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Edito

Amore, act up for ever

septembre 2001, par Emmanuelle Cosse

Problèmes de logement et d’accès aux droits, services hospitaliers surchargés, pas de nouvelles heureuses pour l’accès au T20 de Roche et toujours des chiffres alarmants concernant le relapse, avec la concrétisation de ce que nous annoncions depuis des mois : les MST remontent, syphilis en tête et les contaminations VIH aussi. Au même moment, on a toutes les peines du monde pour obtenir une prophylaxie d’urgence à l’Hôpital Bichat en plein mois d’août, le ministère de la Santé et la DGS ne communiquent toujours pas sur la dernière campagne de prévention sida censurée et il faut manifester devant la Mairie de Paris et diverses caméras pour résoudre UN unique cas (concernant l’accès à un logement) sur une cinquantaine en souffrance actuellement.

Ah, j’oubliais, les subventions publiques 2001 n’ont toujours pas été versées aux associations qui en sont pourtant dépendantes, Sol En Si a fermé et on se demande désormais -A qui le tour ? C’est certain, ce n’est pas seulement le manque d’argent qui fait fermer des structures. La difficulté à construire un projet associatif, à trouver la manière adéquate de répondre à l’épidémie et de défendre les séropositifs, l’explique aussi. Néanmoins, si chaque association était au moins assurée de ne pas devoir perdre son énergie à faire l’aumône, on pourrait peut être se concentrer un peu plus sur le politique.

De meilleures nouvelles viennent peut-être des pays du Sud, où malgré les pressions incessantes des Etats Unis et de l’OMC, pour les en empêcher, de nombreuses industries se déclarent prêtes à produire des génériques. Nous attendons toujours pourtant que les Etats du Nord déclarent un moratoire sur les actions des règlements des différends devant l’OMC, pour que les Etats du Sud puissent librement produire, importer et distribuer des médicaments génériques, et soigner enfin leur population. Ce que nous avons vu à Gènes, lors du dernier sommet du G8, laisse pourtant peu de marges de man ?uvre à ces pays : aucune remise en cause, dans ce sens, des accords sur la propriété intellectuelle n’est actuellement envisagée. Et pendant ce temps, des milliers de personnes attendent des traitements, pour ne pas mourir.

Nous avions raison sur les génériques. Nous avions raison sur le relapse. Il ne s’agit pas de ma part d’une crise aiguë d’orgueil mais simplement d’un constat. A Act Up nous sommes une centaine de personnes, plongée constamment dans cette épidémie, pour la contrer, pour combattre les discriminations dont nous sommes victimes. Le sida est notre quotidien, nous en sommes malheureusement des experts et c’est pour cette raison que nous avons à plusieurs reprises lancé des batailles, qu’il s’agisse de l’accès à de nouveaux molécules, la sauvegarde de nos droits, l’arrêt des discriminations, ou l’information pour enrayer le relapse. Ce qui fait la force d’Act Up, c’est notre capacité à nous battre, à nous engager sur un sujet dès que nous pensons que nous avons raison, que cela permettra de changer la donne. Dans quelques jours je ne serai plus présidente d’Act Up, une autre femme - merveilleuse - me remplacera, et je rejoindrai les rangs de la RH en militante lambda. Pendant deux ans, j’ai dirigé ce groupe et ce fut d’un plaisir exquis (et aussi très prenant), parce qu’ Act Up est un groupe brillant, efficace et nécessaire. Je pense aujourd’hui à ceux qui nous ont attaqué, à celui qui a écrit lors ma première élection « Act up perd les pédales » (ah, ah, ah, que c’est drôle), à tous ceux qui voulaient ou veulent nous voir disparaître, à ceux qui ne supportent pas qu’une femme, hétéro puisse parler du relapse, y compris chez les homos. En fait je suis triste pour tous ces gens qui n’ont pas voulu nous comprendre, qui ne sont pas tombés amoureux de ce groupe et de ce qu’il fait. Nous avons de nombreux défauts et des qualités certaines, nous sommes arrogants, fiers, sûrs de nous et pas toujours pragmatiques. Il n’empêche, nous gagnons tous les jours des victoires sur le VIH, nous faisons évoluer les mentalités et les politiques et nous contribuons à sauver des vies. Personne ne pourra nous enlever cela.

For ever Act Up for ever.