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Journée mondiale de lutte contre le sida

Sida : bientôt la parité. A quand l’égalité ?

Manifestation vendredi 30 novembre / 18h30 / Porte Saint-Denis

vendredi 30 novembre 2007

Les femmes sont désormais quasiment aussi nombreuses que les hommes à être touchées par le virus du sida. C’est une forme de parité que personne n’a souhaitée.

On connaît le contexte actuel de développement de l’épidémie en France : la persistance inquiétante des contaminations, l’absence de grandes campagnes de prévention, l’ignorance et la désinformation globale de la plupart des citoyenNEs, les restrictions sans cesse accrues à l’accès aux soins. Ce cocktail favorise la progression de l’épidémie dans de nouvelles couches de populations, et nuit en premier lieu aux femmes, plus exposées physiologiquement aux risques de contamination que les hommes.

Bientôt autant de femmes séropositives que d’hommes séropositifs ; à quand l’égalité des femmes et des hommes face à la recherche, face aux programmes de prévention, face à l’emploi, face aux revenus, devant les soins ?

Pour que les femmes ne soient plus les oubliées de l’épidémie, nous manifesterons le vendredi 30 novembre, à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le sida, de la porte Saint-Denis vers la place de la Bastille, avec pour mot d’ordre « Sida : bientôt la parité. A quand l’égalité ? ».


Sommaire

Sida : bientôt la parité. A quand l’égalité ?

En France, les femmes représentent 42% des nouvelles contaminations. Les rapports hétérosexuels sont devenus le premier mode de contamination (48% des contaminations, contre 29 % par rapports homosexuels et 2 % par usage de drogues injectables). Parmi les femmes nouvellement dépistées qui indiquent leur mode de contamination, 97% invoquent un rapport hétérosexuel (40% chez les hommes) [1]. Pourtant on continue d’assimiler le sida aux « autres » : homosexuels, toxicomanes, étrangerEs, prostituéEs, transfuséEs et autres catégories dites « à risque ». _ À quand une approche réaliste, et non fantasmatique, de l’épidémie ? Ni jeunes, ni vieilles, les femmes récemment dépistées semblent bien être « comme tout le monde » : leur âge moyen au moment du dépistage est de 34,9 ans (39,3 ans chez les hommes) et il tend à augmenter (de 33 ans en 2003, il est passé à 35 ans en 2006). Elles ne sont pas si étrangères non plus : à peine plus d’une femme diagnostiquée positive sur deux (56%) était étrangère l’an passé, la proportion de personnes de nationalité étrangère ayant régulièrement baissé depuis quatre ans parmi les nouveauxELLES séropositifVEs (46% en 2003, 37% en 2006). Moins informéEs enfin, ou moins vigilantEs, les hétérosexuelLEs françaiSEs semblent en danger : elles et ils se font dépister plus tardivement que les autres séropositifVEs. 17% le sont au stade sida (14% chez les femmes, 26% chez les hommes), contre 7% des homosexuels ou 15% des hétérosexuels étrangers. À quand des campagnes de prévention qui s’adressent enfin aux femmes et aux hommes hétérosexuelLEs ?
Dans le monde, 48% des séropositifs sont des séropositives, mais on ne recense que 20 à 30 % de femmes dans les essais, et l’influence du sexe n’est étudiée qu’exceptionnellement sur la tolérance aux traitements, leurs effets secondaires ou l’évolution de la maladie. À quand une recherche qui s’occupe des conséquences du virus et des traitements sur les corps des femmes ?

En France, 77,8 % des femmes dépistées positives entre janvier 2003 et mars 2004 n’exerçaient pas d’activité professionnelle.
On le sait, les femmes gagnent moins, sont plus pauvres, ont plus souvent à charge les enfants que les hommes, et mettent souvent en jeu leur santé pour subvenir aux besoins du foyer. On le sait moins : les femmes séropositives sont 3 à 8 fois plus affectées par la pauvreté que les autres femmes. Comment faire de sa santé une priorité quand se nourrir, se loger sont des soucis quotidiens ? Comment survivre quand, en plus, on est malade ? À quand des mécanismes qui corrigeront les disparités salariales, mettront à égalité face à l’emploi, réduiront les écarts entre hommes et femmes ? Au lieu de quoi le gouvernement actuel renforce les inégalités : les femmes séropositives seront les premières à souffrir des franchises médicales et du refus d’augmenter les minima sociaux.

