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CROI de San Francisco [4ème et dernier jour]

Et après ?

vendredi 13 février 2004

Pour son dernier jour, la Conférence sur les rétrovirus version 2004 tente de se faire plus séduisante en montrant qu’on peut tout de même progresser. C’était pourtant sensible depuis le début. Si les repères classiques étaient tous absents cette année, la recherche fondamentale était, comme d’habitude à l’heure avec son lot de progrès et d’idées nouvelles. En l’absence de routine, il ne restait donc plus qu’à retourner aux fondamentaux. C’est un peu cette image qu’il faut retenir de ce dernier jour. Quand on ne sait plus où aller, il faut revenir à l’essentiel et se poser la question : quelles leçons nous donnent les avancées de la recherche fondamentale pour permettre de progresser dans la vie quotidienne, c’est-à-dire en clinique ? C’est sur ce magnifique travail de synthèse que s’est achevé la CROI 2004.

vaccins

Plus tôt, la journée avait commencé par deux sujets de synthèse présentés en plénière : où en est-on des essais d’efficacité de vaccins et quels enseignements peut-on en tirer ? Ainsi qu’une présentation sur la tuberculose et le VIH.

La première de ces deux présentations a permis de faire le point sur les récents résultats d’essais d’efficacité de vaccins — les essais VaxGen — qui se concluent par des résultats très pessimistes. Mais l’objectif de cette présentation était surtout à partir de l’expérience accumulée de savoir mieux discerner les bonnes pistes et les bonnes méthodes parmi tous les candidats vaccins qui se présentent ainsi que de savoir monter des essais réellement démonstratifs. Par ailleurs, le suivi clinique à long terme des personnes contaminées dans les essais récents devrait permettre d’améliorer nos connaissances sur l’impact des vaccins sur l’évolution de la maladie et ainsi progresser dans la voie de l’usage thérapeutique de ces vaccins. La deuxième présentation constituait non seulement une présentation de l’épidémie de tuberculose et son incroyable développement dans les pays du sud mais elle a aussi permis d’insister sur la nécessité d’un renforcement de la prévention de cette maladie avec, à la clé, des propositions concrètes.

Parmi les travaux de la matinée, on aura noté un belle brochette de nouveautés sur le fonctionnement de certaines protéines virales ainsi que sur les mécanismes cellulaires capables de lutter contre l’infection virale. De la haute voltige scientifique qui donne tout de même une certaine idée des innombrables pistes qui restent à explorer pour parvenir à des thérapeutiques plus efficaces que les antirétroviraux actuels. Un excellente session d’épidémiologie axée sur le développement de la maladie dans les pays du sud a aussi permis de présenter des évaluations très positives de l’introduction des antirétroviraux là où ils manquent encore cruellement. Enfin, bien cachés dans un coin où ils étaient difficiles à dénicher, les nouveaux antirétroviraux à l’étude : un pas de plus pour les inhibiteurs de co-récepteurs d’entrée, les SCH-C et SCH-D de Shering Plough, un petit nouveau dans le groupe, le GW873140 de Glaxo-Smith-Kline et, une nouveauté, un inhibiteur d’attachement, le BMS488043. Ces produits qui permettent d’inhiber l’entrée du virus dans la cellule ont évidemment un intérêt certain parce qu’ils permettent d’élargir la palette de traitements curatifs, mais aussi parce que leur mode d’action les prédisposent à servir de protection contre l’infection. Mais n’oublions pas qu’il s’agit là de produits dont les recherches ne font que commencer et qu’ils devront encore passer de nombreuses épreuves éliminatoires avant d’être disponibles pour les séropositifs.

Écraser les mouches au marteau-pilon

Tous les jours entre la fin de la matinée et la session de 16 heures avaient lieu les présentations de posters. Dans un hall dont on ne voit pas les limites sont présentées un nombre incroyable de synthèses écrites (photo ci-contre). Il serait trop long de tout passer en revue, mais retenons au moins le poster 496 intitué « The effect of smocked marijuana on chronic neuropathic and experimentally induced pain in HIV neuropathy : results of an open label pilot study« . Un bon point pour un sujet peu commun !

Enfin, l’après midi s’est achevé avec le symposium final dans lequel quatre spécialistes tentèrent chacun dans son domaine de tirer les conclusions des avances de la recherche fondamentale pour avancer vers de nouvelles solutions cliniques ou du moins tenter de déterminer les pistes à suivre. Il est fort regrettable que cette session, à classer dans les réussites de la conférence ne figure pas dans le programme des retransmissions par internet disponibles sur le site de la CROI.

Le premier d’entre eux, Warner C. Green a essayé de faire le point sur les antirétroviraux, leurs faiblesses et leurs points forts. Il a essayé de déterminer, à partir des résultats récents des études des protéines de contrôle du virus ce que pourront être les futurs antiviraux. Ensuite, Amalio Telenti a exposé les remarquables travaux des chercheurs de la cohorte suisse d’études génétiques. Certes, la difficulté de soigner l’infection à VIH se heurte à la complexité du virus et à son habileté à échapper aux pièges de l’immunité. Mais la diversité génétique des personnes atteintes fait aussi que les individus présentent des stratégies de défense diverses avec des résultats très variables. Il en est de même avec l’acceptation que nos organismes ont des médicaments. L’étude de ces variations génétiques permet de mieux cerner les stratégies qui marchent et les difficultés à éviter pour obtenir des résultats plus efficaces. Lisa M. Demeter a, quant à elle, tenté d’ajouter des précisions à ces recherche. Sa présentation consistait à faire une synthèse des connaissances des mécanismes de résistance du virus aux médicaments afin d’en déterminer des effets de synergie. Autrement dit, quelle mutation devient un point faible du virus et un atout pour telle autre molécule. Ces deux présentations pourraient se résumer ainsi : puisqu’on n’arrive pas à écraser les mouches au marteau-pilon, il faut être un peu plus rusé !

Enfin, Robert T Schooley est parti de l’hypothèse suivante : que ferait-on s’il n’y avait pas de vaccin ? Son propos fut moins scientifique que politique et plus soucieux d’épidémiologie que de recherche fondamentale. L’idée du chercheur est simple : la réduction globale de l’épidémie ne consiste pas seulement en des soins de qualité à certains endroits, un effort global est nécessaire tant en prévention qu’en traitement car il ne s’agit pas seulement d’éradiquer le virus d’un individu mais d’éliminer le virus de la planète.

Cette chronique s’arrête ici. Il ne nous reste plus qu’à quitter San Francisco dont tout le monde aura apprécié les charmes et l’ensoleillement qui contrastent singulièrement avec la froideur de l’édition précédente de Boston. Le prochain grand rendez-vous sera la conférence mondiale de Bangkok en juillet prochain. A bientôt.

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