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Démence, sénilité et VIH

Tout reste à faire

lundi 30 octobre 2006

Actuellement, traiter la démence liée à l’infection par le VIH passe avant tout par l’instauration d’une multithérapie hautement active visant à maintenir la charge virale plasmatique indétectable, car il n’y a pas ou très peu d’options thérapeutiques à offrir.

Les cliniciens ne disposent pas d’une assise formelle sur laquelle s’appuyer pour déterminer de façon sûre l’origine des troubles cognitifs chez la personne âgée vivant avec le VIH. Associer signes, symptômes et profils neuropsychologiques peut constituer un véritable défit pour le clinicien lorsqu’il se retrouve en face d’une nouvelle présentation ou évolution d’une DAV. Or, si l’infection par le VIH favorise la survenue de signes cliniques d’autres maladies neurodégénératives, alors ce déficit pourrait bien aussi concerner des gens plus jeunes, le problème doit donc être sérieusement pris en considération.

Maladie d’Alzheimer et troubles associés au VIH : des similitudes parfois troublantes...

Quelques études suggèrent un recouvrement des neuropathologies, c’est-à-dire que la maladie d’Alzheimer se rencontre aussi chez les séropositifs. Cette constatation n’est pas surprenante, la maladie d’Alzheimer étant liée à l’apparition de dépôt sous forme de plaque au niveau des structures nerveuses, or ces dépôts sont le fait d’une protéine particulière appelée Béta-amyloïde. Ce phénomène se rencontre aussi chez certaines personnes séropositives, De plus la neprolysine* est inhibée par la protéine virale Tat responsable de la multiplication du virus. Le VIH favorisant les dépôts amyloïdes. Notons enfin que la maladie de Parkinson, également caractérisée par des troubles cognitifs, semble aussi être une atteinte à laquelle les personnes âgées séropositives sont particulièrement sensibles.

Traitement : le passé, le présent, l’avenir...

Quelques pistes existent, ainsi l’hypothèse selon laquelle une DAV progressant de façon active est associée à un stress oxydatif, a conduit à évaluer l’efficacité de la sélégiline et de la minocycline.
 La sélégiline, utilisée dans le traitement de la maladie de Parkinson, inhibe une enzyme exclusivement localisée au niveau cérébral et dont le rôle est de détruire les neurotransmetteurs comme la dopamine. De cette façon, la quantité de dopamine qui fait défaut dans la maladie de Parkinson, est augmentée. Lors d’une étude préliminaire effectuée chez des personnes séropositives recevant la sélégiline durant 10 semaines, une amélioration de la mémoire et de la rapidité des mouvements a été constatée. Malheureusement, les premières données issues d’une étude avec contrôle placebo portant sur un plus grand nombre de personnes, semblent quelque peu troublantes.
 La minocycline est un antibiotique présentant aussi des propriétés anti-inflammatoires et associées à une bonne pénétration dans le cerveau. Chez le singe atteint d’une encéphalite à progression rapide provoquée par le virus de l’immunodéficience simienne, la minocycline permet une diminution de l’inflammation, de la mort des cellules nerveuses et de la quantité de virus dans le cerveau. Ces résultats, observés à des doses a priori compatibles pour l’homme, suggèrent l’utilisation possible de la minocycline dans le traitement des troubles cognitifs.
 D’autres molécules font l’objet d’études. C’est le cas de la mémantine qui bloque la dégradation de neurones en culture induite par certaines protéines du VIH et qui améliore certaines fonctions nerveuses chez la souris atteinte d’une encéphalite à VIH. Une étude clinique chez l’homme est en cours.
 L’utilisation d’un stimulant du système nerveux central, le modafanil, permet quant à elle d’améliorer les performances neuropsychologiques de personnes vivant avec le VIH et présentant une fatigue chronique, comme le montrent les résultats d’une étude sur 4 semaines. La mise en place d’une étude avec contrôle placebo est en cours.
 Par ailleurs, le lithium largement utilisé dans le traitement des troubles de l’humeur, notamment dans certaines formes de dépression, vient d’être utilisé dans une étude pilote portant sur quelques personnes séropositives atteintes de ces troubles, dont le taux de CD4 était relativement bas, en moyenne de 290 cellules/mm3, la prise de lithium a permis de constater au bout de 12 semaines une amélioration significative des performances neuropsychologiques.

Vers une autre approche...

Proposer une approche thérapeutique spécifique aux personnes âgées atteintes par le VIH est difficile car finalement peu de données existent. Cependant, il semble raisonnable de penser que les traitements utilisés dans les symptômes de la maladie d’Alzheimer sont également efficaces chez les personnes âgées vivant avec le VIH et présentant des troubles cliniques associés à une atteinte neurodégénérative. Malheureusement, il n’existe actuellement aucune étude clinique permettant d’appuyer cette recommandation.

Les multithérapies, en changeant radicalement l’histoire naturelle de l’infection par le VIH, ont permis d’accroître considérablement l’espérance de vie d’une population qui pour l’essentiel, était, durant la première décennie de l’épidémie sida, constituée de gens jeunes. Une des corollaires à cette situation est que le nombre de personnes âgées vivant avec le VIH va régulièrement augmenter au cours des prochaines années. Il semble donc dès aujourd’hui important de s’interroger sur les problèmes neurologiques auxquels elles pourraient avoir à faire face. Cet intérêt est d’autant plus légitime qu’au début de l’épidémie de nombreuses personnes contaminées par le VIH ont été victimes de graves affections neurologiques, notamment la démence. Même si les traitements ont considérablement modifié cette situation, il n’en reste pas moins vrai que le VIH lui-même, mais aussi certains antirétroviraux, constituent des facteurs de risque supplémentaires à la survenue de troubles neurologiques chez les personnes âgées, facteurs de risques venant se surajouter à ceux déjà existant dans le reste de la population. La prise en charge de ces troubles neurocognitifs des séropositifs agés va dans les années à venir constituer un nouveau défi pour le corps médical. Nouveau défi, parce qu’en l’état actuel de la médecine on manque d’outils diagnostiques adaptés à la recherche des troubles cognitifs, qui peuvent présenter des spécificités particulières à l’infection par le VIH. Nouveau défi, aussi, parce qu’actuellement on ne dispose que d’un nombre restreint d’options thérapeutiques.

Ce qu’il faut retenir...

Il est très courant de dire d’une personne âgée qu’elle « perd la tête », qu’elle « oublie tout ce qu’on lui dit », qu’il faut sans cesse répéter les mêmes choses. Une personne âgée est aussi souvent plus lente dans ces gestes, et peut parfois présenter des tremblements. Pendant très longtemps, on a cru que tous ces « petits soucis » étaient inhérents à la vieillesse. On sait maintenant que ce n’est pas toujours le cas, que ces troubles cognitifs sous-tendent l’existence d’une pathologie bien réelle dont les maladies d’Alzheimer et de Parkison constituent les deux exemples majeurs particulièrement redoutables.

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