Prévention : s’adresser aux femmes et aux hommes, parler explicitement de sexualité

L’hétérosexualité, le couple, la confiance en l’autre, la fidélité ne protègent pas du sida. La classe sociale, la couleur de peau et la « bonne mine », non plus. Une femme qui a une sexualité, c’est déjà gênant. Une femme qui propose une capote, ça l’est d’autant plus qu’elle l’assume.
La prévention passe par la possibilité réelle, symbolique et matérielle, de négocier l’usage du préservatif comme d’accepter ou de refuser une relation sexuelle. Celle-ci continuera à rencontrer des échecs si les campagnes de prévention ne s’attaquent pas aux relations entre hommes et femmes et aux représentations qui y sont associées.

Parler de la sexualité des femmes
Les - très rares - campagnes de prévention du sida destinées au grand public se refusent toujours à parler des pratiques et du plaisir sexuels, et encore moins des pratiques et du plaisir sexuels des femmes.
Lors d’un rapport hétérosexuel vaginal, la probabilité de contamination est plus importante (2 à 5 fois) pour la femme que pour l’homme
 : le sperme est plus contaminant que les sécrétions vaginales (il contient jusqu’à 10 fois plus de virus), la muqueuse offre une surface plus large avec plus de risques de microlésions, et le sperme peut rester plusieurs jours dans le vagin.
Ces risques sont augmentés dans certains cas pour les femmes : en cas d’infections génitales, pendant les règles ou selon l’âge. Les jeunes femmes ont un col immature et plus exposé, la muqueuse est plus fragile en période de ménopause, et suite aux accouchements. Et certains moyens de contraception peuvent jouer un rôle dans la transmission : le stérilet augmente le flux menstruel et peut endommager le préservatif masculin, certains spermicides sont susceptibles d’irriter la muqueuse vaginale.
Utiliser un préservatif et l’exiger de son/ses partenaire/s n’est pas toujours évident. Pourtant, qu’il soit masculin (capote) ou féminin (fémidon ), il constitue le seul moyen d’avoir une sexualité sans risque. Depuis quand une campagne massive de prévention ne l’a-t-elle pas rappelé ?

S’adresser aussi aux hommes
On assigne aux hommes comme aux femmes des rôles sociaux qui les enferment, et les mettent en danger. Aujourd’hui les politiques publiques font perdurer l’invisibilité de l’homme hétérosexuel dans l’épidémie : « tout se passe comme si l’homme hétérosexuel était la norme de référence et, à ce titre, ne pouvait être cible de la prévention, la personne à risque étant toujours l’autre. » [2]
Il y a bientôt dix ans, des chercheures relevaient déjà un curieux couple, figure fantasmatique récurrente dans les discours de prévention du sida : « la femme sans sexualité et l’homme irresponsable » [3]. Aujourd’hui ces représentations perdurent. Entre une femme « responsable mais sans sexualité », à laquelle on adresse un message à l’eau de rose, et un « homme irresponsable » auquel on ne s’adresse pas, rien ne bouge.

Une responsabilité partagée
Face à la tentation de criminaliser la transmission du virus qui a émergé ces dernières années, nous tenons pour responsables les politiques publiques et leur ignorance des représentations des genres et de la sexualité. La responsabilité partagée, non au sens juridique de répartition des fautes, signifie au contraire que chacunE est pleinement responsable de soi et de l’autre. Cela implique de donner les moyens à touTEs d’être conscientE de ses responsabilités et acteurTRICEs de prévention : s’informer, se fournir en matériel de prévention et l’utiliser. Ce concept de prévention doit être réinvesti.

