Accueil > L’association > La révision de la loi Huriet : de quoi s’agit-il ?

Dossier de presse "Projet de révision de la loi Huriet" - 2ème partie

La révision de la loi Huriet : de quoi s’agit-il ?

vendredi 3 octobre 2003

Le projet de loi relatif à la politique de santé publique comporte un chapitre consacré à la recherche biomédicale. Ce chapitre modifie le titre II du livre Ier de la première partie du code de la santé publique dit « loi Huriet-Sérusclat ». La principale motivation de la révision de ce texte est sa mise en conformité avec la directive européenne 2001/20/CE. Par la même occasion, quelques aménagements sont proposés au Législateur. Les principaux changements introduits par le projet (citation de l’exposé des motifs du projet de loi) sont les suivants :

1.- Le remplacement de l’actuel régime de déclaration par un régime d’autorisation, en application de la directive européenne 2001/20/CE

On passe d’un régime déclaratif à un régime d’autorisation par une « autorité compétente » et l’avis du comité de protection des personnes est obligatoirement favorable.

2.- La suppression de la distinction entre « recherches avec bénéfice individuel direct » et « recherches sans bénéfice individuel direct »

2.1 Motifs de cette suppression
Elle n’est pas formellement exigée par la directive, qui suit cependant une autre logique, celle de l’évaluation de la balance « bénéfice/risque ». Cependant, la distinction entre « recherches avec bénéfice individuel direct » et « recherches sans bénéfice individuel direct » ainsi que le montre l’expérience de plusieurs années de mise en œuvre est source de nombreuses difficultés :

La notion même de « recherche avec bénéfice individuel direct » est délicate à manier ; la frontière entre ces recherches et celles « sans bénéfice individuel direct » étant parfois difficile à établir. L’objectif principal de toute recherche biomédicale est la production de données permettant de valider ou d’infirmer une hypothèse et non pas le bénéfice direct des personnes qui y participent. De plus, il s’agit d’une distinction trompeuse pour les personnes participant à la recherche, qui rencontreront des difficultés à distinguer ce qui relève de la recherche de ce qui relève du soin.

La catégorie des recherches sans bénéfice individuel direct est, par ailleurs, très hétérogène et recouvre des situations extrêmes en matière de risque pour les participants. La proposition de loi de 1988 avait été conçue à l’origine pour les essais de médicaments ; ce n’est qu’au cours de la discussion parlementaire que son champ d’application a été étendu à toutes les recherches biomédicales. Si le principe de cette extension ne saurait être remis en cause, le champ couvert est devenu très hétérogène, et c’est particulièrement vrai s’agissant des recherches dites sans bénéfice individuel direct : les dispositions très protectrices de la loi ont été conçues pour les essais de médicaments dits de phase 1 chez des volontaires sains.

Mais cette catégorie des recherches sans bénéfice individuel direct recouvre également des recherches à visée cognitive (physiologie, physiopathologie, épidémiologie) qui souvent ne comportent que des interventions à risque extrêmement faible voire quasi nul, et des contraintes minimes. Pour ces recherches à visée cognitive, la protection renforcée issue de la loi Huriet ne semble pas pertinente et paraît même de nature à freiner des recherches importantes du point de vue du développement des connaissances. C’est pourquoi, dans le projet de loi bioéthique, il a été proposé pour ces recherches un régime juridique adapté à leur spécificité tout en garantissant un niveau élevé de protection des personnes qui y participent.

Il est donc proposé de supprimer la distinction actuelle entre les recherches qualifiées « recherches avec bénéfice individuel direct » et celles « sans bénéfice individuel direct » et de s’en tenir désormais en la renforçant, à l’évaluation de la balance « bénéfice/risque », déjà présente également dans la loi de 1988 : elle est entendue, aussi bien dans la loi actuelle que dans la directive, comme prenant en compte, d’une part, les risques et inconvénients prévisibles et, d’autre part, le bénéfice attendu pour la personne participant à la recherche ou l’intérêt pour la santé publique.

