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Lesbiennes, gais, bi et trans : à Moscou aussi, liberté de manifester !

vendredi 3 mars 2006

Menaces homophobes sur la marche des fiertés LGBT en Russie. Comme à Londres, à Varsovie, à Vienne et à Stockholm, plusieurs associations (Act Up-Paris, CGL Paris, Comité IDAHO, Commission LGBT des Verts, Fédération des Centres LGBT, Inter-LGBT, Ligue des Droits de l’Homme, Panthères roses, Parti Communiste Français, RAVAD, Solidarité Internationale-LGBT, Sans Contrefaçons, SOS Homophobie) appellent les citoyens et les citoyennes à réagir, notamment en se rassemblant le jeudi 2 mars prochain à 18h près de l’ambassade de Russie (angle boulevard Lannes et Rue Dufrenoy M° Rue la Pompe, 75116 Paris).

Du 24 au 28 mai 2006, plusieurs événements historiques auront lieu à Moscou : la conférence internationale IDAHO (International Day Against Homophobia), le festival culturel de Moscou et la première marche des fiertés LGBT jamais organisée dans ce pays, marche qui se tiendra 13 ans jour pour jour après la dépénalisation de l’homosexualité en Russie en 1993.

Mais les réactions homophobes ne manquent pas. Le maire de Moscou, Youri Luzhkov, a récemment affirmé que toute tentative pour organiser une gay pride serait « résolument écrasée ». Le mufti suprême de la région de Talgat Tajuddin a également déclaré : « la manifestation ne saurait être autorisée. S’ils vont dans la rue, il faudra les frapper. Tous les gens normaux le feront, qu’ils soient musulmans ou orthodoxes. » Il a ajouté que le Prophète Mahomet a ordonné de tuer les homosexuels, car « leur comportement conduirait à la fin de l’espèce humaine ». Selon l’évêque orthodoxe Daniel de Yuzhno-Sakhalinsk, cette marche n’est qu’une « plaisanterie cynique » ; il a comparé l’homosexualité à la lèpre et a mis en garde la population contre « la propagande du vice ». Par ailleurs, le représentant des rabbis de Russie, Berl Lazar, a déclaré à l’agence de presse russe Interfax que si la gay pride était autorisée, « ce serait un coup porté à la morale ».

Cependant, ces réactions homophobes ne reflètent pas forcément l’opinion publique car, selon un sondage récent, 51 % des Russes pensent que les gais et lesbiennes devraient avoir les mêmes droits que les autres. Mais il est clair que ces déclarations politiques et religieuses menacent les libertés publiques, et propagent la haine et la violence dans le pays tout entier. Or, qu’on le veuille ou non, de nombreux citoyens de Russie et du monde entier participeront à cette marche, et des députés d’Angleterre, de Belgique, de France, des Pays Bas, du Brésil et du Parlement européen sont également attendus.

La Russie devant bientôt prendre la tête du G8 et du Conseil de l’Europe, qui a pour mission de veiller aux droits de l’Homme en Europe, nous appellons les citoyens et les citoyennes, les hommes et les femmes politiques à réagir à ces déclarations de violence homophobe, qui mettent en péril les libertés publiques et les droits humains. En liaison avec nos amis/es de Pologne, de Grande Bretagne, de Suède, d’Autriche, et en signe de solidarité avec les personnes LGBT en Russie et avec les démocrates russes en général, nous demandons aux citoyens, aux citoyennes, aux hommes et aux femmes politiques de manifester leur préoccupation le jeudi 2 mars à 18h, près de l’ambassade de Russie (angle boulevard Lannes et Rue Dufrenoy M° Rue la Pompe, 75116 Paris), et d’écrire à M. Vladimir Poutine lui-même, pour lui demander de protéger les droits humains, sans distinction de sexe ni d’orientation sexuelle, en garantissant notamment la tenue et la sécurité de la marche des fiertés LGBT.


Après cette manifestation devant l’ambassade, deux représentants des associations ont été reçues par M. Parinov, attaché de presse de l’ambassadeur (qui n’était pas présent à Paris le jour de la manifestion).

1/ Nous avons trouvé M. Parinov relativement ignorant
Selon lui, "les comportements homosexuels doivent rester dans la sphère privée", comme si une marche des fiertés LGBT était un gang bang public dans les rues de la ville. "Il y a des choses qu’on ne peut pas faire dans la rue", a-t-il ajouté. Nous avons tenté de lui expliquer qu’il s’agissait d’une manifestation en faveur des droits humains pour tous, il n’a pas semblé comprendre ce que nous voulions dire. Il ne sait sans doute pas grand chose au sujet des marches des fiertés.

2/ Nous avons trouvé M. Parinov peu intéressés par les questions LGBT et VIH
Nous lui avons parlé du sida en Russie à plusieurs reprises. Nous lui avons expliqué que la communauté gaie russe était particulièrement touchée par le VIH, que l’homophobie rend particulièrement difficile l’accès aux soins et la mise en oeuvre de campagnes de prévention spécifiques, mais il nous a expliqué qu’il n’était pas lui-même spécialiste de ces questions (ce qui n’est pas problématique), et que personne à l’ambassade (qui est fort grande) n’était en mesure de traiter ces questions (ce qui est plus problématiqu). Il n’a pris aucune note de notre conversation, nous le lui avons fait remarquer. Mais il a affirmé qu’il avait une très bonne mémoire, ce qui est une bonne nouvelle.

3/ Nous avons trouvé M. Parinov presque cynique par moments
"Il ne faut pas oublier dans quelle situation se trouvait la Russie il y a quinze ans", a-t-il expliqué, comme s’il fallait attendre encore quinze ans pour que les droits humains en général, et les droits LGBT en particulier soient enfin reconnus. Il nous a expliqué que les opinions des leaders religieux devaient être prises en considération, comme si les opinions de certains religieux devaient l’emporter sur le respect des droits de l’Homme en général.

