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Act Up-Paris dénonce une stratégie commerciale cynique qui réduit la palette de prescription du médecin et la liberté de choix du patient

lundi 19 octobre 1998

En ce moment-même, le laboratoire Schering-Plough manoeuvre pour obtenir l’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) du Rebetron, un pack de deux médicaments contre l’hépatite C : l’interféron (Introna), sous forme injectable ; et la ribavérine, (Rebetol), sous forme de cachets.

En France, le seul traitement contre l’hépatite C est l’interféron alpha en injection sous-cutanée. Cette molécule rudimentaire ne produit que de piètres résultats et de lourds effets secondaires, situation comparable aux débuts de l’épidémie de sida, lorsque le seul médicament prescrit était l’AZT. Il existe une autre molécule, la ribavérine, qui, utilisée en bi-thérapie avec l’interféron produit de meilleurs résultats : elle permet une réduction de la charge virale du VHC en dessous du seuil de détection chez plus de 40% des patients traités contre seulement 5% des patients traités par interféron seul. Ces résultats, annoncés par Schering-Plough, ne concernent que les patients infectés par le VHC et aucun essai n’a été conduit chez les patients co-infectés par le VIH. La ribavérine n’est disponible aujourd’hui, en France, que par la biais d’ATU nominatives (1000 patients y ont accès).

A l’heure où de nombreux séropositfs au VIH sont co-infectés par le VHC, à l’heure où l’on annonce une explosion épidémiologique de l’hépatite C, Act Up-Paris exige qu’en France, les patients aient accès aux meilleurs traitements disponibles c’est pourquoi nous dénonçons les stratégies commerciales de Schering Plough :

1. Monopoliser un marché juteux : Schering Plough a perçu dans l’hépatite C un marché juteux, 600 000 personnes atteintes en 2005 selon l’INSERM. Depuis son rachat à un laboratoire mexicain, le laboratoire possède l’exclusivité internationale de la ribavérine. En revanche, l’interféron de Schering Plough (Introna(r)) est en concurrence avec d’autres médicaments du même type (Laroféron(r), Roféron(r)), que Schering Plough a cherché à évincer.

2. Forcer la demande : C’est chose faite le 3 juin 1998. Le laboratoire reçoit de la FDA (Food and Drug Administration) l’autorisation de vendre sur le marché américain, un "pack" rassemblant la Ribavérine et l’Interféron, destiné aux personnes atteintes par le VHC pour lesquelles l’Interféron seul reste inefficace. Cette pratique est inédite : l’Agence Française du Médicament nous confirme qu’il n’y a pas de précèdent de pack associant deux médicaments de galéniques différentes sur le marché français.

3. Forcer les législations : Depuis, Schering Plough cherche à étendre cette autorisation au marché européen. Après un échec auprès de l’Agence Française du Médicament, le laboratoire a adressé une demande d’autorisation de mise sur le marché (AMM) à l’Agence Européenne du Médicament. Celle-ci doit statuer dans les prochains jours. En cas d’accord, la décision européenne s’imposerait à la France.

4. Créer une jurisprudence : Schering Plough cherche donc à profiter d’un vide juridique pour pénétrer le marché français.

Ces opérations commerciales sont contraires à l’intérêt des malades :

1. Des coûts alourdis : Après le rachat de la ribavérine, aux Etats Unis, le prix de 24 semaines de traitement (durée moyenne), a été multiplié par 2,5, passant de 12500 francs à 33500 francs. Au passage, l’accès compassionnel en vigueur fut, selon nos informations purement et simplement supprimé.

2. Un choix restreint : L’imposition d’un pack indissociable restreint la palette de prescription du médecin qui n’aura plus la possibilité de décider d’associer une molécule à une autre et la liberté de choix du patient.

Ceux qui désireront associer la ribavérine à un autre interféron devront en faire la demande nominative auprès de l’Agence du Médicament Cette stratégie a des précédents : Schering Plough a imposé, de la même manière l’hégémonie du Subutex dans les traitements de substitution pour usagers de drogues, malgré le vide affligeant du dossier d’AMM. 

Act Up-Paris exige des pouvoirs publics et des autorités médicales qu’elles se prononcent contre un pack indissociable (le choix de l’interféron doit être laissé à l’appréciation du prescripteur et du patient), et une ATU de cohorte pour la ribavérine (les demandes de ribavérine des patients doivent être rapidement satisfaites).