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Tout est bon pour restreindre nos droits à l’AAH

octobre 2000

Lorsque la COTOREP donne un avis favorable à une demande d’Allocation Adulte Handicapé (AAH) sur la base d’une évaluation du handicap, le versement de cette allocation reste encore conditionné à un examen des revenus du demandeur par la CAF. La réforme du Guide Barème des COTOREP, qui est en cours, laisse espérer un affinement des critères de définition du handicap et donc un assouplissement des conditions d’accès à l’AAH. Dans le même temps, on assiste du côté des CAF à une évolution inverse : les conditions administratives d’accès à l’AAH deviennent de plus en plus contraignantes. Deux événements récents l’attestent : tout d’abord, l’interprétation par les CAF des Indemnités Journalières comme revenu de substitution, qui remet en question la règle de la neutralisation des ressources ; ensuite, l’utilisation par les CAF, et contre les demandeurs d’une circulaire portant sur l’évaluation des ressources des travailleurs indépendants

Vers une amélioration de l’évaluation du handicap ?

Aujourd’hui, faute d’une définition du handicap qui tiendrait compte des spécificités de l’épidémie de sida, les COTOREP continuent à nous déclasser lors du renouvellement de nos demandes d’AAH, faisant passer un grand nombre d’entre nous d’un taux de 80% de handicap à un taux de 50%. Cela nous prive alors, soit d’avantages supplémentaires comme l’Aide à l’Autonomie, soit carrément des 3 575,83 Francs de l’allocation.

Une réforme du Guide Barème qui permet d’évaluer le handicap des demandeurs d’AAH est en cours. S’agissant des handicaps liés au sida, il faudra se reporter au chapitre VI : Déficiences viscérales et générales. Selon les informations dont nous disposons, il semblerait que les associations de malades du sida aient enfin été entendues quand elles expliquent que les effets secondaires des traitements et l’importance de l’environnement social doivent être pris en compte dans l’appréciation du handicap. Ainsi, le paramètre " désavantage social " pourrait être considéré dans l’évaluation du handicap à partir de 2001. Un article complet sera consacré à cette réforme dans le prochain numéro d’Action. Il s’agira d’une avancée réelle si, d’une part, des moyens sont alloués aux COTOREP afin de permettre le recours à ce nouveau type d’appréciation et si, d’autre part, les déficiences physiques ne sont pas occultées par la mise en avant du " désavantage social ".

L’évaluation des ressources du demandeur : un mode de calcul injuste.

On sait que, pour avoir accès à l’AAH à taux plein, quand la COTOREP a donné un avis favorable, la CAF évalue les ressources du demandeur pour vérifier que celles-ci ne dépassent un plafond situé actuellement à 42 658 Francs par an (ces ressources sont celles de l’année précédant la demande). Ce mode de calcul est injuste, car il ne prend pas en compte les ressources actuelles du demandeur d’AAH. Or, la situation matérielle d’une personne atteinte du VIH/sida peut évoluer rapidement ; elle peut se retrouver sans ressources, alors que, quelques mois auparavant, elle gagnait bien sa vie. En conséquence, un demandeur d’AAH peut se voir attribuer une allocation partielle, ou nulle, parce qu’il était salarié un an plus tôt, alors qu’il ne gagne plus rien au moment de sa demande.

Plutôt que de réformer ce mode de calcul injuste, les pouvoirs publics ont préféré mettre en place, sous la pression des associations, des règles de neutralisation de ressources. Ces règles sont insuffisantes, complexes, souvent ignorées des CAF, quand elles ne sont pas systématiquement bafouées, mais elles restent actuellement pour les demandeurs la seule possibilité d’obtenir 3 575,83 francs par mois.

Les règles de neutralisation des ressources remises en question.

