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Plate-forme de revendication des usagers de la substitution : les douze travaux d’EGUS 2004

vendredi 18 juin 2004

A l’issue des Premiers Etats Généraux des usagers de la substitution qui ont été organisés les 5 et 6 juin derniers par Act Up-Paris et Asud, une plate-forme de revendication a été rédigée et adressée au jury de la Conférence de consensus sur les traitements de substitution. Ce texte a également fait l’objet d’une conférence de presse mercredi 16 juin au Cyber-CRIPS à Paris.

Introduction

Les usagers substitués demandent au jury de la Conférence de Consensus sur les traitements de substitution de Lyon (23 et 24 juin 2004) de prendre en compte spécifiquement chacun des points de la plate-forme intitulée les Douze Travaux d’EGUS 2004.

Ils demandent également que le même souci de respect du contenu de cette plate-forme établie par les usagers préside aux décisions que les pouvoirs publics seront amenés prochainement à prendre en matière de traitements de substitution. Ces Douze Travaux d’EGUS 2004 ont été établis suite à la tenue des 1ers Etats Généraux des Usagers de la Substitution (EGUS 2004) à l’Auditorium de l’Hôpital Européen Georges Pompidou à Paris le 5 juin dernier. Il s’agissait d’une initiative conjointe d’Act Up-Paris et d’ASUD qui n’aurait pu voir le jour sans le soutien logistique du CRIPS Ile-de-France.

Quatre-vingt personnes étaient présentes et représentaient plus d’une vingtaine d’associations d’usagers de drogues et de la substitution en France, ainsi que des médecins, des représentants des pouvoirs publics et notamment le Dr Alain Morel, président de la Fédération Française d’Addictologie et président de la Conférence de Consensus.

Contexte

Si les politiques de substitution ont été mises en place à partir de la circulaire de 1994, et largement développées avec l’arrivée du Subutex© en 1996, c’est notamment, en pleine hécatombe de l’épidémie de sida, pour permettre la survie et faciliter l’accès aux soins des usagers de drogues (accès aux trithérapies anti-VIH, prise en charge psycho-sociale, etc...). Aujourd’hui en 2004, alors que l’épidémie d’hépatites virales est particulièrement prévalante chez les usagers de drogues, il faut absolument mettre à jour ces politiques de substitution, en développant leur promotion et en élargissant l’accès aux traitements de substitution et, ainsi faciliter l’accès aux traitements des hépatites virales pour tous les usagers de drogues.

Indication et rappels

Le terme de « mésusage » est à bannir, considérant qu’il recouvre un point de vue moral de la part des autorités, puisqu’il s’agit en fait de problèmes de prise en charge médicale, liés à l’observance, le respect de la galénique et les modes de consommation des produits de substitution. Si il y a un trafic de produits de substitution, fait que nous ne nions pas, il ne relève en rien d’un problème médical, mais plutôt des réponses manquantes des politiques de substitution actuelles, en France.

Il paraît essentiel de reconnaître et prendre en compte la place du plaisir dans la substitution, car même si un usager ne prend sa substitution que dans un but hédoniste, il faut privilégier le fait qu’il renonce déjà aux produits illicites et au trafic. Le plaisir a une place essentielle dans l’accès aux soins mais aussi dans le cadre d’une démarche thérapeutique.C’est pourquoi, il est vraiment urgent de pouvoir rapidement pérenniser et développer aussi bien ces programmes que de nouveaux programmes pilotes de recherche pour des solutions ayant déjà fait leurs preuves, depuis longtemps, notamment dans de nombreux pays européens voisins.

La particularité de la substitution « à la française », et ce qui a fait son succès si rapide, reconnu par l’ensemble des acteurs internationaux de la réduction des risques, a toujours été ses facilités d’accès et d’initiation, qu’il faut aujourd’hui consolider et absolument préserver, au risque de voir bon nombre d’usagers préférer retourner aux produits illicites, s’ils ne peuvent faire face à de nouvelles règles trop strictes.

