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VIH et emploi

avril 2008

De nombreux malades souhaitent occuper un emploi, pour améliorer leurs revenus, rompre avec l’isolement ou parce qu’ils et elles considèrent le travail comme un facteur d’intégration sociale. Mais tout montre que le monde du travail n’est pas adapté aux personnes vivant avec les polyhandicaps que peut engendrer le VIH /sida.

Au retard général de la France, et notamment de ses entreprises, en matière de prise en compte et de compensation de tous les handicaps, s’ajoutent les discriminations spécifiquement fondées sur les représentations erronées de cette pathologie.
Dans ce cadre, et en l’absence d’une réponse appropriée des pouvoirs publics, le discours sur le retour au travail des personnes vivant avec le VIH doit être plus que prudent. L’accent doit d’abord être mis sur l’accès à un revenu décent, ce qui implique une revalorisation majeure de l’AAH et sa conservation en cas de reprise d’un emploi.

Aujourd’hui 56 % des séropositifVEs sont sans emploi

Selon l’enquête Vespa de l’ANRS relative aux conditions de vie des séropositifVEs, parmi les moins de 60 ans diagnostiquéEs depuis 1996 et qui avaient un emploi au moment du diagnostic, près d’un sur trois n’en avait plus en 2003. Pour 40 % de ces personnes, la perte de leur emploi était consécutive à un arrêt maladie lié au VIH. Ce sont ainsi près de 43 % des séropositifVEs qui se trouvent privéEs d’un revenu lié à l’emploi, et seulE unE sur cinq perçoit une allocation chômage. La plupart des personnes relève du dispositif de compensation pour les handicapéEs : 39 % bénéficiaient en 2003 de l’Allocation aux adultes handicapéEs (AAH), 21 % d’une pension d’invalidité, et seulement 9 % du RMI. PrivéEs d’emploi, sept séropositifVEs sur dix vivent de minima sociaux aux montants ridicules.

Un tiers sont victimes de discriminations au travail

Dans une enquête publiée par Sida Info Service sur les discriminations à l’égard des personnes vivant avec le VIH, un tiers des séropositifVEs déclarent avoir été victimes de discriminations dans la sphère professionnelle. Railleries, mises à l’écart, injures, harcèlement moral sont autant de pratiques relevées. On comprend alors pourquoi 70 % des participantEs à l’enquête Vespa taisent leur état de santé. Cela se comprend d’autant plus qu’il est quasiment impossible de prouver la discrimination fondée sur la séropositivité en cas de procédure judiciaire, puisque la charge de la preuve incombe à la personne discriminée, et qu’une telle preuve est très difficile à faire valoir.

Des dispositifs pour les handicapéEs insuffisants et trop peu appliqués

Seulement 8 % des personnes interrogées dans le cadre de l’enquête Vespa bénéficient d’un emploi adapté, en termes d’horaires ou de temps de travail. Cela s’explique en partie par le fait que beaucoup de séropositifVEs n’osent pas demander le statut de travailleurSE handicapéE, de peur d’être stigmatiséEs par leurs collègues et leur employeurSE. Passer par la médecine du travail peut faire peur : le risque de voir alors son état de santé dévoilé, en dépit de l’obligation de confidentialité, n’est pas imaginaire. La crainte de perdre son emploi ou d’être discriminéE décourage les personnes de recourir à leurs droits.

Mais ce faible recours aux possibilités d’adaptation des conditions de travail s’explique avant tout par le retard alarmant, pris par la France, en matière de prise en compte des handicaps dans l’organisation du travail et notamment des handicaps évolutifs. Par exemple, si la médecine du travail a la possibilité de prendre des mesures spécifiques en faveur du/de la salariéE -mutation, changement de poste, aménagement du travail en termes d’horaires, de type d’emploi, de temps de travail, etc. ses décisions sont peu appliquées par les employeurSEs, qui évoquent le plus souvent l’impossibilité de les mettre en œuvre. Il est aussi très simple de s’acquitter, moyennant une taxe, de l’obligation d’embaucher un quota de personnes handicapées. A ce titre, la fonction publique notamment territoriale, est souvent loin de montrer l’exemple.

Quant à l’ANPE, elle n’a le plus souvent rien à proposer aux séropositifVEs à la recherche d’un emploi.

Le retour à l’emploi : un risque de précarisation accrue pour beaucoup de bénéficiaires de l’AAH

Lorsqu’on a vécu avec l’AAH et qu’on souhaite retrouver un emploi, une autre faille du dispositif menace. En effet, en cas de reprise d’un travail, qui pour raisons de santé doit être abandonné au bout de quelques mois, l’accès à l’AAH est alors à nouveau d’actualité, mais son montant risque alors d’être revu à la baisse, puisque les administrations vont prendre en compte les ressources liées aux quelques mois de travail. Cette situation a concerné des dizaines de malades qui ont sollicité la permanence sociale d’Act Up-Paris au cours des dernières années, à la suite d’un retour à l’emploi qui s’est mal passé et qui a débouché sur une précarité plus importante encore. Il faudrait donc pouvoir cumuler l’AAH et un revenu lié à l’emploi, dans des proportions bien supérieures à celles qui existent déjà.

Parce que c’est au monde du travail de s’adapter aux malades et aux handicapéEs, et non l’inverse, nos revendications

 un plan de prévention des discriminations des personnes handicapées, et notamment des malades du sida, dans le milieu du travail ;
 l’inversion de la charge de la preuve en cas de discrimination d’unE employeurSE en raison de l’état de santé ;
 l’application effective de l’obligation pour les employeurSEs d’embaucher un quota de personnes handicapées, et d’aménager les conditions de travail en fonction des aptitudes réelles des individuEs ;
 la possibilité de cumul de l’AAH avec un revenu lié à l’emploi.