Nous exigeons :

 des campagnes de prévention régulières et répétées qui mettent en scène la sexualité des femmes et responsabilise de façon partagée les différentEs partenaires.

 des campagnes de dépistage, en particulier en direction des hommes. La disproportion des dispositifs de dépistage chez les femmes et chez les hommes minimise en effet l’épidémie chez ces derniers. Les femmes sont dépistées lors des grossesses ou des IVG, mais pour les hommes, quelles sont les occasions de bilans de santé ? Les médecins généralistes, notamment, doivent apprendre à parler de sexualité et proposer des bilans réguliers intégrant des dépistages du VIH pour les hommes de tous âges.
des campagnes sur la contraception qui soient cohérentes avec celles de lutte contre le sida : rappeler systématiquement que, bien utilisé, le préservatif est un contraceptif, mais que la pilule, elle, ne protège pas du sida.

 davantage d’information et d’accès aux préservatifs : il faut mettre massivement les préservatifs à disposition, dans toutes leurs variétés. Qui sait qu’en plus du préservatif en latex, il existe des préservatifs en polyuréthane ? Que le préservatif dit « féminin », outre qu’il est en polyuréthane, est adapté pour toutes les anatomies ? Or sur 100 préservatifs distribués aujourd’hui en France, à peine plus d’un est féminin [4]. Les proportions doivent être corrigées. Le prix d’un préservatif féminin (dit féminin) est prohibitif (entre 2 et 3 euros) : les prix doivent être alignés. Il faut plus de distributeurs gratuits et accessibles. Dans les établissements scolaires bien sûr, mais aussi dans les administrations, sur les lieux de travail, dans tous les lieux où les gens vivent et circulent.

Traitements et Recherche : on ne soigne pas les femmes comme les hommes

Dans l’infection à VIH, la recherche n’a pas suffisamment étudié les spécificités des femmes séropositives. Il est pourtant primordial de connaître précisément l’impact de la maladie et des traitements lourds sur nos corps. Par exemple, la taille en moyenne plus petite des organes des femmes font que les concentrations de certains antirétroviraux sont plus élevées chez elles. Une cohorte italienne [5] montre que les femmes sont plus de deux fois susceptibles d’arrêter les traitements pour raison de toxicité que les hommes.

Moins de 30% de femmes dans les essais

Aujourd’hui encore et malgré les interpellations multipliées depuis tant d’années sur ce problème, les traitements sont toujours testés sur des corps masculins. Les femmes ont pourtant incontestablement des métabolismes, des interactions hormonales et des effets indésirables différents de ceux des hommes.
On recense 20 à 30 % de femmes dans les essais. Entre 1990 et 2000, sur 49 essais cliniques, la proportion de femmes incluses était de 12,25 % et l’influence du sexe n’a été étudiée que dans deux d’entre eux. Sur 13 essais récents testant de nouveaux traitements la proportion de femmes participantes oscille entre 10 et 30 %.
Les arguments pour justifier le faible taux de femmes dans les essais sont pour le moins paradoxaux : tantôt ce serait parce qu’il n’y aurait pas de si grandes différences entre les métabolismes des hommes et des femmes. Tantôt ce serait parce que les variations hormonales des femmes seraient telles qu’elles risqueraient de fausser les résultats.
L’éthique est également invoquée pour refuser aux femmes d’entrer dans les essais : le risque d’être enceinte et que les médicaments entraînent des malformations sur le fœtus est un argument quasi systématique. Croit-on les femmes incapables d’avoir une contraception quand elles entrent dans un essai ? Faut-il s’empêcher de développer des traitements pour les femmes en raison d’une grossesse potentielle ? Et comment étudier les effets des traitements pour les femmes et leur enfant si elles sont enceintes une fois le traitement commercialisé ?
On nous oppose enfin que les femmes ne feraient pas suffisamment les démarches pour participer à des essais. Encore faudrait-il qu’on défende l’intérêt scientifique de les y intégrer, et qu’on se donne les moyens de les recruter.

Des études qui n’interrogent pas les spécificités des femmes

Si la question de la participation des femmes est primordiale, il faut aussi se pencher sur le contenu même des recherches menées. Ce n’est pas parce que 100 femmes se seront portées volontaires pour rentrer dans l’essai de la toute dernière molécule du laboratoire X qu’on en saura plus des effets secondaires sur leur libido si la question n’a pas été posée au préalable. Certes il existe des études portant sur la question des effets secondaires différents sur les corps des hommes et des femmes, mais elles sont encore bien trop peu nombreuses au regard du nombre de femmes touchées par le sida.
Par exemple, la cohorte VIHGY (Cohorte CO17, recherche biomédicale ANRS, « Etude de la pathologie génitale liée à l’infection par les papillomavirus humains chez les femmes séropositives pour le VIH » qui devrait être rapidement mise en place, nous semble incomplète et pas assez précise. Cette initiative que nous attendions depuis longtemps nous déçoit par le peu de réponses qu’elle apportera au vu des questions trop vagues qu’elle pose.

