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N’acceptons plus d’avoir les joues creuses

samedi 15 mai 2004

Depuis l’introduction des multithérapies, des modifications du corps sont apparues. Nos joues et nos tempes se sont creusées, nos fesses, dont nous étions si fièrEs, ont fondu ; pour certainEs une bosse est apparue dans le dos et pour d’autres le ventre et la taille ont gonflé.

Au départ, le corps médical a nié la responsabilité de la maladie et des traitements dans l’apparition de ces phénomènes. Beaucoup de patientEs se sont heurtéEs à l’incompréhension. Ces premiers cas n’ont pas été pris au sérieux. Aujourd’hui encore, la science n’a pas explicité complètement ces problèmes de répartition des graisses qu’on appelle « lipodystrophies ». Pour les fesses et les joues, on parle de lipoatrophie. Une chose est sûre : certains médicaments sont davantage incriminés que d’autres.

Pour la plupart d’entre nous, ces effets sont intolérables. Ils provoquent des difficultés pour sortir dans les lieux gays ou autres que nous fréquentions, par peur d’être immédiatement stigmatiséEs. La sensation de ce corps modifié se répercute sur l’équilibre et la sexualité. Entre les médicaments qui peuvent influer directement sur la libido et ces transformations physiques, il est très difficile de faire la part des choses. Ces modifications accentuent la perte de confiance en nous.

Pour certainEs, ces effets sont tellement insupportables qu’ils/elles préfèrent arrêter leurs traitements, ce qui constitue un risque majeur. Il existe malheureusement très peu de solutions pour anticiper ce que l’on se représente comme une atteinte à notre intégrité physique.

Il existe des solutions de réparation

Nous ne pouvons plus accepter ces effets indésirables, leurs conséquences sont trop dévastatrices. Pour la bosse de bison, l’opération est possible. Pour les fesses, très peu de moyens ont été mis en œuvre, hormis la solution chirurgicale : des implants de prothèses.

Concernant la lipoatrophie du visage, des solutions existent. Les plus utilisées sont les injections de graisses naturelles, dite « technique de Coleman » ou de produits de comblement temporaires. Parmi ces derniers, le New-Fill® semble donner des résultats satisfaisants, mais qui peuvent varier selon le niveau de technicité du médecin. La prise en charge de ce traitement reste un problème. Jusqu’à aujourd’hui, les prix pratiqués sont libres et aucun remboursement n’est envisageable. En dehors de toute prise en charge, le coût d’une réparation se situe entre 1 200 et 2 500 euros, selon la gravité de la lipoatrophie et le médecin qui la pratique. La plupart d’entre nous ne peuvent consacrer un budget aussi important à cette réparation.

Nous nous sommes battuEs pour que certaines techniques soient prises en charge à 100 %. Nous nous sommes organiséEs pour faire admettre que, dans le cas de la lipoatrophie du visage, il ne s’agissait pas de confort, comme les organismes publics essayaient d’en persuader les malades, mais d’un droit élémentaire, au même titre que les soins liés à la gestion des effets indésirables et à l’évolution de la maladie. Aujourd’hui, nous avons enfin obtenu des engagements. Mais nous devons rester mobiliséEs pour que les pouvoirs publics tiennent leurs promesses : il faut accélérer la mise en œuvre de ces techniques réparatrices du visage.

Combat de longue haleine

Dès 2000, les huit associations regroupées au sein du collectif thérapeutique interassociatif TRT-5 [1] se sont organisées pour parvenir à la reconnaissance de ces actes, leur remboursement à 100 % dans le cadre de l’affection de longue durée VIH. Parallèlement, nous avons obtenu la mise en place d’un accès compassionnel avec la collaboration du laboratoire Dermik qui commercialise le New-Fill®. Cet accès compassionnel est aujourd’hui accessible dans une vingtaine de centres [2] et permet aux personnes porteuses du VIH et ayant de faibles ressources financières, de bénéficier gratuitement d’injections de New-Fill®.

Cet accès compassionnel est un premier pas, mais il est déjà saturé. Les intéresséEs doivent donc attendre très longtemps leur premier rendez-vous avec un médecin pratiquant ces injections. Par ailleurs, il n’existe aucun centre dans certaines villes.

Aujourd’hui, Act Up-Paris et le TRT-5 travaillent à l’extension de cet accès compassionnel en cherchant de nouveaux médecins désireux de se former à ces techniques et de pratiquer ces injections. Les obstacles sont nombreux, parce qu’en particulier, nous connaissons mal ces médecins : dermatologues, chirurgienNEs plastique, chirurgienNEs stomatologues. Eux/elles-mêmes hésitent, tant que ces actes ne sont pas totalement reconnus. Tout cela prend beaucoup de temps, beaucoup trop de temps.

En parallèle, le travail de lobby entrepris depuis longtemps a permis d’obtenir des engagements des différents Ministres de la santé. Bernard Kouchner avait promis en son temps..., Jean-François Mattéi, actuel ministre, lors d’un rendez-vous avec Act Up-Paris, en janvier dernier, s’est enfin engagé à rendre effectif ce remboursement à 100 %. Nous demeurons vigilantEs car les promesses non tenues sont nombreuses. Ce travail pour faire admettre l’évidence est très long. Si, comme nous, vous êtes révoltéE par cette lenteur, venez nous rejoindre.


[1Act Up-Paris, Actions-Traitements, Aides, Arcat, Dessine-moi un Mouton, Nova Dona, Sida Info Services, Sol en Si

[2Aix-en-Provence, Cannes, Clermont-Ferrand, Colombes, La Roche sur Yon, Lyon, Marseille, Metz, Montfermeil, Montpellier, Nancy, Nice, Paris, Saint-Martin Boulogne, Strasbourg, Toulouse.