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Edito

mai 2009

L’industrie pharmaceutique n’a toujours pas compris qu’elle avait une dette envers les séropos. C’est sur nos vies qu’elle engrange des bénéfices faramineux. Ce sont nos cotisations à la Sécurité sociale, sans compter les franchises médicales ou le forfait à 1 euro qui financent l’achat des médicaments dont elle a fixé le prix exorbitant. C’est notre combat qui a permis la prise en charge à 100 % des ARV. C’est grâce à nous qu’a été mise en place une mise à disposition accélérée dont elle tire un large profit. C’est dans nos corps que nous expérimentons les effets indésirables des molécules, c’est par notre travail assidu et intense que nous les faisons remonter aux instances sanitaires concernées, assurant ainsi un travail de pharmacovigilance qui permettra aux laboratoires de faire modifier rapidement les recommandations, sans passer par des essais post-AMM qu’elle s’est toujours refusée à financer. Glaxo vient encore d’en bénéficier récemment avec l’abacavir.

L’industrie a aussi une dette envers les malades des pays pauvres, qu’elle prive de traitements en fixant des prix inaccessibles, notamment sur les médicaments de seconde ligne. Elle fait des pressions régulières pour empêcher les gouvernements du Sud d’émettre des licences obligatoires, et ainsi recourir à des génériques, moins chers, pour traiter toute leur population. On l’a encore vu avec Abbott en Thaïlande, Roche en Corée du Sud ou Glaxo, une fois de plus, en Chine.

Cette dette est une dette de sang : elle est morale, éthique et politique, et aucune subvention ne pourra nous le faire oublier. Il n’en reste pas moins que l’argent que l’industrie pharmaceutique donne à une association de séropos comme Act Up-Paris est un dû, et non un service rendu.

Or, depuis 5 ans, les dons des laboratoires à notre association ne cessent de diminuer. La contribution de BMS n’atteindra que 15 000 euros, alors que nous en attendions le double ; Glaxo, qui nous donnait seulement 20 000 euros l’an dernier, diminuera de 5 000 euros, soit 25%, son « soutien ».

On nous propose par contre des projets de « partenariat » que les labos trouveraient intéressants de financer : comme si nous n’étions pas les plus à mêmes de fixer les priorités de la lutte contre le sida, comme si nous ne percevions pas dans ces propositions la volonté de contourner la loi sur les dons de l’industrie pharmaceutique et de nous faire assumer un travail de publicité à peine déguisé.

Nos interlocuteurRICEs le savent : leur décision va nous empêcher d’imprimer et de diffuser certaines des publications d’informations thérapeutiques ou sociales que nous avions prévu de donner aux séropos. C’est aussi du travail salarié sur la veille sanitaire et sociale qui devra diminuer.

Soit : GSK, BMS et les autres considèrent que l’expertise et le plaidoyer des malades pour les malades ne valent plus leur soutien. Ils/Elles oublient, comme toujours, la dette de sang qu’ils/elles ont envers nous. Nous saurons la leur rappeler. Et puisque nous n’aurons pas assez d’argent pour assurer la diffusion d’une information pointue sur les enjeux qui s’annoncent, comme celle du coût réel des traitements, nous devrons, une fois de plus, nous en remettre aux médias, et espérer passer par des actions spectaculaires pour transmettre par leur intermédiaires quelques bribes d’ infos dont les labos auront privé les malades. Un zap ne coûte pas cher.