Les questions qui restent à explorer

On sait que la puissance de la charge médicamenteuse des antirétroviraux est essentielle pour maintenir la pression sur le virus, mais que donnent ces dosages calculés sur des corps masculins en termes de toxicité et d’effets secondaires sur les corps féminins ?
On sait que la concentration des antirétroviraux est variable selon le sexe et selon le traitement (l’atazanavir, le lopinavir, l’efavirenz, la névirapine se retrouvent à une concentration plasmatique 20% plus élevée chez les femmes, et celle du saquinavir est deux fois plus élevée chez elles), mais sait-on si le traitement optimal pour les hommes est le même que pour les femmes ?
On sait que les femmes ont des cycles hormonaux qui peuvent avoir d’importantes variations, mais que sait-on de l’interaction des antirétroviraux avec les hormones stéroïdiennes, les gonadotrophines, la contraception, les traitements substitutifs de la ménopause ou la grossesse ?
On sait que les femmes séropositives ont plus de risques de développer des problèmes cardio-vasculaires que les femmes séronégatives, qui bénéficient, elles, d’une protection « naturelle » jusqu’à la ménopause, mais sait-on ce qui explique la perte de cette protection ?
On sait que le lopinavir provoque chez l’homme une baisse de la libido, mais que sait-on de son influence sur celle des femmes ?
On sait que la grossesse induit une augmentation du volume du corps, une accélération du débit sanguin, mais que sait-on de l’évolution des médicaments filtrés, métabolisés, éliminés plus vite par les corps des femmes enceintes ?
On sait que les lipodystrophies « masculinisent » les corps féminins, mais sait-on si une accumulation de graisses au niveau viscéral n’a pas une influence sur la survenue de ménopauses précoces ?

Nous voulons savoir

Pour chaque recherche, une réflexion préalable doit être menée par les promoteursRICES et les investigateursRICES pour alimenter les connaissances encore trop peu nombreuses et très imprécises sur les spécificités féminines dans l’infection à VIH.

Cela nécessite :

 une meilleure collaboration entre chercheurEs, femmes séropositives, associations de malades et pouvoirs publics du domaine de la santé et de la recherche ;

 une augmentation du nombre de femmes dans les essais : un quart ou un tiers de femmes dans les essais n’est pas suffisant pour que les données soient valides ;
des essais qui prennent en compte les questions spécifiques aux corps des femmes.

Enfin, à l’issue des essais, les investigateursRICES et promoteursRICES se doivent de prendre en compte les résultats obtenus selon le sexe et de les analyser en conséquence.

Femmes étrangèrEs : triplement minoritaires

30% des découvertes de séropositivité en France touchent des femmes étrangères

Les populations étrangèrEs en France sont parmi les plus touchées par l’épidémie de sida.
Les personnes en situation irrégulière bénéficiant de l’Aide Médicale d’Etat sont 19 fois plus touchées par le sida que la population générale [6].
Entre 2003 et 2006, parmi les 8670 découvertes de séropositivité de personnes étrangères ou dont la nationalité n’était pas connue, 4611 concernaient des femmes soit plus 53% des nouvelles contaminations [7].
Sur le total des découvertes de séropositivité sur la même période toutes nationalités confondues, 30% concernent des femmes étrangerEs.
Les difficultés d’accès au dépistage, particulièrement accrues pour les femmes étrangèrEs, laissent penser que ces chiffres ne rendent pas compte de l’ampleur de l’épidémie dans cette population.

Triplement minoritaires

La désignation de femme étrangère nous semble préférable à celle de femme migrante ou immigrée car la notion de migration met l’accent sur la mobilité des personnes, les plaçant dans un entre deux entre leur pays d’origine et la France, alors que beaucoup sont en France depuis plusieurs années, et que pour la plupart la découverte de leur séropositivité a eu lieu ici.

