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La prison ne soigne pas le sida. La justice s’obstine à condamner les malades.

lundi 12 février 2007

Une fois de plus, un séropositif se voit condamné pour avoir transmis le VIH lors de relations sexuelles non protégées avec des partenaires qui ignoraient son statut sérologique. Alain Prosper a été condamné, vendredi 9 février, par le tribunal de Cayenne (Guyane) à 10 ans de prison ferme pour atteinte sexuelle sur mineures et pour transmission du sida.

Une fois de plus, c’est le drame de la contamination par le virus du sida qui est porté devant les tribunaux. Depuis plusieurs années, de tels procès se succèdent, enfonçant chaque fois un peu plus le clou de la stigmatisation des personnes atteintes, à qui l’on semble vouloir s’acharner à attribuer la responsabilité exclusive de la prévention, et qui seules semblent être les responsables de ses échecs. Echecs, qu’ici encore on identifie à travers la difficulté à révéler son statut sérologique, ou à adopter et maintenir des comportements de prévention lorsqu’on est séropositif.

Bien entendu, nous ne pouvons que respecter le drame que cela représente pour les plaignantEs, mais comment, nous, malades, pouvons-nous admettre qu’un séropositif soit mis au banc des accusés pour n’avoir pas surmonté sa difficulté à assumer son statut sérologique, ses implications pour lui-même et pour les autres et le regard d’une société qui nous discrimine et nous stigmatise tous les jours un peu plus ? Dans cette situation, où l’exclusion frappe indistinctement touTEs ceux/celles dont le statut est connu, comment accepter que l’on puisse faire un tri entre les malades - les coupables et les victimes, touTEs atteintEs par le même virus ? C’est encore plus vrai en Guyane et dans les autres départements d’outre-mer, comme l’ont montré les enquêtes récentes.

Cette affaire, une fois de plus, nous interroge sur la perception du sida et sur ce qui fait que la peur et l’obscurantisme cèdent à la responsabilité clairvoyante de personnes bien informées. Après avoir connu les années où la solidarité nous servait de rempart face à la crainte de la mort, comment peut-on accepter que l’on place la désinvolture dans le camp de celles et ceux qui sont atteintEs pendant que les autres, qui sont épargnéEs, voudraient croire qu’on peut vivre comme si le sida n’avait pas existé ?

En voyant les manifestations médiatiques de victoire qui ont accompagné l’avènement de traitements efficaces on pouvait craindre que les efforts dans le changement des comportements et l’adoption de mesures de protection s’atténue. Ce sera donc pire : le sida est à ce jour la seule maladie dont on pénalise la transmission. Ceux qui voulaient un temps nous enfermer dans des sidatoriums, qui n’ont pour seule arme de prévention que l’abstinence et l’isolement des séropositifVEs seraient-ils en train de s’imposer ? N’a-t-on pas assez démontré à quel point l’information et l’accompagnement sont plus efficaces à freiner l’étendue de l’épidémie ? [1] Le seul défaut de ces mesures est de requérir le courage politique et la persévérance.

Une fois de plus, il semble que la culture de la peur et de la réparation l’emporte face à la solidarité et à l’information. Une fois encore, l’exclusion fait le jeu de l’épidémie. Ces procès ne conduiront qu’à inciter plus encore les séropositifVEs à se cacher.

Alain Prosper est condamné. Stigmatisé parce que séropositif, non seulement on ne lui a pas accordé la place à laquelle tout malade avait droit, mais on l’accable encore plus. Pendant ce temps, ceux et celles à qui l’on doit l’inaction en matière d’information, de développement de la prévention, du dépistage et de l’accompagnement des personnes atteintes, de la création d’une vraie solidarité avec les malades, ceux et celles-là courent toujours.

En cette année où il est donné aux politiques d’affirmer leurs convictions et leur courage, Act Up-Paris attend des candidatEs à l’élection présidentielle un engagement clair et sans détour sur leur programme pour lutter contre la discrimination, l’exclusion et la stigmatisation des séropositifVEs.