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AG des pédés

décembre 2000

Le pari était risqué. Pourtant nous l’avons gagné. Il y avait 400 personnes le mardi 7 novembre 2000, pour participer à l’Assemblée générale des Pédés. Le mot d’ordre que nous avions lancé était « Il est temps de parler ». Et toutes ces personnes présentes nous ont montré qu’elles aussi avaient cette envie de parler de relapse, de leurs pratiques, mais aussi de leurs agacements contre Act Up, les établissements gais ou les pouvoirs publics.

En tout cas, cette soirée fut exceptionnelle. Tout d’abord par le monde présent. Aux personnes qui diffusent actuellement un texte appelant à nous boycotter, le succès de cette AG est notre réponse. Ensuite, parce que pendant 4 heures, ce lieu fut chargé d’une émotion et d’une tension dingues. Toutes les personnes présentes ont écouté, se sont exprimées, même si les militants ont vite pris la parole sur les autres, et ont pu partager ce moment de discussion singulier. Ce fut également pour certains l’occasion de revoir d’anciens ami(e)s, militant(e)s, qui ont quitté le militantisme sida ou gay depuis quelques années. Voir toutes ces têtes nous ont montré que nous avons raison pour au moins une chose : il faut parler du relapse, partout où cela est possible, pour qu’une parole se libère, pour que chacun puisse prendre conscience de ce qui arrive et s’armer de nouveau face à ce retour de l’épidémie.

Il est toujours difficile de parler devant une telle assemblée de sa sexualité, de ses craintes et difficultés, de sa vie en fait. Pourtant de nombreuses personnes, non militantes, l’ont fait, ont expliqué comment elles étaient confrontées au relapse, comment elles le vivaient ou essayaient de le gérer. D’autres ont fait part de leurs difficultés à se protéger lorsqu’on est séropositif.

Le débat s’est vite orienté sur la responsabilité des établissements gais, sur l’accès à du matériel de prévention dans les backrooms et aussi sur les barebackers et leurs apôtres. Le SNEG nous a fait part de ses difficultés à mettre en oeuvre des stratégies de prévention, et à installer des distributeurs de préservatifs dans les cabines des backrooms (2 ans de réflexion). Certains patrons d’établissements ont mis en avant le fait qu’ils n’y étaient pour rien, d’autres au contraire ont fait part de leurs projets : ainsi le Dépôt prône le renforcement de la Charte de prévention mise en place en 1995 et veut agir auprès de l’ensemble de leurs clients. On attend de voir.

Guillaume Dustan et Erick Remès étaient là et ont pu enfin, exposer leurs points de vue de défense du bareback. Les propos de Dustan n’étaient pas nouveaux. Ils étaient simplement révisionnistes et méprisants. Alors on peut toujours crier au loup, que nous sommes des méchants et qu’il ne faut stigmatiser personne. Mais il faut bien que quelqu’un leur dise qu’ils ont tort. Qu’on meurt toujours du sida, que la transmission des virus résistants existe, que la capote est le seul moyen de se protéger, qu’on soit séroneg ou séropo. On le sait, et de nombreuses personnes l’ont exprimé ce soir là : c’est difficile d’être safe tout le temps, de se sentir soutenu par une communauté, de se sentir armé face au relapse. Et c’est certainement dans la communauté que l’on peut retrouver une écoute, des lieux de parole et de soutien, au lieu du déni que l’on nous oppose souvent.

Une grande déception de cette soirée aura été néanmoins l’absence remarquée des grandes associations de lutte contre le sida et de leurs représentants politiques. Si de nombreuses associations homos étaient mobilisées, ce n’était apparemment pas le cas de certaines telles que Aides. Le milieu associatif sida est en pleine déconfiture politique depuis longtemps. Mais cela n’est pas une excuse pour déserter les lieux de discussion autres que ministériels. Les associations de lutte contre le sida ne peuvent pas continuer à refuser de parler publiquement du relapse. Elles ne peuvent pas se réfugier derrière le discours de la complexité et de la fatalité.

A l’AG, Pin’Aides a fait part de ses difficultés financières et humaines pour développer leurs actions de prévention. Le SNEG a répété ses difficultés à acheter des capotes et du gel à des prix intéressants et à payer ses intervenants en prévention. Mais il aura fallu attendre cette AG pour apprendre ces informations.

C’est pourtant typiquement ces données qui devraient les obliger à foutre le feu au Ministère de la Santé et de la DGS pour obtenir ce dont ils ont besoin. Personne ne devrait rentrer dans le jeu des pouvoirs publics qui font tout pour oublier l’épidémie du sida. D’ailleurs, Dominique Gillot, secrétaire d’Etat à la Santé, avait convoqué en juillet, au retour de la conférence de Durban, une grande réunion, pour écouter les « préoccupations des associations de lutte contre le sida en matière de prévention dans le milieu homosexuel ». Le cabinet de la Ministre, ainsi que la DGS, l’ont tellement entendu, que nous attendons toujours des réponses concrètes à nos propositions et la mise en place de concertations. Le 7 novembre dernier, seule Suzanne Guglielmi (responsable de la division sida de la DGS) était là pour donner son point de vue personnel, en précisant qu’elle ne pouvait engager son administration. Où étaient Lucien Abenhaïm (directeur de la DGS) et ses conseillers, où étaient les conseillers de Gillot, où étaient les représentants de la DDASS de Paris, qui ont lancé une réflexion d’ampleur sur la prévention (réflexion qui, pour l’instant, n’aboutit sur rien d’ailleurs) ?

Les pouvoirs publics ne comprennent rien et n’ont aucun courage. Lorsqu’ils ont la possibilité de parler à 400 personnes de problèmes de prévention, ils les écoutent à peine et ne répondent à aucune de leur interrogation. Pire, la seule affirmation que Suzanne Gugliemi a pu nous donner sur le bareback est dingue : « La campagne sur le bareback ne fait pas consensus ». Mais est-ce une raison pour ne pas la faire ? Sous couvert de non consensus, la DGS va continuer à laisser se propager des risques révisionnistes et dangereux. La DGS est en train de reproduire ce qu’elle sait faire de mieux : ne rien faire tant qu’elle n’y est pas acculée.

Et s’il le faut vraiment, nous en reviendrons aux zaps bêtes et méchants dans les couloirs de la DGS, de la DDASS, et du bureau de Dominique Gillot, pour qu’enfin, ils se mobilisent et agissent intelligemment.

A tous ceux qui étaient présents ce soir là, nous ne pouvons que les remercier pour être venus. A nous d’organiser d’autres AG de cette sorte, tout en permettant que chacun puisse s’exprimer. A nous également, avec le reste de la communauté de trouver des solutions au relapse. Et de tenir bon.


En pièce jointe, compte-rendu au format PDF, de l’AG des pédés, 7 novembre 2000.