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Glasgow 2010

samedi 1er janvier 2011

HIV 10, 10e congrès international sur le VIH, s’est tenu à Glasgow du 7 au 10 novembre dernier. Deux membres d’Act Up y étaient voici ce qu’elles en retiennent.

Florilèges

Cette conférence a permis une revue complète des différents enjeux, stratégies thérapeutiques et complications rencontrées, avec hélàs un ton un peu trop léger et décalé lors de certaines présentations. Les médecins s’adressent à des médecins, ils parlent de cas, ils en oublient à quoi ils font référence : à des personnes. Et comme on l’a entendu lors d’une intervention provenant du public : « parfois il semble qu’on soit plus concerné par les médicaments que par les gens qui les prennent. »
L’une des plénière était consacrée à la coinfection VIH-VHC, avec la mise en avant des nouveaux médicaments contre le VHC et du test génétique ILB28.

La plénière commence avec une diapo où l’on lit : cure si possible et il est dit : « ça fait 10 ans que vous attendiez des nouvelles molécules, c’est maintenant possible » (possible ? mais pas accessible) Les molécules anti-vhc en cours de développement sont présentées dont des résultats concernant le boceprevir et le telaprevir. Pour celles-ci l’un des intervenants présente ce qu’il appelle les « très bons résultats » avant d’annoncer « there are on free lunch » pour parler des effets indésirables à prévoir.

Raccourcis

Toujours lors de la plénière VIH / VHC et concernant le facteur génétique ILB28 : Il existe un test qui permet d’établir une corrélation entre ce gène et la réponse aux traitements [1]. En effet le gène, testé, permettrait de mieux adapter le traitement, de « mieux soigner ». Lors de cette présentation ce sont les qualifications « good genotype » et « bad genotypes » qui ont été employées. Le recours au test génétique est un moyen de mieux diagnostiquer le traitement adapté à l’individu soigné mais le test génétique devient également un nouvel outil de « sélection » entre personnes séropositives.

On ne peut que regretter que des questions de génétique aient été amenées sans plus de précautions. Il est très inquiétant que, sans doute par raccourci langagier, des médecins parlent de « bon génotype » et de « mauvais génotype ». Si l’on comprend bien l’enjeu qu’il y a derrière ces expressions, on peut regretter que la personne malade soit réduite à son génotype et qu’à ce titre elle soit jugée « bonne » ou « mauvaise ».
Plus grave encore, si certaines personnes, en fonction de leurs caractéristiques génétiques, réagissent mieux que d’autres à un certain type de molécules, alors la recherche clinique ne se privera pas de rajouter un critère supplémentaire d’inclusion dans les essais cliniques.

La fin de la présentation sur l’ILB28 engageait à systématiser ce test dans le cadre des essais thérapeutiques. Cela soulève bien des questions parmi lesquelles : Qu’adviendra t-il de la recherche sur les « bad genotypes » ? Lorsqu’on déplore le nombre très faible d’essais portant sur les personnes co-infectées VIH/VHC et leur grande difficulté à rentrer dans des essais portant sur le VHC, quel va être le résultat avec un critère supplémentaire d’exclusion ? Quel marché les laboratoires feraient-ils faire de ce test ?
De la même manière, pour une personne déterminée, les caractéristiques génétiques de son VIH vont être une donnée essentielle au diagnostic et aux traitements. Ces caractéristiques génétiques vont se retrouver dans certaines tranches de la population des personnes séropositives.

Ainsi, les chercheurs ont établi que le VIH sous type B était plutôt présent au Nord de la planète alors que le VIH sous type C était plutôt présent au Sud du globe. Le sous type C du VIH est la conséquence d’une mutation du virus K65R qui entraîne une résistance face à quasiment tous les antirétroviraux actuellement existants. Pourtant, il n’y a pas de recherches biomédicales sur cette mutation, donc pas d’informations disponibles pour de nouveaux traitements.

