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Enquête ANRS Vespa

mardi 1er mars 2005

Lancée fin 2002, l’enquête Vespa avait pour but de décrire la vie des personnes vivant avec le VIH depuis l’arrivée des traitements. Les premiers résultats ont été publiés en novembre 2004. Voici les premières analyses.

La prévalence de l’infection à VIH, en France, est estimée à environ 100 000 personnes, fin 2003. Toute l’information concernant l’infection par le VIH en France, c’est-à-dire l’épidémiologie de cette infection, provient de plusieurs sources de données : le nombre de personnes infectées, le stade de la maladie, le taux de mortalité, la nature de la prise en charge avec l’incidence sur le succès ou l’échec virologique. D’autres données importantes, comme le moment du dépistage, les caractéristiques sociales peuvent permettre une approche réaliste et efficace.

Parmi les banques de données il faut noter : les travaux menés au sein de l’Action coordonnée 18 de l’ANRS ; la notification obligatoire des nouveaux diagnostics de l’infection par le VIH (mise en place progressive depuis mars 2003) ainsi que la notification obligatoire des cas de sida (publication par l’Institut de veille sanitaire) ; la base française de données hospitalières sur l’infection par le VIH (FHDH) concernant les personnes suivies dans les CISIH ; l’enquête ANRS-VESPA qui a eu pour but d’étudier les conditions de vie des personnes atteintes par l’infection VIH/sida.

Ce sont les objectifs et les premiers résultats de cette étude que nous allons évoquer.

Objectifs de Vespa

L’objectif était de décrire de façon précise la vie des personnes séropositives en France métropolitaine, en Guyane et aux Antilles, depuis que des traitements efficaces sont accessibles. Vespa se différencie donc complètement d’un essai thérapeutique ou d’une cohorte. Il s’agit de décrire les conditions de vie quotidiennes de ces personnes, leur milieu social, leur situation personnelle et médicale, leur travail, leurs ressources, leur vie familiale, leur origine, leur sexualité, etc.

En premier lieu, une enquête pilote a été réalisée courant 2002, dans quelques grands hôpitaux parisiens (Bichat, Pompidou, etc.) pour évaluer la faisabilité d’une telle entreprise.

Ensuite, entre décembre 2002 et octobre 2003, environ 2 959 personnes ont répondu à l’enquête en métropole et 405 aux Antilles et en Guyane. Dans chaque service unE attachéE de recherche clinique, aidé d’unE technicienNE d’études cliniques ou d’unE infirmièrE, recueillait le consentement et remplissait un court questionnaire médical pour ceux et celles qui acceptaient de participer. Suivait un entretien d’environ 40 minutes, à l’issue duquel la personne recevait une petite indemnité en raison du temps consacré. Il restait un questionnaire complémentaire à remplir par le/la participantE lui-même/elle-même.

Ainsi, pour chaque personne il est possible de retracer l’histoire de sa maladie, son état de santé, les soins auxquels elle a accès, sa vie professionnelle, affective et sexuelle, ses enfants, parler du désir d’enfant également.

L’analyse des données permet, fin 2004, de produire les premiers résultats de VESPA, lesquels sont apparus en accord avec les résultats de la FHDH, et mentionnés dans le chapitre du rapport Delfraissy consacré à l’épidémiologie de l’infection à VIH.

Que nous apprend VESPA en 2005 ?

C’est dans la région Ile-de-France et la région PACA que l’on rencontre le plus grand nombre de personnes contaminées. Pour les hommes, il s’agit en majorité de transmission homosexuelle ou par usage de drogues par voie intraveineuse. Progressivement, de plus en plus de contaminations féminines apparaissent.
Les étrangèrEs représentent 18 % des séropositifVEs, 30 % des femmes séropositives sont étrangères, 55 % des immigréEs atteintEs sont néEs en Afrique sub-saharienne. La part des immigréEs augmente beaucoup avec le temps, en particulier chez les femmes. La moitié des personnes séropositives connaissent leur maladie depuis 1993 ou avant. Les personnes diagnostiquées depuis 1996 sont le plus souvent des femmes, elles ont moins de 40 ans, sont originaires d’Afrique sub-saharienne et forment le groupe le plus important à avoir un niveau d’études faible.

La transmission par rapports hétérosexuels a beaucoup augmenté (51 %), contrairement aux transmissions par d’autres modes qui ont beaucoup diminué (injection de drogues, transfusions sanguines).

La transmission du VIH par voie sexuelle est très largement dominante en 2003. En 1996, une personne sur trois était à un stade avancé de la maladie au moment du diagnostic, par la suite, grâce aux traitements (80 % des personnes sont traitées) la majorité est en succès virologique et 2 % sont en échec sévère. 22 % sont co-infectées VIH-VHC surtout par usage de drogues par voie intra-veineuse.

Au cours de leur vie, 22 % des personnes ayant répondu, disent avoir fait une tentative de suicide, une sur cinq prend tous les jours ou presque un antidépresseur.
L’observance a été mesurée à l’aide de questionnaires standards portant sur la prise des médicaments au cours des derniers jours. 60 % n’ont manqué aucune prise et dans ce groupe, la proportion de personnes en succès virologique y est de 80 %.
La toxicité des médicaments apparaît à travers l’existence d’effets indésirables et de la gêne qui en résulte, à travers la modification de l’apparence physique, ainsi que les troubles de la sexualité, rapportés par 30 % des personnes.