4 / Nous avons trouvé M. Parinov presque ridicule parfois 
Selon lui, le maire de Moscou n’agit pas de manière discriminatoire car "toute manifestation hétérosexuelle serait également bannie". Nous avons apprécié son sens de l’égalité. Mais faut-il vraiment répondre à un argument si inepte ?

5 / Nous avons trouvé M. Parinov presque injurieux parfois
Comme il parlait du concept de "liberté, il a posé la question suivante : "si un homme qui sent très mauvais monte dans le bus, est-ce que vous ne croyez pas que sa liberté s’oppose à celle des autres ?" Nous n’avons pas très bien vu le rapport avec le sujet de notre discussion. Nous lui avons demandé si, selon lui, les personnes LGBT puaient en général. Nous lui avons promis que les personnes dans les rues de Moscou seraient tout à fait propres.

6/ Nous avons trouvé M. Parinov presque effrayant à la fin
Manifestement, M. Parinov a une conception tout à fait personnelle de la liberté d’expression. Comme il le dit lui-même, "la liberté d’expression peut être interprétée de plusieurs façons. Par exemple, si vous n’aimez pas la tête de quelqu’un, et que vous voulez lui donner une claque, n’est-ce pas une forme de liberté d’expression ?" Nous avons déclaré qu’il confondait à nos yeux liberté et violence. Mais il réalisa ce que son attitude pouvait avoir de choquant, et nous demanda de ne pas diffuser ces mots...

Quoi qu’il en soit, être reçu par lui nous a semblé une bonne chose. Un policier français qui travaille en relation avec l’ambassade russe depuis 8 ans nous a dit que c’était vraiment la première fois qu’il les voyait recevoir des militants travaillant dans le domaine des droits de l’Homme. C’est selon lui tout à fait inattendu, et positif en soi.

Nous avons trouvé M. Parinov très compréhensif à l’gard des personnes homophobes, mais le rencontrer nous a semblé positif. Notre but n’était pas de le convaincre, mais de lui demander d’informer M. Poutine de notre préoccupation. Comme nous le lui avons dit, il ne serait pas dans l’intérêt de M. Poutine de causer un scandale international sur la question des droits de l’homme au moment même où la Russie assurera la présidence du Conseil de l’Europe et du G8.

Dans la mesure où tant de militants, d’artistes, de VIPS, de députés nationaux ou européens du monde entier vont se rendre à Moscou de toutes façons pour la conférence IDAHO, dans la mesure où tant de journalistes du monde entier vont braquer leurs projecteurs sur lui, ce serait une faute majeure que d’interdire la marche des fiertés LGBT de Moscou.

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English version

Two persons were allowed into the embassy after the protest. Mr Parinov, press councellor of the ambassador — who was out of Paris today — was expecting them.

1/ We found Mr Parinow rather ignorant. 
According to him "homosexual behaviours must remain in private areas", as if a LGBT Pride was a public gang bang out in the street. "There are some things which cannot be done in the street" he said. Though we explained to him that we were organising a demonstration for human rights, he failed to understand what we meant. Maybe he knows nothing about LGBT Prides.

2/ We found Mr Parinov not very interested in LGBT and HIV issues
We told him several times about AIDS in Russia, though we explained him that the russian gay community is one of the most threatened by HIV, that homophobia makes it more difficult for LGBT people to have access to treatments, and to publicly offer specific prevention campaigns. He answered that himself was not a specialist of these issues, which is fine, and that nobody in the whole embassy (which is quite big) could deal with that issue. He took no note of our conversation, we remarked. But he said he has a very good memory, which is good news.

3/ We found Mr Parinov almost cynical sometimes
"You shoud not forget what Russia was fifteen years ago" he argued, as if we had to wait fifteen more years for human rights and LGBT rights to be recognised at last ! He explained to us that religious leaders had to be taken into account, as if religious opinions of some people were to prevail on human rights in general.

4/ We found Mr Parinov almost ridiculous sometimes
In his view, the mayor of Moscow has no discriminatory attitude as "any heterosexual demonstration would also be banned". We did appreciate his generous sense of equality. But do we really have to answer such silly argument ?

5/ We found Mr Parinov alsmost offensive sometimes
As he was speaking about the notion of freedom, he asked : "if somebody who stinks comes into the bus, don’t you think his freedom interferes with other people’s freedom ?" As we failed to see any relationship with the issue we were talking about, we asked him if he thought that LGBT people usually stink. We promised that all the people in the Moscow street would be very clean and neat.

6/ We found Mr Parinov alsmost frightening in the end
Apparently, Mr Parinov had a very personal notion of self expression. As he said "self expression may be interprated in several ways. For instance, if you don’t like somebody’s face, and want to slap his face, isn’t it a way to express yourself ?" As we told him, there seemed to be a confusion between freedom and violence. But Mr Parinov realised how shocking his attitude was, and asked us not to diffuse these words...

However, we were happy to be welcome by him. A French Policeman who has been working with the Russian embassy for 8 years told me it is the very first time he can see them receive human rights militants. In his view, this is something rather unexpected, and positive in itself.

Though Pauline and I found Mr Parinov quite generous for homophobic people, we found it positive to speak with him. Our aim was not to convince him, but to ask him to express our concern to Mr Putin. As we told him, we don’t think Mr Putin who will be leading the G8 and the Council of Europe on May 27th can afford an international scandal about human rights.

While so many militants, artists, VIPS, MPs and MEPs from all over the world are going to be in Moscow for the IDAHO festival anyway, while journalists from all over the world will be watching it, it would be a major political mistake not to allow the Moscow Pride...