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DMI-2, la base de données

jeudi 1er juillet 2004

Créé en 1992, le dmi-2 est l’une des bases de données les plus fournies du monde, nous renseignant a posteriori et en partie sur l’évolution de l’épidémie en France.

historique

L’émergence, au début des années 1980, dans la population française, d’un nouvel agent infectieux, le virus de l’immunodéficience humaine, a rapidement mis en évidence l’absence d’outil permettant de suivre au plus près les différentes caractéristiques de cette maladie. La finalité d’un tel outil est d’informer le milieu médical, par le recueil de données épidémiologiques, afin qu’il organise et fasse évoluer au mieux la prise en charge des personnes vivant avec le VIH. En 1987, ont été créés dans l’ensemble du pays des Centres d’information et de soins sur l’immunodéficience humaine (CISIH) ayant entre autre pour rôle de participer au développement et au suivi de la recherche dans les domaines épidémiologiques, cliniques et médico-économiques. Afin de faciliter leur fonctionnement, les CISIH ont rapidement pu disposer de deux systèmes informatiques.

Le premier, créé en 1988 par la Direction des hôpitaux, est le DMI-1. Il prend en compte les recours hospitaliers (consultations ou hospitalisation) des personnes vivant avec le VIH et l’aspect médico-économique de l’épidémie.

Le deuxième, créé par l’INSERM SC4 (Institut national de la santé et de la recherche médicale, Service commun n°4), est mis en place en 1989. Il s’agit d’un outil informatique s’intéressant aux personnes contaminées prises en charge à l’hôpital ainsi qu’au versant médico-épidémiologique de l’épidémie. En 1992, la fusion de ces deux systèmes d’information a donné naissance au Dossier médical, épidémiologique et économique de l’immunodéficience humaine ou DMI-2. Cet outil, propriété du Ministère de la santé, contient des informations sur des personnes vivant le VIH, suivies dans un CISIH.

quelques caractéristiques

Il s’agit d’un outil centré sur la personne vivant avec le VIH, âgée de plus de 15 ans, suivie dans un service hospitalier utilisant le DMI-2 (CISIH) et ayant donné son consentement éclairé par écrit. Les données saisies concernant la personne séropositive sont d’ordre médical, clinique et épidémiologique. Le DMI-2 est installé dans 62 services hospitaliers répartis dans 29 des 30 CISIH.

que contient le dossier d’une personne ?

Lors d’un premier rendez-vous (consultation ou hospitalisation) dans un CISIH, un dossier est ouvert. Il rassemble des données invariables telles que l’identification de la personne, le département de domicile, le sexe, le poids, la taille, le groupe de transmission, la date de la première sérologie positive, le nombre de CD4 et la charge virale, ainsi que les éventuels antécédents cliniques associés à l’infection par le VIH. L’ensemble de ces informations constitue le dossier de référence de la personne. Par la suite, une fiche de suivi est réalisée à chaque consultation ou hospitalisation (classique ou de jour), ou si un événement clinique ou thérapeutique s’est produit, ou sinon au moins tous les 6 mois. Cette fiche comprend des informations cliniques (infections opportunistes ou autres), biologiques (charge virale et taux de CD4 notamment) et thérapeutiques (antirétroviraux, traitements des manifestations cliniques, etc.).

quelques chiffres

Le DMI-2 rassemble une cohorte hospitalière unique, soit une file active d’environ 96 000 personnes de 15 ans et plus. Parmi ces personnes, près de 89 000 ont fait l’objet d’un recueil d’information au moins une fois sur une période de 10 ans pour la période du 1er janvier 1992 au 31 décembre 2002. Figurent également dans la base près de 2 millions de recours en hospitalisation et en consultation.

Les informations contenues dans la base du DMI2 permettent sur le plan médical de mieux cerner les personnes vivant avec le VIH, d’évaluer les traitements, de proposer une inclusion dans un essai thérapeutique, etc. Les informations d’ordre épidémiologique assurent une meilleure détermination des facteurs de risque des pathologies associées au VIH et permettent de mesurer leur incidence. Elles assurent également l’évaluation de l’impact des traitements sur la maladie. Les informations d’ordre médico-économique permettent, entre autres choses, de mieux cerner l’activité hospitalière. Le DMI-2 constitue aussi une aide précieuse au pilotage de la politique nationale d’organisation des soins aux personnes infectées et à l’appréciation de leur accès aux soins. Cette base de données fait également l’objet d’exploitations ponctuelles et thématiques, citons le suivi des échappements thérapeutiques, la planification des besoins en dosage de la charge virale etc. Enfin les chiffres du DMI-2 permettent d’alimenter nombres de publication telles que « les chiffres clés du sida et du VHC », le Retour épidémiologique clinico-épidémiologique (Rice) et d’initier des projets de recherche et des études scientifiques.

les données sont-elles sécurisées ?

