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15e CROI 2008 à Boston

La transmission du virus du sida en question [3ème jour]

mercredi 6 février 2008

Si l’on s’intéresse à la question de la transmission du virus du sida, l’ensemble des sessions ou des posters présentés à la CROI 2008 - qu’il s’agisse d’essais d’intervention ou de science fondamentale, montre à quel point on connaît encore mal les mécanismes impliqués dans la transmission du VIH et les facteurs qui y sont associés.

Déceptions en série dans les essais de prévention du sida par le traitement de l’herpès

Les données épidémiologiques et biologiques mettent en évidence un doublement ou un triplement du risque d’acquisition du virus du sida (VIH) chez les personnes porteuses du virus de l’herpès de type 2 (HSV-2). Plusieurs essais randomisés ont été mis en place pour déterminer si le traitement de l’herpès par l’acyclovir chez des personnes séronégatives au VIH pouvait réduire le niveau de transmission du sida.

Les résultats d’un large essai multicentrique américain (HPTN 039 mené au Pérou, en Afrique, et dans une moindre mesure aux Etats-Unis) étaient présentés aujourd’hui à la CROI. Deux populations avaient été recrutées dans cet essai randomisé : 1 355 hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes au Pérou et 459 aux Etats-Unis ainsi que 1 358 femmes en Afrique. Les résultats préliminaires ne montrent aucun bénéfice du traitement de l’herpès par l’acyclovir chez les personnes porteuses du HSV-2 pour prévenir l’infection par le VIH.

L’observance du traitement de l’herpès était très forte (90%, même si elle a pu être surestimée), ce qui ne permet donc pas d’expliquer l’absence de bénéfice du traitement en ce qui concerne la transmission du VIH malgré la réduction constatée du nombre d’ulcérations génitales. Les résultats sont concordants avec ceux de l’essai mené à Mwanza.

C’est un nouvel échec en ce qui concerne les essais préventifs qui vient à nouveau rappeler la complexité des mécanismes de diffusion de l’épidémie. Les interactions entre le VIH et le virus de l’herpès restent largement méconnues. On ne peut déterminer si l’absence d’efficacité constatée dans ces essais est liée à la nature de l’intervention ou à son concept. Toutefois, de nouvelles pistes pourraient être explorées avec l’arrivée de nouveaux traitements de l’herpès.

De nouvelles pistes dans la prévention secondaire

Jane Hitti, de l’université Washington à Seattle a présenté des résultats importants concernant l’intérêt du maintien d’une flore vaginale contenant une bactérie capable de produire de l’hydrogène peroxyde (H2O2+) afin de réduire la charge virale au niveau vaginal. La présence de cette bactérie, le lactobacillus H2O2+, contrôle la présence d’autres bactéries pathogènes mais elle varie au cours du temps et peut être absente chez certaines femmes.

51 femmes étaient inclues dans l’étude dont 39% avaient une charge virale indétectable dans le sang, les visites avaient lieu tous les 3 ou 4 mois. La présence de cette bactérie variait largement selon les femmes et dans le temps. 47% des femmes présentaient une colonisation stable entre les visites, 15% ont acquis la bactérie et 14% l’ont perdue. L’étude met en évidence que la présence de colonies de lactobacillus dans la flore vaginale peut réduire d’un facteur 10 la charge virale vaginale alors que sa disparition peut entraîner un triplement de la charge virale au niveau vaginal.

L’intérêt de cette découverte en matière de prévention reste encore à établir. Elle met cependant en évidence une variabilité de la charge virale dans le compartiment génital sous l’influence d’autres facteurs que l’observance du traitement et le contrôle de la charge virale dans le sang. On peut imaginer à l’avenir une colonisation de la flore vaginale par un traitement ciblé. La bactérie est de la même famille que celle contenue dans les yaourts. Faut-il pour autant manger plus de yaourts ? En réalité il s’agit d’une bactérie légèrement différente dont la spécificité est sa capacité à produire l’hydrogène peroxyde.