Lorsqu’un malade du sida est licencié, il s’inscrit aux ASSEDIC et touche les indemnités chômage. Mais si son état de santé le contraint ensuite à se mettre en arrêt maladie longue durée, il est radié des ASSEDIC, les indemnités journalières longue durée qu’il touchera alors n’étant pas cumulables avec le chômage.

Nous avions obtenu en 1994 que cette radiation des ASSEDIC permette la neutralisation de l’ensemble des ressources de l’année de référence (salaire + chômage) dans l’évaluation des ressources donnant droit à l’AAH, c’est à dire que ces ressources ne soient pas prises en compte dans le calcul effectué par la CAF. Nous expliquions alors que la radiation des ASSEDIC laissait le malade avec ses seules indemnités maladie. Or, les Indemnités journalières ne sont pas un revenu. Selon le principe qui oblige l’État à ne pas laisser quiconque sans revenu, la non prise en compte des salaires et des indemnités chômage de l’année précédente permettait alors au malade de toucher l’AAH dès son acceptation.

En décembre 99, nous avons encore pu obtenir cette neutralisation pour un malade, au prix de cinq relances auprès d’Annick Morel, directrice de la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF), Philippe Steck, son directeur adjoint, et d’un recours au contentieux.

Aujourd’hui, Morel et Steck semblent remettre définitivement en question cette neutralisation. En effet, la CNAF considère que les indemnités journalières que le demandeur a touchées depuis qu’il est en congé longue durée sont un revenu de substitution. Pour elle, le demandeur ne s’est pas trouvé sans revenu depuis son licenciement, et il n’y a aucune raison de ne pas prendre en compte les salaires ou indemnités chômage dans le calcul des ressources de l’année de référence. Le demandeur a alors de fortes chances de se trouver au-dessus du plafond de l’AAH et ne peut pas toucher l’allocation avant la prochaine évaluation des ressources, c’est-à-dire 6 mois plus tard (le calcul des ressources de référence se faisant de janvier à janvier, puis de juillet à juillet).

Il s’agit d’une interprétation particulièrement contestable des textes.

Les indemnités journalières longue durée ne sont pas un revenu. Elles ne sont que des indemnités dues à toute personne dont le handicap barre l’accès à un emploi, indemnités pour lesquelles un grand nombre d’entre nous cotise ou a cotisé sur ses salaires. Elles ne sont d’ailleurs pas imposables. En faire un revenu de substitution est un point de principe malhonnête qui fait d’un dû un revenu et qui n’a pour but que de réduire le nombre d’allocataires de l’AAH.

Le recours à une circulaire oubliée.

Depuis juillet, lorsqu’un travailleur indépendant, malade du sida par exemple, ne déclare aux impôts aucun bénéfice, en général parce que son état de santé l’a simplement empêché de travailler, la CAF calcule alors fictivement un revenu (cette disposition ayant pour principe de base que les indépendants peuvent aisément dissimuler des revenus au noir !).

Or, il arrive fréquemment que ce bénéfice fictif fixé par la CAF se situe au dessus des 42 658 Francs fatidiques ouvrant le droit à l’AAH ou à son renouvellement.

Ainsi donc, un malade du sida, travailleur indépendant, qui ne touchait que l’AAH depuis un moment, du fait de son incapacité à travailler (incapacité reconnue par la COTOREP !) se retrouve soudain privé de son seul revenu (et des avantages qui lui sont liés, comme l’allocation logement, l’aide à l’autonomie etc.), et bon pour le RMI.

Nous exigeons, évidemment, la neutralisation des ressources de l’année de référence pour tout malade ayant été radié des ASSEDIC pour raison de congé longue durée. Nous exigeons que le gouvernement range sa circulaire absurde sur les ressources des travailleurs indépendants. Mais nous exigeons surtout une réforme du mode d’appréciation des ressources pour que la période de référence ne soit plus l’année précédant le dépôt de la demande, mais bien les trois mois précédents. Seule une évaluation de ce type est juste puisqu’elle tient compte de la situation réelle du demandeur.