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Rions un peu avec la droite : les réactions après l’affiche Sarkozy / « Votez Le Pen »

vendredi 23 décembre 2005

Suite à la diffusion de l’affiche représentant Nicolas Sarkozy, accompagnée du slogan « Votez Le Pen », les réactions offusquées de ses proches ne se sont pas fait attendre. C’est une occasion de rire un peu avec la droite. D’un côté, des bonnes âmes comme Gay Lib ou les Jeunes Populaires, qui nous font la leçon en se couvrant de ridicule par leur méconnaissance des enjeux de la lutte contre le sida. De l’autre, des responsables politiques qui se positionnent en grands défenseurs des valeurs républicaines, alors qu’au sein de l’UMP, ils sont les plus proches des thèses et idées du FN. Revue de détails.

Les Bécassine

L’UMP a des jeunes, ils et elles s’appellent les Jeunes Populaires qui « conseillent à Act Up de continuer un combat digne contre le sida plutôt que de venir sur le terrain politicien. ». Les Jeunes rajoutent : « L’association ne doit être ni de droite ni de gauche, sa vocation est de soutenir les malades qu’elle est censée défendre. »

D’une part, nous nous plaçons sur le terrain politique, et non pas politicien. Mais on ne peut décemment exiger des jeunes de l’UMP, fans de la stratégie purement électoraliste de Sarkozy, de saisir la différence. D’autre part, le combat contre le sida et la défense des malades relèvent du politique. L’action menée par Nicolas Sarkozy s’oppose très clairement aux impératifs sanitaires, comme le rappelle le Conseil National du Sida. Stigmatiser les étrangèrEs, les prostituéEs ou les usagèrEs de drogue, et appliquer ainsi la politique du Front National, c’est détourner des personnes vulnérables des dispositifs de prévention, de dépistage et de soins. Nous sommes séropsositifVEs, malades, étrangèrEs, nous savons de quoi nous parlons. Les Jeunes Populaires ignorent les répercussions des politiques de leur leader sur nos vies. Nous conseillons donc aux jeunes de l’UMP de rester « dignement » sur le terrain « politicien », plutôt que de donner des conseils sur la lutte contre le sida, à laquelle ils et elles ne connaissent rien.

Il y a aussi des homosexuelLEs militantEs à l’UMP. Ils et elles s’appellent Gay Lib. Leur président condamne notre affiche : « Act Up n’est plus crédible depuis longtemps. Elle dessert la cause des gays en abusant de la provoc gratuite. »

Il est vrai que l’efficacité de Gay Lib pour lutter contre l’homophobie au sein de l’UMP, le parti de Vanneste et de Boutin, la rend particulièrement « crédible ». Mais on ne voit pas ce que la cause des gays vient faire dans une réaction à notre affiche. Gay Lib a-t-elle une position sur l’Aide Médicale de l’Etat ou l’accès à un titre de séjour pour les personnes atteintes de pathologies graves, autant de dispositions que la politique xénophobe de Nicolas Sarkozy remet en cause ? Gay Lib souhaite-t-elle que les étrangers malades soient encore plus mal soignéEs ?

Les Garants de la République

 Christian Estrosi, ministre délégué à l’Aménagement du Territoire : « Qui sont les extrémistes ? L’attitude d’Act Up n’est pas acceptable. Voilà 30 ans qu’on veut se voiler la face dans notre pays et qu’on ne reconnaît pas les réalités qui ont atteint les fondements mêmes de la République et de l’autorité : à travers Nicolas Sarkozy on a quelqu’un qui dit enfin la vérité et passe à l’action » ; « Les Français (note d’Act Up : et non les étrangèrEs) disent qu’il a raison parce que les Français veulent la fermeté et la justice (note d’Act Up : alors que les étrangèrEs veulent le laxisme et l’injustice) ». « Aux élections partielles, parce [que Nicolas Sarkozy] agit comme tel, le FN ne cesse de régresser. C’est plutôt une bonne nouvelle pour les valeurs républicaines »

Christian Estrosi défend une idée simple : combattre l’extrême droite, c’est combattre son score aux élections en appliquant sa politique et en s’alliant avec le Front National, comme il l’a fait au nom du RPR, en mars 1998, dans la région PACA, en défendant à droite une union avec Le Pen pour éviter que la présidence du Conseil Régional ne passe à gauche. La « vérité » que propose Sarkozy n’est rien d’autre que l’application de ce principe. On comprend pourquoi Estrosi le défend. Sa réaction montre bien que nous avons raison.

 Patrick Devedjian a expliqué combien notre affiche était « odieuse » et combien nous portions atteinte à la dignité des personnes. Ancien du groupe d’extrême droite « Occident », Devedjian a été condamné en 1967 pour « violences et voies de faits avec préméditation et armes » : il avait participé à une attaque en bande, une habitude dans ce groupe, contre les militantEs du comité Vietnam de l’Université de Rouen. Il sait donc de quoi il parle quand il évoque les questions de dignité. C’est une personnalité qui ne doit son existence politique qu’au seul Nicolas Sarkozy — ce qui prouve à quel point celui-ci est peu regardant sur les limites entre la droite républicaine et l’extrême droite. Patrick Devedjian est l’auteur de propos inoubliables en mai 2002 : « Le bleu marine va redevenir à la mode, on va voir plus de CRS dans les rues », qui avait inspiré une affiche d’Act Up ; ou encore, en février 2004, à propos du mouvement des chercheurs, cette tirade, exemplaire par son respect de la dignité des personnes : « En France, les intellectuels signent des pétitions. Aux Etats-Unis, ils gagnent des prix Nobel. ». C’est grâce à ce genre de personnes que la République sera sauvée.

 Le député et secrétaire national de l’UMP, Pierre Lellouche estime que l’affiche est « une attaque personnelle contre la personne même (sic) du ministre de l’Iintérieur d’une violence sans précédent depuis les années 30 », qui « rappelle malheureusement des méthodes proprement fascistes ».« Toutes les bornes du débat démocratique sont franchies par ce type de propagande de nature totalitaire. »

Toujours le même Pierre Lellouche, à propos des homosexuelLEs pendant les débats sur le PACS à l’Assemblée Nationale : « Stérilisez-les ! » (8 novembre 1998).

Toujours le même Pierre Lellouche, à propos de l’ouverture d’un centre d’accueil pour SDF dans le 9ème arrondissement de Paris : « Rien ne nous dit que ce ne seront pas des drogués, des immigrés ou des malades du sida », Le Figaro, 16 septembre 2002.

Faut-il un commentaire de notre part sur la « violence sans précédent depuis les années 30 » ou « les bornes du débat démocratique » ?

Si Nicolas Sarkozy n’a que cela à répondre, c’est bien que nous avons raison. Les seulEs à même de défendre sa politique sont ou bien des personnes incompétentes, qui ignorent tout des réalités de terrain que nous fait subir le ministre de l’Intérieur, ou des responsables politiques qui ont construit leur carrière par un va-et-vient constant, dans leur propos ou leur stratégie d’alliance, avec l’extrême droite.

Nous sommes des séropositifVEs, des malades du sida, des étrangèrEs. Nous sommes en danger. Nous entendons le faire savoir.