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Edito

octobre 2004, par Jérôme Martin

Chantage et illégitimité

Nous zappons Xavier Bertrand, secrétaire d’Etat à l’Assurance maladie, au sujet de la réforme de la Sécurité sociale. Quelques jours plus tard, un responsable du cabinet de Philippe Douste-Blazy nous fait savoir que notre action compromet le suivi d’un dossier important sur lequel le ministre s’est engagé : l’inscription à la nomenclature, et donc le remboursement, d’un certain nombre d’actes médicaux et d’examens.

A la conférence de Bangkok, en juillet, nous harcelons l’émissaire français, Xavier Darcos - qui reconnaît publiquement ne pas connaître grand chose aux enjeux du sida. Fin août, quand un membre d’Act Up sollicite le Ministère des affaires étrangères pour régler la question du visa d’une personne camerounaise, l’interlocuteur lui dit explicitement qu’étant donné notre comportement à Bangkok, il serait tout à fait en droit de ne pas répondre à notre demande.

Schering-Plough met en place un essai international pour tester une toute nouvelle molécule. Les critères d’inclusion sont en totale contradiction avec les recommandations thérapeutiques mises en place par les scientifiques et les malades dans le cadre du rapport Delfraissy. Nous critiquons publiquement cet essai et demandons l’avis des institutions (DGS, ANRS). Immédiatement, Schering Plough nous fait savoir que cette opposition risque de nous coûter des financements pour l’année prochaine.

Evidemment, ces pratiques de chantage ne sont pas nouvelles. Mais il semblerait bien qu’elles s’intensifient, dans un contexte particulièrement hostile à l’expression de toute opposition et de désobéissance civile : des militantEs syndicauxALES ou associatifVEs sont harceléEs par la justice ou l’administration, des faucheurSEs de maïs transgénique se retrouvent plusieurs jours à l’hôpital, etc.

Ces chantages divers et la répression des actions de désobéissance civile révèlent parfaitement l’illégitimité du pouvoir en place. Quand 9 folles d’Act Up-Paris, en planque sur un parking du Saint Maclou à Bagnolet, sont accueillies par plus de 50 policiers alors qu’elles s’apprêtaient à zapper Raffarin, Douste-Blazy et Bertrand sur la réforme de la Sécu, cela montre bien que, si le pouvoir en place ressent à ce point le besoin de se protéger de toute manifestation de colère, c’est qu’il est parfaitement conscient de l’illégitimité de sa politique.

Rappelons que cette majorité, qui ne cesse de se gausser des mouvements sociaux « minoritaires » et « non-représentatifs », n’a le pouvoir que parce qu’elle a été élue contre le FN. Rappelons qu’elle a pris des gifles monumentales à toutes les élections de 2004, ce dont elle n’a absolument pas tenu compte. Qu’allons-nous faire ? Attendre les prochaines échéances électorales en espérant un pouvoir un peu moins pire ? D’ici là, pour prendre le seul exemple de l’assurance maladie, la Sécurité sociale ne sera plus : les malades, notamment ceux et celles qui vivent avec une pathologie lourde comme le sida, seront misEs à contribution plus que les personnes en bonne santé ; les protocoles de soins seront définis en fonction d’impératifs strictement comptables ; il ne sera plus possible de choisir librement son médecin ; etc.

A ceux et celles, notamment parmi nos alliéEs, qui trouvent les méthodes d’Act Up trop violentes, il faut sans cesse rappeler ce contexte, sans cesse redire que les zaps, s’ils ne contribuent pas toujours à faire avancer des dossiers, permettent au moins aux premierEs concernéEs, les malades, de prendre la parole face à leurs interlocuteurRICEs, d’opposer à l’illégitimité de leur pouvoir la force de notre colère. Pourquoi sommes-nous toujours si peu à user de telles armes face à un pouvoir qui ne mérite que ça ?