De plus, la désignation d’étrangèrE met en avant la situation administrative de ces femmes par rapport à l’État français, et l’on sait que la régularité du séjour est une condition essentielle pour l’accès à la prévention, au dépistage et aux soins.
Lorsque les femmes étrangères séropositives sont visibles, c’est souvent dans une posture victimaire qui souligne les multiples dominations qu’elles subissent. Triplement minoritaires, en tant que femme, en tant que séropositive, en tant qu’étrangère, elles sont trop souvent réduites à une domination qui, paradoxalement, justifie l’inaction des pouvoirs publics : le succès médiatique de thèmes tels que la polygamie et de l’excision - sans nier ces réalités - conduit à faire du machisme et du sexisme l’apanage des cultures « non occidentales ». La sexualité des femmes étrangères devenant ainsi étrangère, les pouvoirs publics se trouveraient dans l’incapacité de s’investir de ces questions. Derrière les préjugés culturalistes, on fait porter la responsabilité de la contamination à la culture d’origine des femmes, tout particulièrement dans le cas des femmes africaines. Pourtant, en maintenant les femmes dans l’irrégularité, en réduisant l’accès aux soins et en confondant prévention et stigmatisation, les autorités françaises ont une large part de responsabilité dans l’épidémie de sida parmi les femmes étrangères.

En première ligne

Du point de vue du droit, rien ne distingue les femmes et les hommes séropositifVEs étrangerEs. Pourtant, dans une période où l’on observe une dégradation de la situation des étrangerEs malades en matière d’accès aux soins et au droit au séjour, les femmes sont incontestablement en première ligne.

Pour nombre d’entre elles, l’annonce de la séroposivité conduit à un isolement social très grand.

Au titre de la régularisation pour soins, prévue par la législation de 1997, les séropositifVEs étrangèrEs qui viennent de pays où les traitements ne sont pas accessibles devraient avoir accès à un titre de séjour. Aujourd’hui pourtant cette procédure relève de plus en plus de l’exception.

De plus, même pour les personnes régularisées, la difficulté à obtenir un renouvellement de titre de séjour et la multiplication de délivrances d’infra-titres comme les Autorisations Provisoires de Séjour amènent des femmes à perdre leurs droits sociaux, leur droit au travail et leur accès aux soins.

Enfin, les durcissements successifs de la législation sur le regroupement familial, et en dernier lieu, la loi Hortefeux de septembre 2007, touchent particulièrement les femmes qui souhaitent vivre avec leurs enfants et en sont empêchées. Vivre seulE ou mourir, vivre ici avec des traitements antirétroviraux, ou mourir en famille dans leur pays d’origine, voilà ce que l’État français propose comme choix sinistre aux femmes séropositives étrangères.

Nous exigeons :

 L’abrogation des lois de contrôle de l’immigration et notamment celles qui empêchent le regroupement familial et la possibilité pour les femmes séropositives de vivre avec leur famille en France ;

 Le respect de la loi sur le droit au séjour des malades et la délivrance de véritables titres de séjour, cartes de séjour et cartes de résident, pour les malades ;

 Des logements et des hébergements d’urgence qui puissent accueillir des femmes séropositives, avec ou sans enfants, leur permettant de suivre leurs traitements dans des conditions de confidentialité ;

 Une prévention ciblée basée sur l’accès aux préservatifs et à l’information sur la prévention et les traitements, plutôt que sur un discours stigmatisant et réducteur.

Au Sud, des femmes menacées par le sida - et par la recherche de nouveaux moyens de prévention ?

Dans le monde, 48% des séropositifs sont des séropositives.

Dans certains pays du sud, la parité est plus qu’atteinte, elle est dépassée : en Afrique subsaharienne, les femmes représentent 57% des personnes séropositives [8]. Inégalité devant l’éducation et l’information, domination statutaire des hommes, disparités accrues face aux revenus et à l’emploi : la féminisation de l’épidémie se fait, plus encore au Sud qu’au Nord, sur le lit des inégalités hommes-femmes.

