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en finir avec Dustan

vendredi 30 novembre 2001

La lecture des livres de Guillaume Dustan provoque très vite un sentiment de dégoût, de fatigue. Il y a là de l’acharnement, de la haine et la volonté de détruire une des plus belles aventures collectives de la communauté homosexuelle. On joue sur un terrain facile, sur des images éculées : Act Up, la secte, le ghetto, les pauvres hystériques, les puritains, les moralisateurs, les rabats-joie. On fait de la polémique à la petite semaine, la baise sans capote devient un fond de commerce et on passe dans les émissions de Dechavanne.

Evidemment, lire ces livres relève du masochisme, mais on les lit comme auparavant on avait lu Tony Anatrella ou Irène Théry : tous ces gens qui parlent si bien de nous, qui prétendent être les experts de nos vies, de nos discours, de nos combats.

La force d’Act Up, c’est de regarder la réalité en face. Aujourd’hui, nous voyons l’épidémie avancer, les chiffres repartir et retrouver leur niveau de1995. Des garçons de vingt ans arrivent en Réunion Hebdomadaire parce qu’ils viennent d’apprendre qu’ils sont séropos. On peut toujours détourner le regard en attendant que cela se passe. Ce n’est pas notre politique : on ne lutte pas contre le sida avec des œillères.

Quand les choses ne vont pas, nous nous retournons vers notre communauté. Parce que malgré tous les conflits qui peuvent l’agiter, Act Up est née avec cette idée de communauté et parce que nous nous sentons la responsabilité de l’informer et de lancer des messages d’alerte quand la situation l’exige.

En juillet et août 1999, les chiffres de transmission des MST connaissent un pic sans précédent. La même année, les données des CDAG parisiens montrent une augmentation de la proportion de diagnostics positifs alors que cette part était en baisse depuis 1995. Pour la Gay Pride, en juin 2000, nous collions des images de sexe dans les rues avec ce slogan : « baiser sans capote, ça vous fait jouir ? ». C’est notre première réponse aux barebackers qui, sous couvert de liberté sexuelle, invitent à la prise de risque. En novembre 2000, Act Up organise l’AG des pédés, le mot d’ordre est : « il est temps de parler ». Plusieurs centaines de personnes sont là : des gens du SNEG, de la DGS, des associations et des pédés qui sont venus parce qu’ils avaient lu le tract qui les invitait à venir. Au début de l’année 2001, les résultats de l’enquête presse gay 2000 sont publiés. Pour la première fois, la proportion de ceux qui déclaraient avoir pris des risques dans les derniers mois est en augmentation. On assiste à une inversion de tendance. Le relâchement des pratiques safe est particulièrement net chez les jeunes. Nous lançons une campagne d’affichage dans Paris : « Irresponsables » et le 24 juin 2001, le jour de la Gay Pride, Le Monde publie la tribune écrite avec des associations homosexuelles étudiantes : « 20 ans de sida, ça suffit ». Les pouvoirs publics y sont interpelés. Le matin même, la façade du Service d’Information Gouvernemental est maculée de « faux-sang » parce que la campagne de prévention prévue pour l’été vient d’être censurée en conseil des ministres par Lionel Jospin et Ségolène Royal. Pendant l’été, des militants tractent dans les bars pour lancer une alerte à la syphilis.

Après ça, on peut toujours essayer de nous faire le coup de l’autofiction, de la distinction auteur/narrateur, de la littérature et de la vie. On peut toujours tenter de décourager, en même temps qu’on la suggère, une lecture politique des textes. Il n’y a pas de second degré qui tienne pour nous faire avaler des couleuvres. Mais parce que nous savons aussi que l’ironie tire son efficacité politique d’un jeu malin sur la première personne, nous y répondons à la première personne. Les textes qui suivent sont signés par leurs auteurs. Mais parce que ces textes nourrissent à Act Up des débats sur nos stratégies et nos actions, ils engagent un peu plus que leurs auteurs.

les différentes contributions pour en finir avec Dustan :

 répondre à Dustan... par Didier Lestrade
 ce qu’il dit par Fabien Rouilly et Agnès De Luna
 l’arbre qui cache la forêt par Arlindo Costantino et Xavier Héraud