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Édito

mardi 13 novembre 2007

Avant la fin du mois de novembre sera à nouveau examiné le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, au cours duquel doit être débattue la mise en place de franchises sur les médicaments et les transports sanitaires. Ces franchises sont particulièrement injustes et pénaliseront les plus malades, alors même que leur contribution pour se soigner est plus importante que celle du reste de la population. Rien ne justifie une telle mesure.

D’abord présentée comme un moyen de combler le déficit de la Sécurité sociale, la mise en place des franchises fut ensuite justifiée par le besoin de financer la lutte contre le cancer, la maladie d’Alzheimer, ou les soins palliatifs. Ce changement est déjà le signe que ces maladies ne sont que des prétextes pour rendre acceptable, sous des dehors de compassion et de culpabilisation, une mesure inacceptable. L’exposé des motifs ne cherche même pas à entretenir l’illusion d’un plan Alzheimer, cancer ou soins palliatifs, ces alibis ayant disparu.

Une fois dissipées les illusions, les présupposés des franchises apparaissent clairement : il s’agit de maîtriser les dépenses de santé, en s’en prenant à celles et ceux qui y ont le plus souvent recours - les personnes gravement malades. Or, le discours qui réduit les malades et les handicapés à des consommateurs irresponsables de médicaments, qui abuseraient de la solidarité nationale, est mensonger.

Affirmer qu’il faut « responsabiliser » les malades, c’est faire croire que ces derniers consomment de façon irresponsable des médicaments que la société leur permettrait d’avoir gratuitement. Or les rapports successifs du Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie, montrent que les personnes les plus gravement malades sont celles qui ont le reste à charge le plus élevé, c’est-à-dire celles qui doivent le plus payer pour leur santé. De plus, parler de responsabilité, quand on ne choisit pas d’être handicapé ou malade, est un discours qui ignore tout de la situation réelle des personnes. Quand on est gravement malade, la mise sous traitement n’a rien d’un acte de consommation courante : elle dépend de l’état des personnes, du diagnostic et des propositions thérapeutiques d’un médecin en fonction de recommandations nationales validées.

Le dispositif des franchises est injuste car il s’attaque aux malades et aux plus fragiles. Et les quelques exceptions prévues ne changent pas grand-chose à l’affaire. L’exonération des bénéficiaires de la CMU complémentaire ne concernera pas les catégories les plus vulnérables de la population : travailleurs précaires, bénéficiaires de l’AAH, etc. Si, pour Nicolas Sarkozy, ces franchises ne représentent qu’un montant modique, il s’additionne au forfait « 1 € » déjà mis en place, aux augmentations des forfaits hospitaliers, à la mise en place d’un forfait sur les actes les plus coûteux et aux déremboursements de certains médicaments pourtant indispensables.

Ainsi les personnes gravement malades, atteintes d’une pathologie Affection Longue Durée (cancer, diabète, sida, etc.) ne sont pas exonérées, ce qui fera d’elles les personnes les plus lourdement taxées. Le message est donc clair : le pacte de solidarité entre bien portants et malades, qui était au coeur de la création de la Sécurité sociale, est définitivement rompu. Ne prévaudra que l’individualisme et un système d’assurances privées, qui condamne d’avance les plus pauvres.

La question du déficit de la Sécurité sociale n’est pas tant celle de sa dette que de son sous-financement et contrairement à ce qu’affirme le gouvernement, les franchises ne correspondent qu’à une infime augmentation des ressources de la sécurité sociale : il s’agit d’une nouvelle réduction de la prise en charge qui porte sur le recours aux soins.
Pour financer les dépenses de l’assurance maladie, de nombreuses solutions alternatives existent. L’industrie pharmaceutique, une des principales bénéficiaires de l’accroissement des dépenses de santé, pourrait être mise à contribution pour alimenter les ressources de la sécurité sociale. Une autre solution consisterait à taxer les stock-options, jusqu’à présent exonérées de taxation fiscale, et tous les revenus exonérés soit de cotisations sociales, soit de CSG.

Les franchises médicales représenteraient seulement 850 millions d’euros sur un budget général de 166 milliards d’euros pour la seule branche maladie, soit 0,5 % des ressources de la sécurité sociale. Une augmentation équivalente des cotisations sociales serait plus juste que les franchises : elle préserverait la solidarité entre les malades et les bien-portants, au cœur du dispositif français d’assurance maladie.