Face à ce constat, quelles réponses ? Depuis dix ans, des pans entiers de la recherche prennent argument de la domination des femmes : si les femmes « n’arrivent pas à imposer le préservatif », offrons-leur de nouvelles technologies. Les microbicides concentrent ainsi tous les espoirs, faisant, depuis quelques années, la vedette des congrès internationaux. Doit-on pour autant se satisfaire de l’idée que la négociation du préservatif avec les hommes aurait échoué ? Dix ans après, microbicides, prophylaxie pré-exposition, vaccin, ces chantiers de la recherche n’ont encore pas servi les femmes. Pire, ces dernières ne risquent-elles pas de faire les frais des stratégies les plus récentes de la recherche ?

Au nom des femmes, la recherche sur les microbicides

Au nom de la recherche d’outils de prévention dont les femmes aient la maîtrise (qui ne demandent pas l’assentiment des hommes), des essais scientifiques ont recruté par milliers des femmes, notamment africaines, pour la recherche d’alternatives à l’usage du préservatif. Plus de quinze candidats microbicides sont ainsi actuellement à l’étude, dont quatre en essais de phase III, qui incluent environ 30 000 femmes dans le monde, recrutées en grande majorité dans les pays d’Afrique subsaharienne [9].

L’objectif affiché de ces essais est louable, mais les résultats restent jusqu’à présent peu convaincants : combien de femmes contaminées depuis dix ans au travers de ces protocoles, d’avoir testé des produits d’efficacité aléatoire ou d’avoir été placées sous placebo ? Combien de femmes aujourd’hui malades pour avoir participé à ces essais, dans des pays où l’accès aux traitements reste problématique et la pauvreté constitue une entrave majeure aux soins ?

La circoncision, un danger pour les femmes ?

Le 28 mars 2007, l’Organisation Mondiale de la Santé et l’ONUSIDA ont recommandé d’élargir l’accès à la circoncision aux pays « connaissant une épidémie hétérosexuelle généralisée ». Ces recommandations s’appuient sur des résultats récents d’essais qui montrent que la circoncision peut réduire le risque de transmission de la femme vers l’homme. Or, si elles rappellent l’importance du préservatif, elles ne posent pas la question de leur impact sur les femmes :

 A cette date, pourtant, un essai a prouvé la quasi absence d’effets de la circoncision pour les femmes, et un autre a montré une hausse des risques d’infection pour les partenaires dans les semaines qui suivent l’opération ;

 Aujourd’hui, par ailleurs, aucune étude comportementale n’a encore été menée pour vérifier que la promotion de la circoncision n’encourage pas davantage à l’abandon du préservatif, et donc à exposer plus de femmes à des risques de transmission.

Ainsi, sur la base de résultats scientifiques qui concernent seulement la moitié de la population mondiale, et sans attendre des données plus complètes sur les femmes, des agences de santé s’autorisent à promouvoir une mesure qui pourrait aggraver la pandémie chez les femmes.

Si la recherche de nouveaux moyens de prévention est indispensable, c’est aujourd’hui une fausse réponse aux problèmes rencontrés par les femmes du Sud.

Nous demandons :

 Que tout soit mis en oeuvre pour que l’accès universel au traitement du sida devienne réalité dès 2010, et que l’accès des femmes y soit garanti à l’égal des hommes.

 Que les enjeux de genre soient sans cesse rappelés et interrogés dans la lutte contre le sida : il n’y a pas de technologie miracle ; l’inégalité des rapports hommes-femmes, dès lors qu’elle est passée sous silence, limite l’efficacité de toute solution technique qui soit.

 Qu’en attendant le développement de moyens de prévention alternatifs, l’usage et la disponibilité des préservatifs (féminin ou masculin) soient partout développés et imposés : car ce sont aujourd’hui les seuls outils de prévention véritablement efficaces.

 Que l’OMS et l’ONUSIDA reviennent sur leurs recommandations tant que des données plus complètes sur l’impact de la circoncision chez les femmes ne sont pas disponibles.

