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« Who is the greediest ? »

vendredi 16 juillet 2004

Le tout sécuritaire de la conférence nous ferait presque oublier d’en mentionner les aspects les plus intéressants...

Jeudi 15 juillet - Ainsi, dans un des halls du centre de conférence, des travailleurSEs du sexe ont installé un stand : un lit, des mannequins habillés de couleurs flashy, des vidéos de leurs performances, bref une visibilité immense et un esprit d’agit-prop que résume leur nom, « Debby doesn’t do it for free » [1].

Plus trash

Côté actions, la journée a été coupée en deux : le matin, les coopérations nationales (USA et Japon) ; l’après-midi, les labos (Abbott, Pfizer, BMS et Roche). L’action contre les institutions américaines (le gouvernement et l’USAID [2]) visait, comme les jours précédents, à dénoncer les financements insuffisants versés à la lutte contre le sida ainsi que la politique de protection des brevets. Nous avons ajouté à nos revendications la dénonciation de la politique de prévention promue par Bush dite « A B C program » [3]. L’action contre le Japon, quant à elle, visait à rappeler son absence totale d’engagement dans la lutte contre le sida. Les actions, organisées par des activistes avec qui nous n’avons pas l’habitude de travailler, sont restées dans le registre symbolique : demo de déroulement de capotes (sur les doigts), slogans, remise officielle de nos revendications aux responsables des stands.

L’après-midi a été un peu plus trash. La tension montait sur les stands des labos, depuis le début de la conférence. Tous les activistes connaissent ce plaisir merveilleusement jouissif qui consiste à se rendre avec un tee-shirt d’Act Up sur un stand de labo, y prendre un café et admirer les pubs ou la doc. Les responsables vous regardent le teint blême, et guettent avec effroi le début d’une éventuelle action. Hier, nous avions fait courir le bruit que nous allions tous les zapper (une action qui portait le nom de code « tempête »). Ce matin, les labos avaient rangé leur doc et recouvert leurs écrans ; Glaxo avait même démonté ses fontaines ridicules. Résultat, communication zéro pour la journée : un vrai succès. Ils ont payé pour 6 jours de présence, et grâce à quelques rumeurs, nous réussissons à leur saboter deux jours.

Nous étions tombés d’accord pour ne pas faire ce zap « tempête » comme zap général. Nous avons donc choisi, ce qui fut difficile, de cibler les pires d’entre eux, et leur avons assigné des reproches spécifiques plutôt que des revendications trop larges. À 14 heures, nous sommes 50 à nous diriger vers leur quartier, en criant « Who is the greediest ? » [4], désignant du doigt l’une puis l’autre des firmes. C’est finalement Abbott qui remporte le premier prix, au sens propre du terme puisqu’un activiste américain, qui conduit la marche, porte une coupe où est inscrit « World greediest lab » et la présente devant les journalistes et les personnes qui se sont attroupées. Des affiches sont collées et des faux dollars jetés en l’air, le tout arrosé de « faux sang ». Rappelons qu’Abbott a multiplié par cinq le prix du Norvir. C’est ensuite le stand de Pfizer qui est visé. Nous nous y rendons aux cris de « Who is the next ? ».

Bonus track

Pfizer mène une politique de défense des brevets particulièrement immonde. Des pochoirs « Pfraud » reprenant le visuel du logo du labo sont posés sur les murs, des affiches sont collées. Un speech de présentation aux médias, quelques slogans, et nous repartons vers BMS, « bonus track » organisé par les Thaïlandais. Les badges de la conférence s’attachent avec une lanière sur laquel se trouve le logo du labo. Depuis le début de la conférence, les Thaïs proposent des lanières de rechange, et récupèrent le produit publicitaire de BMS. Ils ont amassé des centaines de cordons que nous jetons sur le stand en leur demandant de baisser le prix de la ddI. Vient enfin Roche. Cette fois, nous n’avons pas réussi à nous entendre sur une revendication unique : protection des brevets, refus de baisser les prix, au Sud comme au Nord, interruption du T 1249 : nous n’avions que l’embarras du choix. C’est donc avec toute la colère requise que nous avons investi leur stand, arrosé l’ensemble de « faux sang », et fait un die-in. Et c’est donc avec toute la fierté requise que nous en sommes partis.

A notre retour, nous avons constaté que notre stand avait été zappé — avec un courage admirable. En notre absence, des militants de « TrueGap » ont posé des pancartes tout à fait cheap, marquées, entre autres, « Act Up Uses Aids To Promote Socialism » (sic). Ce sont donc nos blondinets présents au zap Pfizer qui ont attendu que personne ne soit sur le stand pour faire ça. Sans parler de confrontation, ils n’ont même pas été capables de mettre à terre nos brochures ou de voler quelque chose d’intéressant. On glane des infos pour prouver leurs liens avec les labos. Mais ni la fierté ni le courage ne semblent les animer : ils ont distribué comme des voleurs un communiqué de presse, sans discuter avec les journalistes qui voulaient leur poser des questions et ils utilisent des faux noms pour se présenter. Ce qui s’appelle une action assumée.

La conférence touche à sa fin, il va falloir plier bagage. Demain, nous avons enfin un rendez-vous public avec Gilead. Tout n’est donc pas encore complètement terminé.


[1« Debby ne fait pas ça gratis »

[2agence américaine du développement international

[3politique de prévention puritaine basée sur « Abstinence, Be faithfull (fidélité), Condoms (préservatifs) »

[4« Qui est le plus cupide ? »