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2005 année du Brésil, la France expulse les séropos

mardi 1er février 2005

L’inexpusabilité des étrangèrEs atteintEs de pathologies graves est depuis plusieurs années remise en cause. Un des arguments utilisé pour expulser les ressortissantEs du Brésil est que les antirétroviraux y sont désormais disponibles sous leur forme générique. C’est oublier bien vite ce que représente la prise en charge médicale du VIH.

Le 26 octobre 2004, la préfecture de police de Paris rejetait la demande de titre de séjour pour soins de Luis, séropositif originaire du Brésil. Luis réside en France depuis 8 ans et y a découvert sa séropositivité au VIH en 1999. Depuis cette date, il bénéficiait de cartes de séjour temporaire renouvelables tous les ans. Mais cette année, la préfecture lui à opposé un refus au motif qu’il pouvait « effectivement bénéficier d’un traitement approprié dans votre pays d’origine ». Le 1er décembre, journée mondiale de lutte contre le sida, la préfecture de police prenait à l’encontre de Luis un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière. En décembre, nous formions avec lui un recours contentieux devant le Tribunal administratif de Paris, qui a annulé la mesure d’éloignement en considérant que le refus de renouvellement était entaché d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation.

Les préfectures expulsent ...

Cette situation n’est malheureusement pas un cas isolé et les refus de régularisation pour soins des personnes originaires du Brésil se systématisent sur le même motif. Aujourd’hui les préfectures considèrent que les possibilités d’accès aux antirétroviraux dans certains pays du Sud garantissent une prise en charge des séropositifVEs suffisante pour pouvoir les expulser. Pourtant, si de manière générale le Brésil a su mettre en place un système d’accès aux antirétroviraux, il ne faut cependant pas surestimer la capacité de réelle prise en charge médicale des personnes infectées par le VIH. Parmi les nombreux problèmes soulevés par les associations brésiliennes de lutte contre le sida, nous pouvons citer à titre d’exemple :
 les difficultés pour effectuer des bilans sanguins (charge virale et CD4). Quand ceux-ci sont réalisables (ce qui n’est pas toujours le cas), il s’écoule un délai beaucoup trop long entre la prescription et le rendu des résultats ;
 la surcharge des services VIH où les consultations se limitent trop souvent à la seule prescription et délivrance des traitements ;
 à Sao Paulo, où Luis est né, il manque une centaine de lits rien que dans le service d’hospitalisation VIH de l’hôpital principal ;
 hormis les antirétroviraux, de nombreux traitements sont indisponibles, dont certains contre les infections opportunistes. Il est incontestable que ce défaut de prise en charge « pourrait entraîner des conséquences d’une exceptionnelle gravité », ce qui est légalement un motif suffisant de régularisation pour soins. Compte tenu de la généralisation de ces refus, nous pouvons nous demander si cette nouvelle politique ne découle pas d’instructions ministérielles.

... et le ministère de la Santé apporte sa caution

Face à la brusque généralisation des expulsions et tentatives d’expulsion de séropositifVEs brésilienNEs, nous avons interrogé Anne-Claude Crémieux, conseillère technique auprès du [ministre de la Santé->http://lesservices.service-public.fr/mod_res/m_fserv.htm?DN=ou=0101,%20ou=A01,%20ou=centrale,%20ou=structures,%20ou=raf,%20o=gouv,%20c=FR et avec qui nous travaillons actuellement à l’élaboration d’une circulaire sur la régularisation pour soins. Cette dernière, assume sans sourciller les mesures d’expulsion des séropositifVEs brésilienNEs. Elle estime en effet qu’à partir du moment où il y a un accès aux antirétroviraux le défaut de prise en charge médicale n’entraîne pas des conséquences d’une exceptionnelle gravité. Il faut selon elle faire preuve de « réalisme » : il faudra bien refuser l’accès au séjour des étrangèrEs séropositifVEs ayant dans leur pays d’origine accès aux antirétroviraux. Enfin, interrogée sur le rendu du tribunal administratif concernant Luis, elle a reconnu que les refus n’étaient peut-être pas tous justifiés, mais qu’elle faisait confiance aux associations pour réagir sur des situations particulières.
Tout d’abord, nous ne voyons pas comment le « réalisme » d’Anne-Claude Crémieux peut s’affranchir des problèmes de prise en charge médicale au Brésil. De plus, comment cette conseillère technique qui est infectiologue, peut-elle considérer que le niveau de prise en charge est suffisant au Brésil, alors qu’elle le trouverait en France inacceptable et susceptible de mettre en danger la vie de séropositifVEs ? Enfin, comment peut-elle tenir ces propos et reconnaître également ne pas avoir « une idée très précise » de la prise en charge médicale des personnes séropositives au Brésil ?
Plus choquant encore, ces propos démontrent un refus délibéré d’appliquer la loi et semblent s’appuyer sur une rhétorique de « gestion des flux migratoires » : le gouvernement refuse de tenir compte d’un critère d’accès à une prise en charge car son objectif est d’expulser tôt ou tard les séropositifVEs étrangèrEs. Enfin rappelons que les associations n’ont pas plus la possibilité que la responsabilité d’empêcher toutes les tentatives d’expulsion de séropositifVEs. Cette responsabilité incombe aux pouvoirs publics. Anne-Claude Crémieux aura personnellement à répondre des vies mises en danger par son « réalisme ».