Droits sociaux : les femmes encore plus précarisées

Le lien entre précarité et sida est double. D’une part, la précarité fait le lit de l’épidémie en rendant les personnes plus vulnérables à une infection ou à une aggravation de leur état de santé : d’autre part, le sida rend plus précaire. Ce phénomène est particulièrement frappant si on regarde la situation des femmes séropositives [10] :

 77,8 % des femmes dont on a diagnostiqué le VIH entre janvier 2003 et mars 2004 n’exerçaient pas d’activité professionnelle au moment du dépistage. Cette proportion était de 43,6% chez les hommes [11]

 Quand elles exerçaient une activité professionnelle, deux femmes sur trois dépistées à cette même période étaient des employées ou des ouvrières ; cette proportion était de un sur deux chez les hommes [12]
Le taux d’activité des femmes vivant avec le VIH est inférieur de 25 % à celui des hommes séropositifs. [13] La proportion d’allocataires du RMI est plus élevée chez les femmes séropositives (30 %) que chez les hommes (21 %)

 22 % des femmes séropositives élèvent seules un ou plusieurs enfants, ce qui alourdit leurs charges [14]. Selon l’enquête VESPA, les femmes seules élevant leurs enfants sont un des groupes les plus précaires au sein du groupe, déjà précaire, des personnes vivant avec le VIH.

On imagine aisément les conséquences de cette précarité pour se loger, se nourrir, se soigner, vivre.

Une femme séropositive gagne en moyenne 1361 euros quand elle exerce une activité professionnelle (contre 2127 en moyenne pour un homme séropositif) ; 761 euros quand elle est au chômage (contre 1073 euros pour un homme) ; et 883 euros dans les autres cas (contre 1176 pour un homme).

Ces données moyennes témoignent d’un écart qui n’est pas une fatalité :
Quand les femmes séropositives sont 25 % moins nombreuses à exercer une activité professionnelle que les hommes, le refus d’augmenter les minima sociaux, à commencer par l’AAH, les contraint à la précarité. Quand, en France, le revenu salarial d’une femme est de 37 % inférieur à celui d’un homme [15], il n’est pas étonnant de constater le cumul de cette inégalité avec l’impact du sida sur la vie d’une femme.

Il est donc de la responsabilité des pouvoirs publics :
 d’augmenter de façon conséquente les montants des minima sociaux, notamment l’AAH
- ce qui était une promesse de campagne de Nicolas Sarkozy ;
 de mener une réelle politique de lutte contre les inégalités de revenus entre les hommes et les femmes.

Une couverture maladie incomplète

Les femmes séropositives doivent en général payer plus pour leurs soins, notamment parce que le suivi gynécologique rentre rarement dans le remboursement à 100 % prévu par le statut des Affections Longues Durées (ALD). On sait pourtant que les infections gynécologiques et les cancers génitaux sont plus compliqués à traiter et récidivent davantage chez les femmes séropositives, mais combien de gynécologues le prennent en compte ?

Cette situation a été aggravée, depuis 5 ans, par l’instauration de nouveaux impôts sur la maladie : le forfait de 1 euro, mis en place en 2004, et les franchises médicales récemment votées par le Sénat, et promues par Nicolas Sarkozy et par Roselyne Bachelot-Narquin. En pénalisant les malades dans le cadre de leur accès aux soins, on pénalise encore les femmes qui doivent s’acquitter de frais supplémentaires pour leur suivi gynécologique.

Nous demandons :
la prise en charge à 100 % systématique des examens gynécologiques que certaines CPAM refusent encore ;
l’abrogation du forfait à un euro et des franchises médicales.


[1Source : BEH V4, Surveillance de l’infection à VIH-sida en France, 2006, Institut de veille sanitaire

[2Carine Favier, MFPF, « Exposition aux risques sexuels : pourquoi les hommes et les femmes ne sont-ils pas « à égalité » ? », à paraître

[3Brigitte Spencer, « La femme sans sexualité et l’homme irresponsable », in : Sur la sexualité, Actes de la recherche en sciences sociales, 1999/06, n°128, pp. 29-33

[4Source : Sida Infos Service

[5Cohorte I.CO.N.A, Armino Monforte et al. AIDS 2000

[6source : rapport IGAS/IGF

[7source : Institut National de Veille Sanitaire

[8source : Institut National de Veille Sanitaire

[9Isabelle Heard, « Où sont les microbicides ? », Transcriptase, automne 2006, pp.15-16.

[11Sida et pauvreté, contribution de la France à la commission de la population et du développement de l’ONU, page 42

[12Ibid, page 41

[13Enquête Vespa

[14Population et société, INED, novembre 2004, page 4