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Gilead utilise de la viande de tox pour tester Viread

mardi 1er février 2005

En Thaïlande, plus de 3 000 usagerEs de drogues ont été tuéEs par le gouvernement. La prévalence du VIH chez les UsagerEs de drogue par injections (UDI) est de 50 %. Un tiers des nouvelles contaminations concerne les UDI et ce nombre ne cesse de croître. C’est dans ce contexte que Gilead mène un essai sur le ténofovir comme traitement préventif sur 1 600 usagerEs de drogues en oubliant l’éthique.

Nous dénonçons depuis bientôt un an les graves problèmes éthiques posés par les différents essais menés dans plusieurs pays du Sud sur l’utilisation du ténofovir comme traitement préventif. Un nouvel essai, lancé cette fois en Thaïlande par le US Centers for disease control and prevention (CDC) en partenariat avec le Ministère thaï de la santé et le laboratoire Gilead, avec comme population cible des usagerEs de drogues par voie intraveineuse (UDI), franchit une nouvelle marche sur l’échelle du pire. Dans un pays où une guerre aux usagerEs de drogue menée depuis février 2003 a fait plus de 3 000 mortEs, où l’échange de seringues est toujours extrêmement difficile, où les traitements de substitution sont inaccessibles, où des campagnes de sevrage massif sont menées dans des camps militaires... choisir cette population pour tester une molécule est à la base d’un cynisme insoutenable. Mais quand on connaît le détail du [protocole-mot718 de cet essai, il n’est pas d’autre revendication possible que son arrêt immédiat. Nous nous associons aux activistes thaïlandais, et notamment au Thai Drug Users Network (TDN), pour l’exiger.

Au Cameroun, où nous avions été alertés par des associations locales de personnes vivant avec le VIH, au Ghana, au Nigeria et au Cambodge (où l’essai a été interrompu par le gouvernement), l’essai est déjà été mené auprès d’une population extrêmement touchée, celles des prostituéEs. Nous avons dénoncé à plusieurs reprises les aspects particulièrement inéthiques de ces essais, notamment à Bangkok en juillet 2004, lors de la conférence internationale, mais aussi tout récemment en investissant l’ambassade du Cameroun pour appeler le gouvernement de ce pays à réagir comme l’a fait celui du Cambodge. Nous ne reviendrons pas ici sur le détail des problèmes posés (lire Action n° 95), ils tiennent notamment au choix de la population cible, à l’existence d’un bras placebo totalement injustifié, aux carences de l’accompagnement en termes de prévention et au fait que les personnes infectées au cours de l’essai ne seront même pas prises en charge par le laboratoire.

En Thaïlande, l’essai est non seulement abominable pour toutes ces mêmes raisons, mais il est encore rendu plus inacceptable par le fait que l’outil minimal de prévention ne sera même pas mis à disposition de ces cobayes humainEs de l’industrie pharmaceutique. En effet, si, dans les autres essais, des préservatifs sont distribués aux prostituées, dans le cas des UDI thaïlandaiSEs, le protocole ne prévoit même pas la mise à disposition de seringues. Dans un pays où les tox doivent se cacher pour ne pas être assassinéEs ou déportéEs, avec des niveaux de prévalence du VIH qui atteignent 50 %, ne pas fournir de seringues, c’est envoyer ces hommes et ces femmes à une contamination certaine.

Et pour finir de nous dégoûter, il faut comprendre la raison du refus de fournir des seringues. La Thaïlande ne mène pas de programmes d’échange de seringues par elle-même, mais elle n’interdit pas non plus cette pratique, et plusieurs ONG ont développé ce type de dispositifs. Si le programme n’en inclut pas, ce n’est donc pas en raison d’une politique locale, mais en vertu (selon les responsables de l’essai) d’un principe de l’administration américaine : le gouvernement américain refuse de donner son agréement à un essai qui inclurait la mise à disposition de seringues.