Accueil > L’association > Archives > Action > Edito

Edito

novembre 2008, par Marjolaine Dégremont

Durant une semaine, l’élection de Barack Obama a été une lueur d’espoir dans cette période de crise économique et sociale et nous a fait oublier momentanément le gouffre financier dans lequel tous les pays sont en train de tomber et qui tout à coup ne faisait plus la Une de la presse.

Nous ne devons pas nous leurrer, nous savons que Barack Obama devra pratiquer la Real Politik, arriver à concilier une Amérique rétrograde et conservatrice mais qui a malgré tout manifesté son mécontentement contre Georges Bush, et ses convictions personnelles qui nous l’espérons seront à la hauteur du symbole de son élection.

Nous espérons également que le rêve de Barack Obama d’une Amérique post-raciale, ne lui fera pas oublier que les minorités discriminées existent bel et bien dans son pays, alors que les Afro-AméricainEs représentent 13 % de la population générale, la population carcérale compte 40 % de noirEs.

L’Administration républicaine était inféodée aux intérêts des firmes pharmaceutiques, l’Administration démocrate saura-t-elle imposer une politique de santé au service des plus pauvres ? Y aura-t-il plus d’égalités pour les traitements des malades du sida aux USA ? Augmentera-t-elle son financement au Fonds mondial qui actuellement est dépassé par les demandes de financements des projets internationaux (le round 8 du Fonds mondial vient de se tenir et n’a déjà plus d’argent pour financer le round 9 qui doit avoir lieu dans 3 mois).
Saura-t-il reconstruire le rêve américain ?

Pendant ce temps-là en France 80 % des Français disent être pour Barack Obama…. Qu’en serait-il si un président noir se présentait aux prochaines présidentielles ? Nous savons que ce n’est ni le sexe ni la couleur de la peau qui font un programme politique, mais n’oublions pas que 53 % des Français ont voté pour Nicolas Sarkozy, alors que son programme était clairement influencé par l’Amérique républicaine, et tout ce qui s’en suit : démantèlement de la Sécurité sociale, économie ultra-libérale, renforcement des valeurs conservatrices qui ne peuvent que creuser le fossé entre les riches et les pauvres et créer plus de discriminations, d’homophobie, de racisme, de sexisme, etc.

La preuve en est, la loi Hortefeux qui renforce la reconduite aux frontières et la durée de séjour des étrangerEs en situation irrégulière dans les centres de rétention, c’est ce qu’ils appellent « l’immigration choisie ». Même démonstration avec la loi Hôpital, PatientEs, Santé, Territoires (HPST), suite logique de la T2A (Tarification A l’Activité), qui va contribuer à l’appauvrissement des malades déjà en grande précarité pour beaucoup. La pression de la T2A s’applique déjà à un certain nombre de secteurs, tels que la psychiatrie ou les maladies infectieuses, et s’illustre par la fermeture du service des maladies infectieuses de l’hôpital Saint Joseph à Paris. Et si l’on tient compte de l’effondrement de toutes les places financières dans le monde, cela ne peut qu’engendrer plus de chômage, plus de pauvreté et moins de soutien au milieu associatif. A tout cela s’ajoute l’arrêt rendu par la Cour de Cassation le 12 novembre dernier qui, en blanchissant Christian Vanneste de ses propos homophobes, légalise à nouveau l’homo-phobie et rend presque caduque la loi de 2004, au nom de la liberté d’expression.

Dans ce climat difficile pour touTEs, une menace s’ajoute pour les personnes vivant avec le VIH : dans le monde entier, on voit fleurir des procès pour transmission du VIH, et même pour exposition au VIH sans transmission (Bénin, Canada, Suède, Suisse). Les mères qui accouchent d’enfants séropositifVEs peuvent également se retrouver derrière les barreaux dans certains pays comme la Guinée Bissau ou le Togo. Aux Etats-Unis, trente-deux Etats disposent de lois prévoyant une criminalisation de la transmission du VIH et on estime à plusieurs milliers le nombre d’AméricainEs faisant l’objet de poursuites avec ce chef d’accusation.

Cette criminalisation rampante ne peut qu’encourager la dissimulation de son statut sérologique, le refus de se faire dépister et de fait, une propagation souterraine du virus. Pour l’instant en France nous n’avons pas de loi visant directement la transmission du VIH, près de dix personnes sont en prison, accusées ou condamnées pour « tentative d’empoisonnement », « mise en danger de la vie d’autrui » ou « administration d’une substance nuisible entraînant une infirmité à vie ». Alors que Nicolas Sarkozy s’est engagé à l’occasion de la conférence de Mexico à lutter contre la pénalisation du VIH, le premier procès en Assises s’ouvre le 1er décembre, journée mondiale contre le sida. Le procès concerne une femme séropositive qui est accusée d’avoir contaminé son mari.

Nous séropositifVEs en avons assez d’être discriminéEs ; rejetéEs par nos partenaires quand ils connaissent notre statut séro-logique ; jugéEs comme des criminelLEs ; considéréEs comme des pestiféréEs par la majorité dominante qui nous rend systémati-quement responsable de l’épidémie de sida, alors que l’on sait aujourd’hui que la plupart des contaminations ont lieu parce que les personnes ignorent leur statut sérologique. Nous avons lancé une pétition internationale contre la criminalisation de la transmission du VIH, que nous invitons le plus grand nombre à signer : www.actupparis.org/article3503.html
Nous en avons assez que 7 000 personnes se contaminent chaque année en France parce qu’elles sont dans le déni du sida et qu’elles n’utilisent pas de préservatifs.

Nous marcherons tous ensemble le 1er décembre derrière le slogan « sida : prévenir, ne pas punir ». Rejoignez-nous !


Le 25 septembre 2008, à la suite de plusieurs démissions, les membres d’Act Up-Paris ont élu un nouveau Conseil d’Administration : Marjolaine Degremont a été réélue Présidente ; Mikaël Quilliou, Secrétaire général ; Stéphane Deumier, Trésorier et Aziz Aoudia, Vice-président.