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Edito

Les petites mains

dimanche 14 octobre 2007, par Emmanuel Chateau, Hugues Fischer

Le détricotage est méticuleux : franchises sur les soins, remise en cause du 100%, démolition du système de sécurité sociale solidaire, remise à plat de l’AAH. Le discours de « stratégie sociale » de Nicolas Sarkozy a au moins le mérite d’être clair. Partout dans les ministères et à l’Elysée, les petites mains sont besogneuses, elles s’affairent.

Ces petites mains, ce sont les différentEs conseillerEs que les associations de lutte contre le sida ont rencontréEs ces derniers mois. C’est par exemple Philippe Sauvage, conseiller technique sur les dépenses de santé de Roselyne Bachelot-Narquin, qui s’évertue à nous expliquer les bénéfices des franchises médicales, nous parle de leur rendement. Qu’importe qu’elles soient injustes, pénalisent les malades et les handicapéEs ou qu’elles remettent en cause l’accès aux soins. Philippe Sauvage évoque la « pureté conceptuelle » du bouclier sanitaire, une certaine élégance... Il se ravise aussitôt pour expliquer que « le diable est toujours dans les détails ». Faire tant d’études pour citer les pages roses du Larousse, c’est vraiment triste. Mais le vrai problème, c’est que les « détails » de Sauvage, ce sont les malades.

Définitivement, les malades les ennuient. Mais il arrive que la curiosité l’emporte. Un rendez-vous des associations avec le professeur Arnold Munnich, conseiller sur la recherche à l’Elysée où nous avions souhaité la présente du directeur de l’ANRS s’est transformé en rencontre anthropologique : les malades du sida comme des enfants sauvages ou des bêtes savantes. Et en plus ils parlent.
Au ministère de l’immigration et de « l’indentité nationale », on trouve tout de même que pour ce qui concerne la régularisation des étrangErEs « l’avantage avec le sida » c’est que c’est plus simple. Pour Raphaël Radanne conseiller santé de l’Elysée, le sida c’est tellement simple. Dès lors que l’on supprime les droits des malades.

Toutes ces petites mains ont des points communs. Elles ne sont pas là pour nous écouter. D’ailleurs, elles ne prennent pas de notes. Les conseillers techniques regardent souvent leur montre. Et quand on leur démontre par A+ B qu’elles/ils ont tort, ou quand on se fâche, qu’on leur parle de notre vie de malades, les petites mains s’excusent. Elles ne sont que de « simples exécutantEs ». Elles ne sont pas responsables.

C’est pourtant bien le rôle d’Act Up que de confronter chacun face à sa responsabilité dans l’épidémie. Or la responsabilité de ces Philippe Sauvage, de ces Arnold Munnich, de ces Raphaël Radanne est immense. S’ils/elles ne sont pas éluEs, ils/elles ne cessent pourtant de faire passer des choix politiques pour de simples questions techniques en ignorant la réalité de nos vies.

Evidemment, cela n’enlève en rien à la responsabilité des Sarkozy ou des Bachelot-Narquin. Au contraire : en refusant nos demandes de rendez-vous, le Président de la République et ce gouvernement montrent que pour eux le sida n’est qu’une question « technique ». Mais ces petites mains sont les petites mains d’une fabrique de mort.