(p82 du GBC : si c’est le sous type B qui a servi de modèle pour la recherche clinique, c’est bien parce qu’il domine largement les autres dans les pays occidentaux, Etats Unis et Europe. Cependant, les sous types non B sont largement plus répandus dans le monde, le sous type C étant celui qui infecte probablement près de la moitié des personnes vivant avec le VIH.)

Politiquement correct ?

Nous avons entendu des médecins nous parler de « race blanche », de « race caucasienne » de populations « blanche, noire, asiatique »… Là encore, ce sont sûrement des raccourcis langagiers mais qui néanmoins heurtent particulièrement. Est-il nécessaire de le rappeler et particulièrement à des médecins que Le concept de race au sein de l’espèce humaine n’a aucun fondement scientifique valable ? Sans nier qu’il existe des différences génétiques liées à l’origine de chacunE, il nous paraît tout à fait problématique de parler de « race » dans ce cadre.

De même, si certaines caractéristiques génétiques sont présentes de manière accrue dans certaines zones géographiques du monde, il nous paraît tout à fait réducteur et dangereux d’interpréter cela en termes de couleur de peau.

D’aucunEs peuvent voir là une maladresse langagière, nous y voyons surtout une grave « légèreté » qui, au delà de l’ignorance dont cela fait preuve et du mépris que cela peut témoigner vis à vis de l’Histoire, participe de la discrimination des personnes séropositives.

Quelle place pour les droits humains ?

La conférence était une conférence de recherche médicale, animée par des médecins à destination des médecins. Tout de même un atelier a porté sur les droits humains. Bien que la présentation de Joe Amon de Human Rights Watch ait été remarquable, il est regrettable que le lien entre la recherche biomédicale et les droits humains soit cantonné à un intervenant estampillé « associatif ». Lorsque les médecins insistent sur l’importance de la nourriture dans les complications que rencontre une personne séropositive, il est dommage que ne soit pas rappelé à quel point le sida concerne en grande majorité des personnes pauvres, discriminées, exclues des systèmes sociaux et de santé traditionnels.

Par ailleurs, dans son intervention Joe Amon a démontré à quel point les droits humains étaient liés à la lutte contre le sida, notamment comment leurs violations font le jeu de l’épidémie. Il a pris l’Ouganda comme exemple, mais il a insisté pour rappeler que cela concerne le monde entier, également les pays du Nord. Preuve en est et toute proportion gardée, les trois thématiques qu’il a ciblées comme obstacles à la lutte contre le sida s’appliquent à la situation française : pénalisation de la transmission du VIH, dépistage obligatoire non pas volontaire, stigmatisation et discrimination des personnes séropositives (usagerEs de drogues, travailleurs du sexe, prisonnierEs, migrantEs, LGBT…).

« Que fait-on de tous ceux qui devraient prendre les traitements mais ne sont pas psychologiquement prêts ? » (faisait référence à la présentation de Joe Amon qui a insisté sur la difficulté des femmes d’Afrique de pouvoir dire qu’elles sont séropositives sans être rejetées ni subir de violences).


[1Rapport Yeni 2010, p272-273 : des études récentes montrent que le polymorphisme du gène IL28-B codant pour l’interféron lambda est fortement associé à l’élimination spontanée du VHC en cas d’infection aigue et à la réponse virologique soutenue chez les patients VHC de génotype 1 et 4 traités par bithérapie pegylée. Une étude réalisée chez les patients co-infectés VIH-VHC trouve les mêmes résultats. Les patients de génotype 1 porteurs de l’allèle CC pour le SNP rs 12979860 ont une réponse virologique soutenue dans 65% des cas contre 30% chez les patients porteurs des allèles CT ou TT. Dans les années à venir la détermination du polymorphisme de l’IL-28B pourrait devenir un critère majeur pour l’indication et le type de traitement de l’hépatite chronique C.