Programmes de circoncision : une approche plus complexe qu’il n’y paraît

La circoncision des hommes séropositifs peut accroître le risque de transmission du sida

Trois essais randomisés menés en Afrique Australe ont mis en évidence l’intérêt de la circoncision pour réduire le niveau de transmission sexuelle du virus du sida de la femme vers l’homme dans ces populations. L’un de ces essais était mené sur le site de Rakai en Uganda. Rappelant très à propos, qu’il n’y a pas que des hommes séronégatifs... les investigateurs de Rakai ont étudié parallèlement à la circoncision des hommes séronégatifs l’effet de la circoncision des hommes séropositifs sur la transmission du sida chez leurs partenaires féminines. Les chercheurs craignaient qu’en ne menant l’essai que chez des séronégatifs, les personnes inclues ne soient identifiées comme séronégatives ce qui aurait pu entraîner des prises de risques plus importantes venant troubler les résultats.

Au-delà de ces motivations, l’intérêt de cette étude est particulièrement important car dès lors que des programmes de circoncision à grande échelle seront lancés pour réduire l’impact de l’épidémie dans ces pays, ils impliqueront nécessairement la question de la circoncision des hommes séropositifs. Il est difficile d’imaginer de pouvoir exclure les séropositifs candidats à la circoncision. Surtout, cette exclusion pourrait constituer un fort facteur de stigmatisation - le fait d’être circoncis ou non circoncis étant clairement visible.

Dans l’étude, les complications liées à l’acte chirurgical de circoncision chez les séropositifs n’étaient pas plus importantes que chez les séronégatifs. Toutefois les personnes bénéficiaient d’un suivi hebdomadaire car l’étude constituait un sous-groupe d’un programme de soutien à l’observance. D’autres études seront nécessaire pour documenter l’innocuité de la circoncision chez les séropositifs en fonction du niveau de CD4. Le bénéfice de la circoncision pour les personnes circoncises était de 36% de réduction du nombre d’ulcérations génitales.

Dans les essais circoncisions menés en Uganda, tous les hommes étaient invités à enrôler leurs partenaires dans l’étude pour déterminer l’efficacité de la circoncision sur la transmission du VIH et des IST de l’homme vers la femme. Il n’y avait pas d’effet bénéfique de la circoncision en termes de contaminations des femmes dont le partenaire séropositif était circoncis. Le risque de transmission du virus était même potentiellement aggravé. Une reprise de l’activité sexuelle trop précoce, avant la cicatrisation totale (en moyenne 6 semaines), explique probablement ce risque plus important de transmission du VIH.

Les essais de circoncision chez les séronégatifs avaient déjà montré l’absence d’effet bénéfique de la circoncision pour l’acquisition du virus dans les premiers mois. Ce qui suggère qu’indépendamment du statut sérologique de l’homme circoncis, il doit être fortement recommandé aux personnes circoncises et à leurs partenaires de ne pas reprendre une activité sexuelle avant le délai de cicatrisation ou d’utiliser systématiquement un préservatif sachant que l’usage du préservatif peut accroître le délai de cicatrisation.

Ces résultats compliquent les stratégies qui devront être mise en œuvres dans le cadre des programmes de circoncision recommandés par l’OMS et l’Onusida pour les pays d’Afrique Australe. Il devient nécessaire d’évaluer l’impact potentiellement négatif de ce sur-risque potentiel dans ces pays à forte prévalence. Outre les risques d’évolution des prises de risques liés à l’introduction de la circoncision et le renforcement des inégalités de genre dans la négociation du port du préservatif, cette étude montre combien il sera difficile de transposer les résultats des essais de circoncision en population pour obtenir un effet consistants en matière de réduction des contaminations. L’impact positif de la circoncision sur la transmission du VIH étant attendu à l’échelle de plusieurs années, il devient peut-être nécessaire de s’interroger à nouveau sur l’opportunité de commencer par des programmes de circoncision chez les adultes plutôt que chez les enfants et les jeunes adolescents.