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Edito

Etre minoritaires ou savoir dire non

mai 2007, par Emmanuel Chateau, Hugues Fischer

Avec beaucoup d’autres, nous aurons essayé durant cette campagne de faire émerger un débat sur la politique de santé. Act Up-Paris aura au moins réussi à rencontrer deux des plus importantEs candidatEs à l’élection présidentielle, Ségolène Royal et François Bayrou, pour discuter de leurs engagements face à nos revendications. De son côté, Nicolas Sarkozy ne s’est tout simplement jamais intéressé ni à la lutte contre le sida ni aux associations de défense des malades.

Il suffit de lire le programme du candidat Sarkozy pour s’en convaincre. Pour le nouveau chef de l’Etat, la santé c’est l’instauration d’une franchise illimitée sur les soins, le déremboursement de médicaments, la remise en cause de la prise en charge à 100 % des séropositifVEs, la dérégulation du système hospitalier public, l’expulsion de malades étrangerEs dans des pays où ils et elles mourront faute de traitements, et pour finir l’absence d’engagement financier français pour lutter contre le sida dans le monde.

C’est parce que Nicolas Sarkozy et l’UMP nous promettaient une politique de santé encore plus inégalitaire et discriminatoire que nous en sommes arrivéEs à appeler à voter Ségolène Royal au second tour. Or chacunE sait que pour nous malades du sida, le Parti Socialiste cela commence par Laurent Fabius et le scandale du sang contaminé, et puis le gouvernement Jospin et son absence de politique de lutte contre le sida.

Que dire de la faiblesse des engagements pris par le Parti Socialiste en faveur de la lutte contre le sida dans cette élection ? Comment se contenter de 5 % de revalorisation de l’Allocation Adulte Handicapé, quelles réelles avancées dans la reconnaissance et la compensation du handicap des personnes atteintes de pathologies graves ? Comment se satisfaire de la seule consolidation des dispositifs actuels pour assurer l’accès aux soins des étrangerEs ? Quelles garanties pour que la France participe à la hauteur de sa position de cinquième puissance mondiale à la lutte contre le sida tant par le financement que par un plaidoyer et des positions politiques sans équivoque ?

Mais, entre le PS et l’UMP, il n’y avait pas à hésiter : nous savions que si Nicolas Sarkozy se retrouvait aux commandes, nous aurions à combattre un désengagement de l’Etat encore plus important que celui que nous avons connu depuis cinq ans. Que les personnes économiquement et socialement vulnérables auront encore plus à craindre la maladie. Que les étrangèrEs, les usagèrEs de drogue et les prostituéEs seront les cibles d’une idéologie qui n’a pour les malades que la considération affairiste si bien résumée par leur expression favorite pour nous désigner : les « consommateurs/trices de soins ».

Déjà on annonce que peu de temps après l’élection de Nicolas Sarkozy on révèlera une nouvelle dérive du budget de l’assurance-maladie. Cette mauvaise « surprise » rendra obligatoire un nouveau plan de financement d’urgence et son cortège de réformes.

Avec la composition du nouveau gouvernement, on a envisagé le démantèlement du ministère de la Santé en séparant Sécurité sociale et politique de santé où la Sécurité sociale entre dans un ministère des Comptes qui a la tâche globale de gérer la dette, tandis que le reste de Bercy est réuni au ministère du Travail. L’impôt et l’emploi d’un côté, la dette et la santé de l’autre : à chaque fois une même logique dite libérale doit l’emporter. L’affichage est clair, il s’agit d’éliminer les restes d’un système redistributif et solidaire qui n’assure aucun profit.

Déjà, on nous matraque l’argument qui nous sera sans cesse opposé dans les cinq années qui viennent : l’issue du scrutin est claire, Nicolas Sarkozy a été élu avec une majorité relativement nette des voix dans un scrutin marqué par une forte participation. D’avance, on rend ainsi illégitime toute opposition aux politiques qui vont se mettre en place, même les plus hostiles aux malades et aux minorités, même les plus xénophobes, même les plus inégalitaires.

En face, c’est bel et bien notre légitimité qu’il faut aujourd’hui mettre en avant pour s’opposer contre des logiques qui nous menacent dans nos vies. Car le bluf de Nicolas Sarkozy aura été d’avoir masqué par des discours publicitaires un projet ultra-libéral qui s’en prend à la santé : une société où l’obligation faite à l’Etat de garantir un égal accès aux soins et à la santé pour touTEs comme un droit démocratique élémentaire serait remise en cause. Il faudra lutter car le slogan que nous martelons depuis des mois, « Nicolas Sarkozy 2007-2012, Nous n’y survivrons pas », ne relève pas d’un quelconque alarmisme folklorique. C’est bien pour nos vies qu’il va falloir nous battre dans les prochains mois.