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Recherche française sur le sida au Cameroun : une prise en charge de qualité ...

juillet 1999

Début 1995, après l’annonce de sa séropositivité, une femme voit sa famille lui retirer ses enfants, de peur qu’elle ne les contamine. Elle s’engage alors dans le milieu associatif et fait du conseil et du soutien psychosocial. Sous la pression de responsables sanitaires, elle accepte de témoigner à la télévision, à visage découvert, pour la " Fête de la Santé " en mars 1996. Conséquences : le personnel des centres de santé avoisinants refuse de la toucher ! Elle entend alors parler d’un " projet de recherche " franco-camerounais où l’on peut bénéficier de soins et d’un suivi médical gratuits.

En effet, depuis 1996, des promoteurs mènent une étude prévue sur trois ans appelée PRESICA (Prévention Sida Cameroun) sur les différents génotypes viraux du VIH-1 et de leurs spécificités cliniques et biologiques. Ces sous-types sont-ils plus transmissibles, ont-ils une activité plus virulente, entraînent-ils plus de maladies opportunistes et lesquelles ? Le protocole de 1997 présente ainsi l’étude : quels sont " les paramètres de survie, le pronostic et la pathogénèse de l’infection à VIH en fonction du génotype VIH 1 ? ". Pour conduire cette recherche, l’Hôpital Militaire de Yaoundé enrôle 350 patients séropositifs. Les malades sont suivis par le service des maladies infectieuses. Le plasma recueilli est congelé et envoyé en France pour analyses. Les promoteurs proposent aux patients, contre une prise de sang tous les six mois, les " effets bénéfiques potentiels " de ce projet, à savoir, outre " une prise en charge clinique et un traitement gratuit ", " la possibilité de traiter des infections liées à la dépression du système immunitaire ". C’est écrit sans ambiguïtés.
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Cette femme, répondant aux critères, est incluse dans PRESICA. En septembre 1997, prise de diarrhées aiguës, n’ayant plus de traitements, elle est obligée de se rendre à l’hôpital militaire de Yaoundé à 200 km. Son voyage prend des allures de parcours du combattant, elle met trois jours au lieu de quelques heures. Elle arrive enfin un dimanche. Le service de PRESICA est fermé. Elle n’a pas d’argent. Elle reste donc, jusqu’à l’ouverture, le lundi matin. Suite à une déshydratation de 4 jours et 3 nuits, elle meurt à 34 ans devant l’hôpital (d’après Fred Eboko, « Risque sida, pouvoirs et sexualité. La puissance de l’état en question au Cameroun » à paraître dans un ouvrage collectif dirigé par Georges Courade, Paris, Kathala, 1999).

Depuis, l’étude PRESICA a été reconduite pour encore trois ans.

En avril dernier, deux membres de la commission Nord/Sud d’Act Up-Paris étaient au Cameroun et sont allés évaluer les réalités de la " prise en charge " des patients dont la recherche médicale internationale convoite tant le sang.

Ce sont évidemment les malades les plus précaires qui viennent se faire soigner à PRESICA. Mais en fait de " prise en charge " et de soins en rapport avec leur pathologie, on ne leur dispense que du paracétamol, de la quinine ou du Bactrim© ; en cas d’hospitalisation, les frais sont toujours à 80% à la charge du malade, même si quelques rares élus bénéficient d’avantages supplémentaires. Les examens effectués sur les patients sont déterminés en fonction de la recherche en cours et en aucun cas en relation avec le bilan clinique de la personne, qu’on préfère utiliser pour les statistiques de l’étude. Les moyens accordés à cette étude ne permettent pas de suivi médical digne de ce nom, ni d’accès aux traitements nécessaires. Les maladies opportunistes ne sont traitées que si le stock du moment le permet. Aujourd’hui, les personnes incluses dans cette recherche nous appellent à l’aide pour obtenir des médicaments qu’elles ne peuvent et ne pourront jamais se payer.

Act Up-Paris exige :

 des investigateurs de PRESICA qu’ils s’engagent à respecter le droit des patients et l’objectif de ce protocole.

 que tous les malades inclus puissent recevoir gratuitement les traitements nécessaires, pendant et après l’essai.

 que les promoteurs occidentaux coordonnent la recherche avec les gouvernements hôtes et les bailleurs internationaux, pour que soit garantie une réelle prise en charge médicale des personnes testées séropositives, et ce, qu’elles soient VIH-1 ou VIH-2 sans discrimination.

Nous tiendrons les promoteurs de PRESICA pour responsables des futurs décès.


C’est au Cameroun qu’ont été découverts par les chercheurs les sous-types O et M du VIH 1. C’est au Cameroun encore, qu’a été mise en évidence cette année la transmission du VIH du singe à l’homme. De grandes découvertes dont se gargarisent quelques chercheurs dans les meetings internationaux.

C’est à leurs yeux ce qui les autorise à prélever le sang des malades pour le rapatrier en Occident et le faire analyser, sans se soucier de la vie des personnes qu’ils vampirisent, sans songer à fournir la moindre contrepartie aux populations grâce auxquelles ils font leur renommée. Shame ! Nous en reparlerons probablement bientôt.