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Dossier Action Prévention

Un rapport pour rien ?

Le CNS catégorie poids léger

mercredi 10 mai 2006

A l’occasion du renouvellement du programme quadriennal [1] de lutte contre le sida et les IST, le CNS a souhaité rendre un avis sur la politique française de prévention. La lenteur habituelle des travaux du Conseil n’a pas permis de publier ce rapport à temps pour contribuer à l’élaboration du programme national de lutte contre le VIH/sida.

Face au désarroi des acteurRICEs de prévention observé depuis plusieurs années, l’avis du Conseil national du sida (CNS) était très attendu notamment en ce qui concerne la problématique de la reprise des contaminations dans le milieu gay, le phénomène du barebacking ou les discussions associatives liées aux approches de prévention. Dommage pour celles et ceux qui considéraient que ces points étaient cruciaux : il n’y a presque rien à tirer de ce rapport sur ces questions !

Le CNS a délibérément fait le choix de ne pas aborder le problème de la prévention en France du point de vue des opérateurRICEs mais du point de vue de la responsabilité des pouvoirs publics dans l’élaboration d’une politique nationale de lutte contre le sida. On ne trouvera donc dans ce rapport aucune véritable critique des opérations de prévention menées depuis la fin des années 90 en France par les associations. Pas un mot sur les retards dans la prise en compte d’une augmentation des comportements à risque dans le milieu gay ou les lacunes des actions menées en direction des étrangerEs ou des femmes. Rien sur la faiblesse des discours face aux nouveaux enjeux de l’épidémie, nenni sur l’épuisement des actions associatives ou leur affaiblissement suite à la désertion des volontaires...

Bien sûr, le rapport pointe les problèmes de cohérence de la politique gouvernementale face au maintien à un très haut niveau des contaminations en France. Act Up-Paris retrouve d’ailleurs la plupart des revendications que nous avions portées lors de notre audition dans les recommandations publiées par CNS. Nous nous réjouissons lorsque le CNS s’inquiète de l’engagement insuffisant de l’Etat dans la lutte contre le sida ou lorsqu’il dénonce le fait que les logiques sécuritaires priment sur les politiques de santé publique tant en ce qui concerne la prévention que l’accès aux soins des étrangerEs, des prisonnierEs, des toxicomanes ou des prostituéEs. Pour autant aucune réelle avancée concernant la création d’un interministériel réclamé par l’ensemble des associations à l’issue de l’année « Grande cause nationale » n’a encore pu être constatée. On peut même craindre que le ministère de la santé s’assied purement et simplement sur ce rapport.

Tout le monde semble se foutre des effets pervers introduits par la loi de Sécurité Intérieur mise en place par Nicolas Sarkozy en 2001 qui contraint les prostituéEs à la clandestinité, des attaques contre l’accès aux soins des étrangerEs ou de la répression accrue des toxicomanes qui les éloigne de la prévention. Si l’on apprécie que le CNS réclame officiellement la mise en place d’une véritable politique de réduction des risques en prison, une multiplication des campagnes de prévention ou dénonce l’attentisme du ministère de l’Éducation Nationale en matière de lutte contre le sida, force est de constater que Xavier Bertrand, ministre de la Santé n’a encore repris aucune de ces recommandations dans ses discours.

Mais la lecture de ce rapport nous laisse simplement sur notre fain. Il ne suffit pas d’appeler de ses voeux un renouvellement du discours de prévention qui prenne en compte la sexualité des personnes vivant avec le VIH ou qui soit au plus près de la réalité des pratiques pour donner un nouveau souffle à la politique de prévention en France. Alors que l’Etat s’appuie sur les associations pour la mise en œuvre des actions de terrain, un bilan critique des actions passées était nécessaire. Sur le conflit concernant la réduction des risques sexuels, le CNS se contente par exemple de renvoyer dos-à-dos les associations sans même relever que ce débat a simplement servi de paravent pour masquer l’inaction des associations face à la reprise des contaminations chez les gays.

Le CNS recommande un partage des connaissances sur la prévention et l’organisation d’une conférence de consensus ou d’une audition publique sur les risques sexuels afin de dégager une base de concertation sur la prévention. Act Up-Paris réclame vivement la réunion d’un groupe d’expertEs sur la prévention et entend s’engager pleinement dans ce chantier.


[1Voir l’article trivial pursuit (Action n°97). Vous y trouverez attaché le pdf du programme nationale de lutte contre le sida et les IST-2005-2008