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Premiers états généraux des usagerEs de la substitution aux opiacés

jeudi 29 avril 2004

ACT UP-PARIS et ASUD vous proposent de venir participer aux premiers états généraux des usagerEs de la substitution aux opiacés les 5 et 6 juin prochains à Paris afin de préparer la Conférence de Consensus des 23 et 24 juin.

Après 20 ans d’épidémie de sida et 10 ans de politique de réduction des risques, les consommateurs et consommatrices d’opiacés, usagerEs de la substitution, sont toujours tenuEs à l’écart des décisions les concernant.

Aujourd’hui, si vous êtes substituéE à la méthadone, on contrôle vos urines pour voir entre autres si vous fumez du cannabis, on vous oblige dans certains centres à venir tous les jours, on oblige votre médecin à inscrire le nom d’une pharmacie sur l’ordonnance au mépris des lois.

Aujourd’hui, si vous êtes substituéE à la buprénorphine (Subutex®), trois médecins sur quatre refusent de prescrire, trois pharmacies sur quatre refusent de vous servir, là aussi au mépris de la loi.

Aujourd’hui, si vous êtes substituéE à la méthadone, vous devez obligatoirement vous présenter dans un centre spécialisé ou chez votre médecin généraliste tous les 14 jours (dans le cas du Subutex®, tous les 28 jours). Vous devez ensuite aller à la pharmacie qui délivre ces produits dans la même journée (l’ordonnance n’étant plus valable au-delà).

Ces mesures draconiennes ne sont pas négociables. Ni les exigences de votre vie familiale, ni celles de votre vie professionnelle, ne sont des motifs valables pour modifier ce régime. Quant aux dosages, ils sont décidés et limités fréquemment sans concertation suffisante avec les patientEs.

Contrairement aux vœux du Ministère de la Santé, la substitution reste cantonnée dans une zone grise de semi-clandestinité, le droit des patientEs est bafoué, le secret médical malmené, et le droit à l’information reste un vœu pieu.

La plupart du temps, les démarches nécessaires à l’obtention d’un traitement de substitution relèvent du parcours du/de la combattantE au point que de nombreuxSES usagerEs d’opiacés, faute d’avoir la substitution qu’ils et elles souhaitent, préfèrent courir le risque du marché noir et son cortège de mésusages.

Malgré les promesses anciennes de tous les gouvernements, la gamme des produits reste ridiculement faible et peu adaptée aux besoins des usagerEs, ce qui contribue également à augmenter les mésusages.

Face à cette situation scandaleuse, ACT UP-PARIS et ASUD vous proposent de venir participer aux premiers états généraux des usagerEs de la substitution aux opiacés les 5 et 6 juin prochains à Paris afin de préparer la Conférence de Consensus des 23 et 24 juin (où se réunira le corps médical du secteur).

La conférence de consensus qu’est-que c’est ?

Les 23 et 24 juin prochains, aura lieu à Lyon pour la première fois une Conférence de Consensus sur : « les stratégies thérapeutiques pour les personnes dépendantes aux opiacés et la place des traitements de substitution ». Elle est organisée par la Fédération Française d’Addictologie en partenariat avec l’Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé, sous le parrainage du Ministère de la Santé (DGS) et de la CNAM. Elle a pour but déclaré de « parvenir, dans le contexte actuel, et après bientôt une dizaine d’années d’expérience en France, à un consensus professionnel (et social) sur l’intérêt et les limites de ces traitements » (extrait de la lettre de présentation et d’invitation à la Conférence). Elle sera aussi l’occasion de faire le point en France sur l’état des connaissances et de la littérature médicale sur cette matière bien documentée, et déjà ancienne dans d’autres pays proches de la France.

Cette rencontre va regrouper nombre de médecins spécialistes travaillant en France auprès d’usagerEs de drogues. Un jury est chargé, après audition d’une liste préétablie d’intervenantEs, d’établir des recommandations. Même si elles n’ont qu’une valeur indicative, ces recommandations ont une influence certaine sur le corps médical et servent généralement de base de réflexion pour le gouvernement en vue de modifier le cadre réglementaire d’une matière.

