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CROI de San Francisco [1er jour - Dimanche]

Un démarrage en trombe

lundi 9 février 2004

Le programme de la 11ème Conférence sur les rétrovirus et les maladies opportunistes (CROI) pouvait laisser penser que la journée serait plutôt calme par rapport aux précédentes éditions où l’on avait vu se succéder quelques célébrités : Bill Gates en 2002, Bill Clinton l’an passé. En effet, la tradition veut que la plénière d’ouverture soit ouverte par une personnalité hors du monde scientifique. Cette année, c’est à l’ancien ambassadeur Stephen Lewis, envoyé spécial des Nations Unies pour le VIH/SIDA en Afrique, qu’est revenu cette tâche. Et le moins que l’on puisse dire est qu’il a décoiffé l’assemblée par un franc-parler sans concessions.

« Ils ne réussiront pas s’ils n’ont pas d’argent »

Après avoir rappelé l’état de l’épidémie en Afrique, il s’est lancé dans une plaidoyer radical contre l’inaction occidentale et plus particulièrement américaine : « Si l’on trouve l’argent pour combattre le terrorisme, pourquoi ne trouve-t-on pas l’argent pour combattre le sida ? ». Stepen Lewis a décrit l’initiative dite « 3 x 5 » de l’OMS qui envisage l’accès aux antirétroviraux pour 3 million d’Africains en 2005 en précisant que ce ne pouvait être qu’un objectif intermédiaire, le but ultime étant l’accès pour tous. Et de préciser : « ils ne réussiront pas s’ils n’ont pas d’argent ».

Il a rendu aussi un hommage appuyé à Médecins sans Frontières. Son action démontre qu’un accès aux traitements est possible dans les pays à faibles ressources grâce aux génériques et, de surcroit, avec des résultats remarquables d’observance. Il a également précisé que le Canada envisage de produire et d’exporter, dans les conditions draconiennes édictées par l’Organisation Mondiale du Commerce, des antirétroviraux génériques à destination des pays qui n’ont pas les moyens d’en fabriquer. Lewis a rappelé à quel point, dans les pays où cela a pu être réalisé, combien l’arrivée des traitements fait reculer la stigmatisation et la discrimination des séropositifs. Fustigeant les promesses non tenues des pays occidentaux pour le financement du fonds mondial, il s’est empressé de couper court aux polémiques en précisant que les initiatives de la Fondation Bill Gates ou celles de George Bush sont utiles pour les pays bénéficiaires. Mais les autres ? Pour Stephen Lewis, « le fonds mondial est nécessaire pour ces pays ».

Microbicide et vaccins

Enfin, Lewis a poursuivit son attaque sur un autre thème : la nécessité et l’urgence de développer des microbicides [ou virucide] et des vaccins. Il a rappelé que « la majorité des personnes contaminées sont des femmes ». Et, quand on sait que 7% seulement des relations sexuelles avec un partenaire régulier sont protégées, le mariage devient une source d’insécurité pour les femmes. Les microbicides peuvent être une première solution et la recherche sur ces produits doit redoubler d’efforts. Lewis précise que « si 20% des gens utilisaient un microbicide efficace à 50% cela permettrait de sauver des milliers de vies » (Act Up rappelle qu’en matière de prévention, rien ne peut rivaliser avec le préservatif et qu’on ne saurait se satisfaire d’un microbicide efficace à 50%, soit une chance sur deux d’être contaminé.). Les vaccins sont aussi une autre piste pour protéger les femmes de l’épidémie. « L’inégalité des genres associée au sida conduit à la mort. On ne peut plus se permettre de prendre des gants : chaque année, 3 millions de personnes perdent la vie » a-t-il ajouté. De même, si des enfants sont sauvés grâce aux mesures pour réduire la tranmission materno-fœtale, il a demandé que l’on prenne également en charge les mères : « plusieurs pays d’Afrique ont aujourd’hui plus d’un million d’orphelins ».

Stepen Lewis a enfin conclu son plaidoyer sans détours : « allez dire aux gouvernements occidentaux que l’apocalypse a commencé. Les pays d’Afrique n’ont ni les ressources, ni la capacité ni les moyens de s’en sortir ; c’est à nous de les aider ».

Prise en charge des séropositifs

L’après-midi avait déjà commencé par une session en avant-première consacrée à la prise en charge des séropositifs dans les pays en développement. Plusieurs programmes y ont été présentés : celui mis en place par les multinationales minières d’Afrique du Sud et qui est consacré au dépistage et au suivi de leur personnel [1] , ou bien encore le programme ougandais d’accès aux antirétroviraux. En dépit des efforts de l’orateur, la présentation thaïlandaise fut la moins convaincante, parce que les résultats montrent combien la question des usagers de drogues souffre de choix politiques désastreux dans ce pays.

Enfin, la traditionnelle « Annual Bernard Fields Memorial Lecture » nous a permis de faire le point sur un sujet de recherche fondamentale : le détournement par le virus de mécanismes cellulaires qui permettent le bourgeonnement des nouveaux virus. De la haute voltige scientifique présentée par Wesley Sundquist de l’université de Salt Lake City (Utah).

La 11ème conférence sur les rétrovirus et les maladies opportunistes est désormais ouverte. Demain, nous attaquerons la journée de lundi par un autre signe des temps : virologie et pathogenèse de l’hépatite C. Encore une preuve s’il en fallait que cette nouvelle édition de la CROI ne s’installe pas dans la routine.

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[1lire à ce sujet nos articles relatifs à notre campagne contre Coca-Cola