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sida : les gouvernements africains au pied du mur

mai 2000

Après six mois de pression d’Act Up-Paris sur l’ONUSIDA, des recommandations constructives ont enfin été émises lors de la consultation d’Harare (29-31 mars 2000) : le cotrimoxazole doit faire partie, dans toute l’Afrique, du minimum de soins accordé aux personnes atteintes par le VIH, dès l’apparition des premiers symptômes de l’infection.

La récente consultation internationale organisée par l’ONUSIDA sur l’emploi du cotrimoxazole en prévention des maladies opportunistes du VIH, qui réunissait à Harare du 29 au 31 mars experts, cliniciens, responsables politiques africains et activistes s’est finalement soldée par une victoire. Après six mois de pression d’Act Up-Paris sur l’ONUSIDA, des recommandations constructives ont enfin été émises : le cotrimoxazole doit faire partie, dans toute l’Afrique, du minimum de soins accordé aux personnes atteintes par le VIH, dès l’apparition des premiers symptômes de l’infection.

A première vue, une recommandation pour l’accès à un antibiotique de base, peu coûteux, couramment employé en Afrique pour soigner toutes sortes d’infections, et que les séropositifs d’Occident ont consommé chaque jour depuis plus de quinze ans, n’a rien de révolutionnaire. Le cotrimoxazole n’est pas une panacée, surtout à l’ère des antiviraux. Pourtant, l’efficacité préventive de ce traitement reste largement méconnue et inexploitée sur le continent africain. Aux malades d’Afrique du Sud, du Burundi ou du Bénin, on ne propose jusqu’à présent rien, sinon, dans le meilleur des cas, l’annonce de leur séropositivité assortie de conseils pour vivre positivement.

Aussi, ces recommandations pourraient-elles changer la donne. Les gouvernements n’auront désormais plus la possibilité de se retrancher derrière d’éventuelles résistances des germes locaux au traitement pour ne rien faire ; les médecins ne pourront plus arguer de leur impuissance thérapeutique pour justifier leur incapacité à annoncer les résultats du test de séropositivité à leurs patients - et les africains auront enfin une bonne raison pour aller faire le test.

Mais pour que ces recommandations soient appliquées sur le terrain, il ne suffira pas d’envoyer aux prescripteurs la notice d’utilisation. Les responsables de programmes nationaux de lutte contre le sida doivent en faire leur cheval de bataille, et mobiliser leur Ministère : l’accès au dépistage anonyme et gratuit doit être renforcé ; la distribution pharmaceutique doit être améliorée ; les médecins doivent être formés et les populations informées. Aucun centre de dépistage ne devrait désormais s’ouvrir sans que du cotrimoxazole ne soit systématiquement proposé. Aucun programme de réduction de la transmission du VIH de la mère à l’enfant ne devrait renvoyer les mères sans soins après l’accouchement, aucun programme de lutte contre la tuberculose ne devrait dorénavant laisser ses patients attendre sans recours la prochaine infection opportuniste.

 Au Sénégal, au Togo, au Burkina Faso, comme dans la majorité des pays d’Afrique, il n’y a qu’un seul centre de dépistage anonyme et gratuit pour tout le pays.

 En Côte d’Ivoire comme dans toute l’Afrique de l’Ouest, seuls quelques médecins des capitales prescrivent du cotrimoxazole en préventif, tandis qu’en Afrique anglophone, les spécialistes ignorent tout de cette utilisation en prophylaxie.

 Si au Mali, le traitement quotidien revient à 3 FF par mois, ce coût atteint près de 70 FF au Cameroun dans le circuit pharmaceutique privé, et jusqu’à 100 FF au Zimbabwe !

 Au Malawi, en Tanzanie, la pauvreté est telle que des financements additionnels devront être recherchés afin qu’un approvisionnement régulier puisse être assuré à l’échelle du pays.

 Au Zimbabwe, en Zambie, les associations de malades qui s’organisent pour donner à leurs membres des vitamines et des suppléments nutritifs, ignorent totalement l’existence de ce traitement préventif efficace, et qui devrait être disponible à moindre coût dans tous les pays.

Act Up-Paris enjoint les gouvernements africains à passer à l’action. La balle est maintenant dans leur camp, et les personnes atteintes n’attendront pas dix ans de plus avant qu’il leur soit proposé des soins décents, et un traitement !