En juin prochain, les médecins spécialistes de ces questions vont donc se mettre d’accord sur leurs pratiques thérapeutiques quotidiennes de la substitution. Mais ont-ils/elles seulement écouté au préalable les premières personnes concernées ? Vont-ils/elles les entendre lors de leur Conférence ? Même si celle-ci accorde une place dans son jury à une chercheuse en sciences sociales (Aude Lalande), membre d’Act Up-Paris, et un « strapontin » à un représentant d’ASUD (Fabrice Olivet) dans son Comité d’Organisation, l’expérience de milliers de personnes sous traitements de substitution fait figure de parent pauvre.

Qui sommes-nous ?

Les usagerEs des produits de substitution utilisés en France (méthadone, buprénorphine (Subutex®), sulfates de morphine). Nous représentons une population de plus de 100 000 personnes (estimation basse en 2002). Ces produits de substitution sont d’une importance vitale pour nos existences. Malgré l’amoncellement d’obstacles réglementaires, ils nous ont permis de renouer avec une vie affective, sociale et professionnelle plus stable et épanouissante, sans l’urgence permanente qu’entraînait la peur du manque. Ils nous ont aussi donné la possibilité de respecter l’observance de nos autres traitements, de nous soigner et donc de rester en vie, lorsque nous sommes atteintEs d’infections graves.

Que voulons-nous ?

Nous, usagerEs des traitements de substitution, souvent malades du sida, des hépatites et d’autres infections, organisons les 1ers Etats Généraux Nationaux des UsagerEs de la Substitution aux Opiacés, en conviant toutes les personnes concernées en France. Nous voulons mettre en commun nos désirs, besoins, problèmes, et porter nos revendications vers l’Etat, les médecins, les pharmacienNEs, les laboratoires, et surtout vers les autres usagerEs. A partir de nos expériences individuelles, de l’ expertise de nos associations et structures de première ligne, ASUD et Act Up-Paris vous invitent à vous exprimer sur ces questions.

Pour que la voix des premierEs concernéEs en matière de traitements de substitution soit pour la première fois entendue !

Pourquoi ?

En place depuis 10 ans, la politique de réduction des risques et la délivrance de produits de substitution, malgré un cadre très contraignant, ont permis la baisse constante et massive des contaminations vih et la réduction de 80% des overdoses (de 1994 à 1999). Mais nous savons aussi que la grande majorité des usagerEs d’opiacés n’ont pas accès à la substitution qu’ils et elles souhaitent, et qu’on leur refuse pour des raisons souvent plus idéologiques que purement médicales, la possibilité d’avoir un choix éclairé. La grande majorité des usagerEs réclament de la discrétion, de l’anonymat et des paperasses limitées au minimum, faute de quoi, le marché noir apparaît beaucoup plus tentant...

Nous demandons d’ors et déjà que les discussions et les recommandations de la Conférence de Consensus de juin prochain ne s’orientent pas vers une limitation de la palette et de l’accès aux différents produits de substitution. C’est par un accès large que cette politique de santé publique connaîtra son succès ! Nous tenons également à un élargissement de la gamme des différents produits disponibles et à une utilisation des nouvelles molécules dans le respect de la volonté et du choix éclairé de l’usagerE. Or, nous pressentons et craignons une volonté de limiter l’accès de ces produits en médecine de ville, et la volonté de redonner aux centres spécialisés une place prépondérante dans la délivrance de ces produits. Une telle orientation ne pourrait malheureusement que faire fuir les usagerEs tentéEs de rentrer dans des programmes de substitution, et ainsi les éloigner à nouveau du système sanitaire et social.

Nous, usagerEs de la substitution aux opiacés, nous réunirons les 5 et 6 juin à Paris, venant de la France entière, afin d’exprimer nos besoins, nos urgences et nos propres désirs en matière de pratiques et d’accès à la substitution.

C’est une grande partie de notre existence qui va être décidée en juin prochain, sans que nous ayons vraiment la parole. Il s’agit pour nous d’un enjeu vital afin de pouvoir continuer à mener une existence digne.

Avant le début de la Conférence de Consensus de juin prochain à Lyon, nos revendications seront transmises officiellement à touTEs ses participantEs, et médiatisées lors d’une conférence de presse.