Suite aux 1ers EGUS 2004, les usagers de la substitution proposent

Revendication n°1

Elargissement de la palette des produits de substitution (héroïne, morphiniques, codéïnés, etc...), et développement des galéniques pour chacun de ces produits (voie injectable, fumable, inhalable, buvable, sub-linguale, etc...).

Revendication n°2

Prise en compte des propositions de l’usager quant aux molécules et aux dosages envisagés, en vue d’un choix éclairé, aussi bien pour la prescription que la délivrance, en concertation avec le médecin et le pharmacien, de son choix. Assouplissement des règles de délivrance et des conditions administratives (avec extension de la règle des 28 jours à tous les produits).

Revendication n°3

Autorisation de primo-prescription en ville pour tous les produits de substitution. Responsabilité du médecin traitant et non plus du primo-prescripteur une fois le traitement initié.

Revendication n°4

Reconnaissance de l’utilité de l’alternance thérapeutique (passage d’un produit à un autre au cours d’un traitement de substitution au long cours), alternance liée notamment à la question - aujourd’hui taboue - de l’importance du plaisir, de l’importance de pouvoir accéder à plusieurs produits et éviter ainsi la tolérance à un seul qui ne fait que renforcer la dépendance, rendant aussi plus difficile, le sevrage des produits de substitution.

Revendication n°5

Développement des programmes de substitution « bas seuil ». Pérennisation des programmes et des structures d’accompagnement dites de “première ligne” (boutiques, P.E.S., intervention sur site festif, etc...). Les structures de bas seuil et de première ligne ne sont toujours pas reconnues et sont maintenues dans une précarisation et un cadre expérimental, leur empêchant toute forme de reconnaissance et de pérennisation, alors que leur efficacité n’a plus à être prouvée.

Revendication n°6

Développement de programmes d’éducation à la santé spécifiques pour les usagers de la substitution, depuis des interventions de première ligne jusqu’à des stages spécialisés.

Revendication n°7

Accès aux droits sociaux pour les usagers, notamment à l’hébergement comme condition de réussite d’un traitement de substitution. Prise en compte de l’état de santé dans les conditions d’obtention du RMI et des autres indemnités de protection sociale (la dernière réforme du RMI ayant supprimé la question de l’état de santé dans ses critères d’obtention) pour les usagers en traitements.

Revendication n°8

Développement de programmes de sevrage de stupéfiants, sur demande de l’usager. Elaboration de recommandations précises pour le sevrage des produits de substitution, ainsi que des programmes d’accompagnement spécifiques, pour « l’après substitution ».

Revendication n°9

Principe absolu de la continuité du traitement de substitution en prison, ainsi qu’avant et après l’incarcération (mise en place de relais en ville, primo-prescription facilitée). Mise en place d’une consultation spécifique à l’entrée et à la sortie de prison, et d’une formation à la prévention des overdoses avant la sortie.

Revendication n°10

Mise en place de projets-pilotes et de programmes alternatifs de recherche dans différents domaines : en matière de psycho-stimulants, souvent qualifiés de « speeds » par les usagers, expérimentation de sevrage et de substitution ; expérimentation de l’iboga, etc...

Revendication n°11

Autorisation et prise en charge des examens biologiques spécifiques (dosages plasmatiques, méthadonémie, dépistage de stupéfiants, etc...) pour permettre aux usagers d’évaluer eux-mêmes, la réussite de leur traitement de substitution. Ces examens n’ont pas pour but un contrôle à l’initiative du médecin seul, mais en concertation avec l’usager. Les consommations parallèles, surtout pour le cannabis, ne peuvent être un critère de sanction, surtout par baisse des dosages de substitution, mais l’occasion de préciser à nouveau le but et les modalités de traitement.

Revendication n°12

Accès aux soins du VIH et des hépatites virales grâce au suivi des traitements de substitution.

Toutes ces revendications ayant pour but d’améliorer la vie quotidienne et la santé des usagers en traitements de substitution ne sauraient être appliquées efficacement, comme dans de nombreux pays européens, sans une dépénalisation de l’usage de tous les produits stupéfiants.