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Dossier Kaposi

Pour en savoir plus

jeudi 30 octobre 2008

Cet article peut être plus ardu mais c’est en élevant le niveau du savoir des uns et des autres, que la relation entre le malade et son médecin peut s’améliorer. Ces informations un peu plus pointues permettront peut-être de mieux comprendre le discours médical et apportera sans doute un meilleur éclairage sur les traitements.

Origine cellulaire du sarcome de Kaposi
Plusieurs types cellulaires peuvent être candidats pour l’origine :
 les cellules endothéliales : cellules spécialisées qui bordent de façon continue – ce que l’on appelle l’endothélium – les vaisseaux sanguins ou lymphatiques et sont en contact direct avec le sang ou la lymphe ;
 les cellules musculaires dites lisses (par opposition à celles des muscles squelettiques dites striées) ;
 les monocytes et les cellules qui en dérivent, les macrophages et cellules dendritiques.

Le HHV-8 ou KSHV, mode d’emploi
Famille : le HHV-8 (human herpes virus en anglais) est le dernier membre découvert de la famille des Herpesviridae. Les HHV-1 et HHV-2 correspondent aux deux virus de l’herpès oraux et génitaux, HSV-1 et HSV-2 ; le HHV-3 est le virus du zona et de la varicelle (VZV, varicella zoster virus en anglais) ; le HHV-4 est le virus d’Epstein-Barr (EBV) ; le HHV-5 est le cytomégalovirus (CMV) ; et les HHV-6 et 7 correspondent aux roséolovirus.
Découverte : le HHV-8 a été isolé en 1994 dans une lésion d’un sarcome de Kaposi chez une personne séropositive pour le VIH, d’où son autre nom, herpès virus associé au sarcome de Kaposi (KSHV en anglais). Les données épidémiologiques ont confirmé sa forte association avec le sarcome de Kaposi. De plus, ce virus à ADN code pour tout un ensemble de protéines homologues à des oncogènes cellulaires, ce qui renforce l’hypothèse de son implication dans l’apparition de lésions à caractère cancéreux. Même si, une fois infectée, la personne reste porteuse du virus pour la vie, cela ne veut pas dire qu’elle va nécessairement développer un cancer du type sarcome de Kaposi. Cet événement reste rare.
Mécanisme d’action : comme pour les virus de l’herpès HSV-1 et HSV-2 (voir dossier Protocoles 49), le virus HHV-8 peut se présenter sous forme latente ou lytique. Contrairement aux virus HSV-1 et 2 qui affectent plutôt les cellules des muqueuses (cellules épithéliales) et restent à l’état latent dans des cellules nerveuses de certains ganglions, le HHV-8 affecte principalement les cellules des vaisseaux (cellules endothéliales), des cellules épithéliales, des lymphocytes, les kératinocytes et les cellules stromales de la moelle osseuse. Les monocytes et les lymphocytes B servent de réservoirs.
Tout n’est pas encore connu sur ce virus récemment découvert et il est possible que d’autres pathologies lui soient associées, en dehors du sarcome de Kaposi, de la maladie de Castleman et du lymphome primaire effusif.

Traitement du Kaposi
Pour les atteintes cutanées invalidantes, le rapport d’experts préconise des chimiothérapies locales à base d’une solution à 0,2 à 0,3 mg/ml de vinblastine (Velbé®) ou de bléomycine. L’effet systémique de telles chimiothérapies anticancéreuses (bléomycine ou doxorubicine sous une forme liposomiale, Caelyx®) sur les lésions cutanées n’a pas été évalué sur une courte durée (2 à 3 mois pour limiter les effets toxiques). Le rapport mentionne aussi l’utilisation possible, mais restreinte, de l’interféron de type alpha 2a recombinant qui est, de toute façon, contre-indiqué en cas d’immunodéficience (nombre de CD4 inférieur à 200/mm3).
Pour les formes évoluées et notamment les atteintes viscérales, différents agents anticancéreux de type cytotoxique sont préconisés par le rapport d’experts français. Il s’agit de préférence de la doxorubicine liposomiale Caelix®, dosée à 20 mg/m2 toutes les deux ou trois semaines. Elle est en effet plus efficace et mieux tolérée, notamment au niveau cardiaque, que le traitement classique à base de trois agents anticancéreux : adriamycine, vincristine et bléomycine. Un autre produit, la daunorubicine sous forme liposomiale [1] (Daunoxome®) peut être administrée à 40 – 60 mg/m2 toutes les deux semaines. La doxorubicine et la daunorubicine appartiennent à la même classe d’anticancéreux (anthracyclines) et en cas d’échec du traitement du sarcome de Kaposi avec ces molécules, une autre classe peut être proposée, celle des taxanes dont font partie le paclitaxel (Taxol®) et le docétaxel (Taxotère®). Seul le paclitaxel est autorisé en Europe pour le traitement du sarcome de Kaposi, dosé à 100 mg/m2 tous les quinze jours. Le paclitaxel s’est avéré efficace chez environ 60 % des personnes traitées (réponses complètes ou partielles) et bien toléré.

Est-il possible d’améliorer les traitements du
Kaposi chez les personnes vivant avec le VIH ?
Des essais sont en cours pour effectivement améliorer cette prise en charge. En particulier, du fait de l’implication des cellules qui forment les vaisseaux dans le développement du sarcome de Kaposi, des composés dits anti-angiogéniques sont actuellement évalués dans cette maladie (l’angiogenèse est la formation de nouveaux vaisseaux). Ils visent à enrayer la production de nouveaux vaisseaux sanguins, tout particulièrement en bloquant un facteur de croissance des cellules endothéliales qui forment les vaisseaux, le VEGF (vascular endothelial growth factor en anglais). Les produits correspondants sont un anticorps monoclonal dirigé contre le VEGF (bevacizumab/Avastin®) et des petites molécules de synthèse agissant sur les récepteurs du VEGF présents à la surface des cellules endothéliales (sorafenib/Nexavar® et sunitinib malate/Sutent®). D’autres molécules sont aussi évaluées : des analogues de médicaments actuellement utilisés comme des dérivés de la vitamine A, des inhibiteurs de cytokines, …


[1Particule sphérique composée de lipides emprisonnant le médicament assurant une meilleure pénétration de celui-ci à l’intérieur de la cellule pour y agir