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Lionel Jospin : le degré zéro de l’épidémio

samedi 20 avril 2002

La Déclaration Obligatoire de Séropositivité (DOS), système de surveillance de l’épidémie, ne produira aucun chiffre fiable avant fin 2003. Suite aux pressions d’Act Up en février dernier sur le gouvernement, les administrations concernées (l’InVS et la DGS) ont mis les bouchées doubles pour rattraper le retard pris dans la mise en place du dispositif.

Mais les contraintes, pourtant connues depuis longtemps, imposent des délais incompressibles : appel d’offres pour trouver un prestataire, installation et maintenance du matériel informatique nécessaire, formation des médecins et des laboratoires d’analyse. Tout cela durera encore jusqu’à la fin 2002. Ce n’est que début 2003 que le dispositif sera testé dans certaines régions. Et les premiers chiffres ne seront vraisemblablement disponibles que fin 2003.

Il aura donc fallu plus de 5 ans, depuis la loi de juillet 1998 sur le renforcement de la veille sanitaire, pour obtenir des chiffres. Même si on ne peut plus faire grand chose pour accélérer le processus, il est essentiel de comprendre les causes de ce retard inadmissible :
La consultation préalable des associations a été lacunaire. Après le vote de cette loi en 1998, les administrations se sont mises à la rédaction de décrets concernant la collecte des données individuelles, en ne consultant que quelques associations (dont Aides et Sida Info Service).

Ainsi lorsque le système expérimental est présenté en avril 1999, accompagné du décret relatif aux déclarations obligatoires, c’est la stupeur et le scandale dans le milieu associatif. D’une part, très peu d’associations ont été consultées, alors qu’on leur demande aujourd’hui de faire le relais d’information sur la D.O.S. D’autre part, le décret prévoit de mettre en place un « recueil anonyme de données nominatives », sans poser les garanties nécessaires à un tel processus, laissant ainsi planer le doute sur l’avenir des données recueillies (comment seront-elles protégées ? Seront-elle codées et chiffrées ? A quoi servent-elles au niveau épidémiologique ?).

En mai 1999, un décret est publié, puis attaqué devant le Conseil d’Etat par plusieurs associations (Act Up-Paris, Aides, Sida Info Service, La Ligue des Droits de l’Homme et le Réseau Voltaire) qui obtiennent son annulation. Grâce à ce recours, les pouvoirs publics pensent enfin à travailler vraiment avec les associations : un comité de suivi s’est réuni régulièrement entre septembre 1999 à novembre 2000, pour élaborer un nouveau dispositif. Malheureusement, les bonnes résolutions s’émoussent vite : depuis septembre 2001, aucune nouvelle ne nous est transmise quant à l’avancement du dossier.

Le suivi du dossier par les administrations est plus que douteux. On nous explique aujourd’hui que le dispositif a pris du retard, parce qu’il a été vérifié en septembre 2001 par les services du Ministère de la Défense, spécialisé dans le cryptage de données confidentielles. L’audit par cette administration a révélé des failles qu’il a fallu corriger. Mais la nécessité de consulter ce service a été martelé par les associations lors des réunions en 1999. Dans ces conditions, on comprend mal pourquoi l’audit n’a pas été diligenté plus tôt.

C’est l’absence de volonté politique qui explique ces dysfonctionnements. Ni Bernard Kouchner, ni Lionel Jospin n’ont jamais porté ce projet, ni mis en avant sa nécessité. Pire, le premier Ministre avait tout intérêt à ce que les chiffres portant sur la dynamique réelle de l’épidémie ne paraissent pas, de crainte qu’ils ne ternissent le bilan de sa mandature avant les élections.

Se lamenter sur ce sujet ne sert plus à grand-chose. Nous avons maintenant d’autres priorités : accélérer, autant qu’il est possible, la mise en place effective du dispositif. Travailler sur les outils épidémiologiques actuels pour décrire au mieux la dynamique de l’épidémie.

Nous n’oublierons cependant pas ce qui a eu lieu autour de la DOS. Mépris des associations, dysfonctionnements administratifs, indifférence politique face à l’urgence de l’épidémie. Le retard pris dans l’application du dispositif est témoin de la manière dont Lionel Jospin entend mener sa politique de santé publique.