaire face aux tentations de passer outre la recherche pour commercialiser au plus vite le Truvada© comme outil de prévention ; mais demande également aux pouvoirs publics de s’intéresser à la question, et de ne pas négliger leur implication dans les recherches en cours.


Act Up-Paris reçoit des dons de Boerhinher-Ingelheim ; Bristol Myers Squibb ; Gilead ; Janssen ; MSD ; Sanofi-Aventis ; ViiV Healthcare. Cependant, Act Up-Paris refuse les partenariats avec elles, et donc un fléchage des dons sur une activité particulière. Nous considérons ces dons comme une dette de sang des firmes envers les malades.


[1Philippe Adam, Antonio Alexandre, David Friboulet et John de Wit. « Perception de la prophylaxie pré-exposition (PrEP) par les internautes gays français », Institut de Recherches IPSR & SNEG Prévention, octobre 2012.