La qualité de vie a été évaluée par un auto-questionnaire (activité, douleurs physiques, altérations de l’état psychologique). La proportion de participantEs ayant une mauvaise qualité de vie est de 63 %, l’avancement dans l’âge et le sexe féminin sont des éléments qui influent sur cette qualité de vie. Un peu plus de 25 % des personnes séropositives ont une invalidité reconnue, ; parmi elles, peu ont un emploi et le retour à une activité professionnelle est rare.

La consommation élevée de substances psychoactives varie en fonction de l’âge, du sexe et du groupe de population. Ce sont principalement :
 le tabac (50 % se disent fumeurs au moment de l’enquête, il y a autant d’hommes que de femmes) ;
 l’alcool (consommation quotidienne, abus périodiques, niveau plus faible chez les femmes, plus important chez les usagerèrEs de drogues) ;
 les drogues illicites (cannabis 28 %, poppers 13 %, ecstasy 6 %, héroïne 1 %, amphétamines, cocaïne, toutes ces consommations sont plus importantes chez les hommes, les poppers sont plus utilisés chez les homosexuels) ;
 les médicaments psychotropes (anxiolytiques, hypnotiques, antidépresseurs ou neuroleptiques, on a le choix, autant pour les hommes que pour les femmes, et leur utilisation augmente avec l’âge).

Les personnes vivant avec le VIH, hommes et femmes, semblent avoir une vie sexuelle peu active, pour la plupart avec plusieurs partenaires en cours d’une année ; l’usage de préservatifs est loin d’être systématique. La mesure de la charge virale, lorsqu’elle est indétectable, intervient dans le choix d’absence de protection et ceci dans 25 % des cas !!!
Dans l’ensemble, le statut sérologique du partenaire est connu, 6 % reconnaissent ne pas avoir abordé le sujet. La question de la protection se pose différemment si le/la partenaire est séronégatif, dans ce cas elle sera meilleure ; mais loin d’être suffisante lorsque le/la partenaire est également séropositifVE, 60 % des couples dont les deux partenaires sont séropositifVEs n’utilisent pas de préservatifs, ignorant totalement le risque de surcontamination.

Le recours au traitement d’urgence est loin de faire partie de la stratégie de prévention. En comparaison avec la population générale, la population des personnes atteintes se caractérise par un multipartenariat élevé, en particulier chez les homosexuels (58 %). Quel que soit le groupe social, les hommes ont plus de partenaires que les femmes au cours d’une année. Les populations originaires d’Afrique sub-saharienne sont les plus nombreuses à ne pas utiliser systématiquement le préservatif (29 % pour les hommes et 33 % pour les femmes). A âge égal, un nombre important de personnes déclarent ne pas avoir de rapports au cours des derniers mois, cette absence d’activité sexuelle est plus fréquente chez les femmes (peur de contaminer, d’être rejetées, sentiment de perte de séduction et d’isolement).
Le rejet sur l’autre de la responsabilité de se protéger, l’oubli, la peur que la demande d’un rapport protégé ne révèle la séropositivité, interviennent souvent, mais sont plus rares chez les homosexuels.

Quelle que soit l’évolution de leur maladie, les femmes séropositives donnent moins souvent naissance à des enfants que les femmes du même âge issues de la population générale et ce, malgré la diminution du risque de transmission grâce à l’accès à des traitements efficaces. Ce sont les femmes jeunes et les femmes d’origine africaine qui ont le plus d’enfants. Plus de la moitié (53 %) ont eu au moins un enfant et parfois une IVG avant de connaître leur séropositivité. Le taux de naissance est resté stable tout au long de la période d’étude, de 2,5 à 3,4 pour 100 femmes.

Le secret

Une personne sur quatre garde le secret de sa maladie vis-à-vis de son entourage, au travail, dans la famille (les père et mère ainsi que les enfants sont moins informés que les frères et sœurs).
Les hommes originaires d’Afrique sub-saharienne vivent pour la plupart sous un secret absolu.
Les ancienNEs et actuelLEs usagèrEs de drogues annoncent leur séropositivité à l’ensemble de leur groupe.
L’implication dans une vie associative correspond à une annonce plus large et plus facile de la séropositivité, ensuite dans le milieu du travail et familial.
Actuellement, plus d’une personne sur quatre vit dans le secret vis à vis de la majorité de son entourage.

Vespa poursuit son analyse à propos des ressources et des conditions de logement des personnes séropositives, leur niveau d’activité professionnelle, la perte de l’emploi, le retour dans le monde du travail, la vie après le diagnostic. L’épidémie s’étend de plus en plus chez les femmes, une étude particulière est faite sur la vie familiale et professionnelle des mères ayant de jeunes enfants. Elle comprend des entretiens, renouvelés tous les 4 mois, en région parisienne et à Marseille, pour connaître, compte tenu de leur état de santé, les composantes de leur mode de vie, transports, logements, accueil des jeunes enfants. Elles sont soit au chômage, soit occupent un emploi. Les difficultés financières sont omniprésentes dans les réponses obtenues.

Les analyses statistiques vont se poursuivre, car les premiers résultats confirment l’impact profond de la maladie dans tous les aspects de la vie quotidienne des personnes atteintes. Elles concernent pour l’instant la métropole ; il reste a examiner les données des Antilles et de la Guyane, où l’entretien avait lieu en français et/ou en créole. Une telle enquête est longue, difficile, car elle fait appel à de nombreux et nombreuses intervenantEs. Les données venues de la recherche devraient également permettre d’élaborer des stratégies nouvelles et efficaces de prévention dans un contexte renouvelé de comportements à risques. Diffuser le plus largement possible ses enseignements est indispensable, parmi tous ceux et celles qui sont impliquéEs dans la prise en charge des séropositifVEs, en particulier le monde associatif.