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Le difficile accès au séjour pour soins

vendredi 1er octobre 2004

Depuis plus d’un an, nous sommes de nouveau confrontéEs à d’importants dysfonctionnements dans l’application de la législation relative au séjour des étrangèrEs malades. Nous ne pouvons pas nous satisfaire d’une politique au cas par cas et nous exigeons que la loi relative au séjour pour soins soit appliquée et renforcée par une nouvelle circulaire. Afin qu’une vraie politique de santé publique soit enfin entreprise.

Nous constatons à nouveau que le gouvernement et son administration (préfectures, médecins inspecteurRICEs de santé publique) font une interprétation très restrictive, voire contraire, de la législation relative au séjour des étrangèrEs malades. Face à ces dérives, Act Up-Paris doit batailler pied à pied pour obtenir un titre de séjour que les étrangèrEs malades devraient recevoir de droit. Les médecins inspecteurRICEs de santé publique (MISP), chargéEs de rendre un avis médical sur l’état de santé d’unE demandeurSE de séjour pour soins, n’hésitent pas à mettre en danger ces personnes parce qu’ils/elles considèrent qu’unE séropositifVE qui n’est pas encore sous traitement ne nécessiterait pas de prise en charge médicale. CertainEs d’entre eux/elles estiment également qu’un accès aux soins est disponible dans le pays d’origine dès lors qu’il existe des programmes de mise sous traitement, même si la capacité de ceux-ci est bien souvent ridicule face à la prévalence nationale. L’administration, de son côté, ne rechigne jamais à se mettre hors la loi en appliquant régulièrement des délais d’instruction supérieurs aux quatre mois prévus par la réglementation et abandonne les étrangèrEs malades dans une précarité sociale et administrative incompatible avec leur état de santé. Enfin, les préfectures interprètent à leur guise la législation en délivrant très fréquemment des Autorisations provisoires de séjour (APS) - dont la validité n’excède pas quelques mois et qui ne permettent pas de travailler - au lieu d’une Carte de séjour temporaire (CST) comme le prévoit la loi dès lors que le critère de résidence habituelle est rempli.

Face à ces nouvelles dérives, nous avons entrepris un travail de lobby auprès du gouvernement, car nous ne pouvons plus tolérer que des MISP prennent en compte l’existence théorique d’un traitement dans le pays d’origine au lieu de réels critères de prise en charge médicale qui conditionnent une accessibilité effective des soins. De même, il est inadmissible que des refus de séjour soient opposés à des étrangèrEs malades non traitéEs, sous prétexte que l’état de santé ne nécessiterait pas un suivi médical régulier. Quant au respect des délais de traitements des dossiers, faut-il rappeler au gouvernement que la loi s’applique à touTEs, y compris à lui-même ? Nous avons fait pression sur le gouvernement afin qu’il s’engage à rédiger une circulaire qui encadre strictement l’application de l’article 12 bis 11° (voir ci-dessous) parce qu’elle permettra une politique globale de santé publique et non plus une logique de travail au cas par cas dont nous ne pouvons nous satisfaire et qui échoie systématiquement aux associations. Sur ce point, nous avons été entendus. Et les Ministères de la santé, de la cohésion sociale et de l’intérieur seront les principaux rédacteurs de cette circulaire.

Néanmoins, il convient d’être prudent car nous ignorons tout des intentions du gouvernement quant au contenu et à la date de mise en application de ce texte. Nous allons poursuivre notre travail de lobby et exiger du gouvernement un retour à la circulaire du 12 mai 1998 qui stipule que « ce titre de séjour sera renouvelé sans procédure particulière dès lors que la pathologie dont souffre l’intéressé nécessite un traitement de longue durée », ce qui permettra de réduire le nombre de dossiers examinés par les MISP, sans pour autant perdre de vue les enjeux de santé publique. Enfin, nous exigerons que ne soient délivrées que des CST, parce que nous considérons que donner des APS qui interdisent aux étrangèrEs malades de travailler et de percevoir des allocations est une politique criminelle. Sur ce point, le Ministère de l’intérieur doit cesser de nous objecter de prétendus enjeux de régulation des flux migratoires, euphémisme pour décrire une politique xénophobe de fermeture des frontières. Dans ce contexte, Act Up-Paris n’aura de cesse d’exiger du gouvernement que les associations participent pleinement à la rédaction de cette circulaire qui permettra de favoriser une véritable politique de santé publique en direction des malades.

La législation sur le séjour des malades étrangèrEs.

L’article12 bis 11° de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative au séjour des étrangèrEs prévoit qu’unE étrangèrE malade obtienne de droit une carte de séjour temporaire d’un an avec la mention « vie privée et familiale » dès lors qu’il/elle réside « habituellement » en France (ici arbitrairement entendu comme une présence supérieure à un an sur le territoire) et que son état de santé nécessite « une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, sous réserve qu’il ne puisse bénéficier d’un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ». Cette carte de séjour autorise également son/sa titulaire à travailler. Le critère de résidence « habituelle » est arbitrairement interprété par l’administration comme une présence sur le territoire français supérieure à un an. Si ce critère de résidence habituelle n’est pas rempli, la préfecture doit délivrer une autorisation provisoire de séjour. Pour bénéficier de cette réglementation, il faut retirer à la préfecture un dossier de demande de régularisation pour soins et demander à unE médecin agrééE ou hospitalier de fournir un certificat médical faisant la preuve que la personne remplit les critères médicaux. Ce certificat doit être transmis à unE MISP qui rendra un avis à la préfecture. Cet avis est consultatif, c’est ensuite à la préfecture de prendre une décision qui suivra ou non les recommandations du MISP. Elle doit donner une réponse dans un délai de quatre mois à partir du dépôt du dossier.

Sur ces mêmes critères, les malades sont protégéEs contre d’éventuelles mesures d’expulsion. Les personnes concernées ne peuvent pas faire l’objet d’arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière (selon l’article 25-8 ° de l’ordonnance du 2 novembre 1945) et si elles font l’objet d’une interdiction du territoire français ou d’un arrêté ministériel d’expulsion, la loi prévoit de les assigner à résidence pour empêcher leur expulsion.


La préfecture de Nanterre enterre les dossiers de régularisation pour soins.

Parmi les dossiers que nous suivons, nous constatons que la Préfecture de Nanterre multiplie les irrégularités au mépris de la législation en vigueur :
 refus de délivrer de récépissé après le dépôt d’un dossier
 refus de dossier lors de leur présentation aux guichets
 titres de séjour anti-datés
 ...

Plus grave encore, la préfecture impose des délais d’instruction supérieurs à 18 mois. Les conséquences pour les malades ne se font pas attendre. Ils/elles ne possèdent qu’un accusé de réception postale comme unique preuve de leur demande de régularisation et ils/elles se retrouvent de fait sans possibilité de travailler légalement ou de bénéficier de la Couverture maladie universelle (CMU). Joint par téléphone au sujet de ces délais inadmissibles, le cabinet du préfet se justifie par un manque de moyens et de personnel qu’il aurait depuis longtemps signalé au Ministère de l’intérieur. De son côté, le Ministère se décharge de toute responsabilité.

Pendant ce temps, les dossiers des étrangèrEs malades sont enterrés dans la machine préfectorale de Nanterre. Les Ministères de l’intérieur et de la santé ne peuvent plus fermer les yeux sur ces pratiques criminelles et doivent prendre de toute urgence leurs responsabilités.