Au même titre que les informations se trouvant dans le dossier médical papier des personnes, les données informatiques du DMI-2 sont soumises à la plus stricte confidentialité grâce à une procédure de sécurisation. Ainsi, physiquement, le matériel informatique de saisie des informations devant alimenter la base de données, est entreposé dans un local spécifique muni de serrures spéciales ou d’un digicode. De plus, l’accès au logiciel est protégé par un système de mot de passe. Par ailleurs, les données transmises à la direction des hôpitaux et à l’INSERM pour des analyses au niveau national sont anonymisées avant envoi (retrait du nom, prénom et date de naissance) puis cryptées. Seules quelques catégories du personnel sont habilitées à utiliser ou à consulter le DMI-2. Il s’agit des techniciens d’études cliniques (TEC), dont la fonction a été créée avec l’avènement du DMI-2, et qui sont chargés du recueil de l’information, de la saisie des données et de leur analyse.

Les médecins traitant du service où est implanté le DMI-2 et qui manipulent déjà les données papier des personnes, ont aussi accès à ces données. Les autres catégories de personnels (infirmières, secrétaires médicales, etc.) peuvent disposer d’une partie des données afin d’assurer la meilleure prise en charge possible aux personnes séropositives par l’entremise des TEC.

un exemple les cardiomyopathies

Avec l’avènement des trithérapies, les personnes vivant avec le VIH ont vu leur risque de développer le sida diminuer, et leur espérance de vie s’accroître considérablement. Bien que des anomalies lipidiques aient été repérées avant la généralisation des multithérapies, l’action des inhibiteurs de protéase (IP) sur le métabolisme, en particulier les anomalies du métabolisme des lipides et les lipodystrophies, pourraient avoir un effet délétère sur le cœur. Ainsi les trithérapies ont parfois étaient impliquées dans l’aggravation de maladie affectant les artères coronaires qui alimentent le cœur en oxygène et d’autre complications vasculaires. Cependant, l’impact des IP sur le risque coronarien et la survenue d’un infarctus du myocarde reste controversé.

C’est la raison pour laquelle une équipe de médecins et de scientifiques de Paris, Lyon et Strasbourg ont analysé les chiffres concernant les affections cardiaques contenues dans la base du DMI-2. Cette analyse avait pour but de mesurer l’action des IP sur l’infarctus du myocarde chez les personnes vivant avec le VIH, en prenant l’année 1992 comme point de départ. La prévalence des affections cardiaques observée chez ces personnes, en fonction de la durée du traitement par IP, a été comparée à celle de la population générale.

Les résultats indiquent que le risque d’affections cardiaques chez les séropositifs croît avec l’allongement de la durée de traitement par IP, alors que ce risque n’augmente pas chez les personnes traitées par les autres familles d’antirétroviraux (inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse ou INNTI). Les facteurs de risques d’affections cardiaques chez les personnes vivant avec le VIH peuvent être classés en deux groupes, ceux qui sont la conséquence directe du traitement et ceux dont l’origine ne dépend pas des antirétroviraux.

Le premier groupe de facteurs inclut les taux sanguins de cholestérol, de triglycérides et de glucose pour lesquels différentes études constatent le rôle majeur des IP dans la survenue de ces anomalies métaboliques. Le deuxième groupe de facteurs de risques des affections cardiaques regroupe l’âge, les prédispositions familiales et personnelles, telles que le tabagisme, l’obésité et l’hypertension artérielle. Cependant, en se basant sur les chiffres du DMI-2, l’âge apparaît comme étant un facteur indépendant du risque cardiaque. Par conséquent, il semble que la décision, par le médecin, de prescrire ou non un IP ne soit pas influencée par l’âge de la personne. Il en est de même pour les autres facteurs de risques cités, c’est-à-dire consommation de tabac, obésité et hypertension artérielle. Enfin, les résultats de cette étude montrent que plus une personne est traitée longtemps par inhibiteur de protéase, plus elle voit son risque de développer une affection cardiaque grandir.

recommandations

Cependant l’augmentation de l’espérance de vie qu’apporte la mise sous multithérapie contrebalance clairement l’association des trithérapies à une augmentation du risque cardiaque. Les auteurs de cette étude préconisent donc que le risque d’affection cardiaque soit désormais pris en compte par le médecin lors du choix de la trithérapie à prescrire, surtout si la personne présente d’autres risques cardiaques. Il apparaît ainsi essentiel de déterminer les taux sanguins de cholestérol, de triglycérides et de glucose avant, et régulièrement au cours du traitement, de façon à diagnostiquer au plus tôt une anomalie si elle survient. De plus, si la prescription d’un médicament pour faire baisser le taux de graisse dans le sang est nécessaire, cette dernière doit impérativement prendre en compte le risque d’interactions médicamenteuses susceptibles de se produire avec les antirétroviraux. De telles interactions médicamenteuses pourraient, par exemple, diminuer l’efficacité des antirétroviraux ou leur élimination de l’organisme.

Comme le préconise déjà le Rapport Delfraissy, le suivi du risque cardiaque chez les personnes vivant avec le VIH soignées par IP se doit d’être attentif. Par ailleurs, des études portant sur les INNTI doivent être menées afin de prouver clairement l’innocuité de cette famille antirétrovirale sur le cœur.