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Echappement thérapeutique : une molécule ne suffit pas !

lundi 15 novembre 1999

Le 10 novembre dernier, le secrétariat d’Etat à la Santé a annoncé la prochaine délivrance de l’ABT 378 [1]. du laboratoire Abbott dans le cadre d’une Autorisation Temporaire d’Utilisation de cohorte.

Cette nouvelle intervient après des mois de pression des associations de lutte contre le sida, qui se sont mobilisées pour venir en aide à 8000 patients séropositifs qui sont dans un état de santé critique menaçant à court terme leur pronostic de vie.
Ces 8000 patients ont reçu toutes les polythérapies anti-VIH possibles qui n’ont aujourd’hui plus aucun effet, le virus du sida ayant appris à contourner la pression des médicaments.

Sans aucune chance a priori de succès, ces patients ne peuvent espérer un prolongement significatif de leur vie qu’avec l’octroi compassionnel d’au moins deux nouvelles molécules antivirales agissant respectivement sur deux sites différents de réplication du virus ; à la condition que ces deux nouvelles molécules aient un "profil" sachant déjouer les résistances du virus acquises contre les molécules existantes.

L’ABT 378, nouvel antiviral du laboratoire Abbott, dirigé contre la protéase du virus, serait potentiellement sensible contre des souches virales résistantes aux autres antiprotéases.

Depuis un an, Abbott nous a fait croire que des difficultés de productions retardaient la mise à disposition large de ce produit à la fin de l’hiver 99/2000.
Le 6 novembre 1999, il clamait encore qu’il ne pouvait pas fournir plus de 40 traitements pour les 8000 malades français qui en avaient besoin.
Le 9 novembre 1999, le même laboratoire acceptait de répondre à l’ensemble des demandes de traitements. D’un octroi compassionnel qui était discuté jusqu’alors, c’est une Autorisation Temporaire d’Utilisation de Cohorte qui est proposée : dans le premier cas, la molécule est délivrée gratuitement par le laboratoire, donc le moins possible ; dans le second cas, la molécule est achetée par l’État français donc sans restriction quantitative.

Grâce à la pression des associations, Abbott a en fait accéléré la procédure de mise sur le marché de sa molécule, en dehors de toute concertation avec les institutions françaises de santé publique (AFSSAPS, ANRS, DGS, Secrétariat d’État à la Santé) et les autres laboratoires pharmaceutiques développant des produits anti-VIH.

Il ne s’agit donc que d’une demi victoire : nous avons obtenu la délivrance pour le plus grand nombre de l’ABT 378 mais cette mise à disposition n’est intéressante que si elle est accompagnée par d’autres molécules. Or, actuellement, seul l’ABT 378 sera délivré et risque donc d’être prescrit en monothérapie, ce qui constitue une totale aberration : en administrant une monothérapie, on permet au virus de devenir en un temps record résistant à ce médicament, annulant ainsi tout espoir d’une efficacité plus durable en l’associant à un autre produit.

Face à cet énième constat de l’irresponsabilité de l’industrie pharmaceutique ainsi que des pouvoirs publics, Act Up-Paris exige que :
 la Secrétaire d’Etat à la Santé aille sans délai négocier sur leur lieu de production les autres laboratoires susceptibles de délivrer en compassionnel des molécules à associer dès demain avec l’ABT 378 ;
 l’ANRS finalise sans délai des protocoles d’essais clinique encadrant la dispensation de ces molécules nouvelles pour pouvoir proposer demain des polythérapies de sauvetage à base de produits nouveaux possiblement sensibles sur des souches virales résistantes aux produits existants ;
 l’AFSSAPS mette en place sans délai l’ATU de cohorte de l’ABT 378 et informe tous les praticiens qui en feront la demande du danger d’utiliser ce produit hors essai clinique et en monothérapie.


[1Lopinavir/r, commercialisé sous le nom de Kalétra®