2.2 Conséquences de cette suppression
Il en résulte un certain nombre de conséquences, notamment en ce qui concerne l’autorisation préalable des lieux de recherche, le fichier national des personnes qui se prêtent à des recherches sans bénéfice individuel direct et le régime de responsabilité du promoteur. Elle impose également de modifier les règles de protection des personnes vulnérables.

L’autorisation de lieu préalable aux recherches n’est maintenue que dans certaines situations qui justifient une telle procédure, outre l’autorisation de recherche donnée au cas par cas.

Le fichier national des personnes « se prêtant à des recherches ». L’actuel article L. 1124-4 impose à l’investigateur d’inscrire les personnes se prêtant à des recherches sans bénéfice individuel direct dans un fichier national ayant pour finalité de permettre aux investigateurs de vérifier le respect des périodes d’exclusion et le non dépassement du plafond annuel des indemnités versées en compensation des contraintes subies.

Ce fichier est maintenu pour les recherches pour lesquelles il présente un intérêt réel de protection, c’est-à-dire les recherches portant sur les produits de la compétence de l’AFSSAPS et pour les volontaires sains ou les personnes malades pour lesquelles les bénéfices escomptés sont sans rapport avec l’état pathologique.

Régimes de responsabilité du promoteur. La distinction actuellement effectuée entre deux régimes de responsabilités — sans faute ou faute présumée — est complexe. Il est proposé de tout unifier sous le régime de la faute présumée : les accidents pour lesquels le promoteur aura pu dégager sa responsabilité pourront être indemnisés selon le nouveau régime des aléas thérapeutiques créé par la loi du 4 mars 2002, le seuil de gravité étant exceptionnellement supprimé dans ce cas.

Autres conséquences. Il est proposé d’étendre à l’ensemble des recherches biomédicales l’obligation d’examen médical préalable et d’affiliation à un régime de sécurité sociale.

Quant à la possibilité d’indemnisation en compensation des contraintes subies (nouvel article L. 1121-11), elle est étendue à toutes les recherches biomédicales, mais plusieurs catégories de personnes vulnérables ne pourront pas en bénéficier : les mineurs, les majeurs hors d’état d’exprimer leur consentement, les personnes privées de liberté, les personnes admises dans un établissement sanitaire et social à d’autres fins que celles de la recherche et les personnes hospitalisées contre leur gré.

3.- Adaptation des règles de consentement pour les recherches portant sur des personnes hors d’état d’exprimer leur consentement

La directive 2001/20/CE ne prévoit pas de dérogation au principe du consentement préalable de la personne participant à une recherche biomédicale ou de celui d’un représentant légal (qui peut être un représentant ad hoc).

La loi Huriet dans sa rédaction actuelle empêche la réalisation de recherches biomédicales portant sur des personnes hors d’état d’exprimer leur consentement du fait de leur état de santé et non protégés légalement. Il s’agit notamment des recherches sur les personnes atteintes de formes graves de la maladie d’Alzheimer, lorsqu’elles ne sont pas sous tutelle. Afin de corriger ces limitations préjudiciables au développement des connaissances et des thérapeutiques dans ces domaines, il est proposé de remplacer les dispositions de l’article L. 1122-2 du code de la santé publique pour permettre le recueil du consentement de la personne de confiance, de la famille ou d’un proche. Toutefois, dans certains cas, l’avis du juge des tutelles devra être recueilli.

Pour les situations d’urgence, il est proposé de maintenir globalement le dispositif existant (article L. 1122-1), qui permet la réalisation de recherches biomédicales en situation d’urgence.

4.- Adaptation des conditions de participation des personnes vulnérables à la recherche biomédicale

La suppression de la distinction entre les recherches avec ou sans bénéfice individuel direct et la transposition de la directive conduisent à simplifier et harmoniser les conditions de participation à des recherches des différentes catégories de personnes vulnérables, tout en maintenant des dispositions fortement protectrices pour ces personnes, empruntées non seulement à la directive, mais aussi à la convention d’Oviedo sur les droits de l’Homme et la biomédecine et au projet de protocole additionnel relatif aux recherches biomédicales.

Ces dispositions ont été regroupées en fonction des motifs de la vulnérabilité (vulnérabilité physique ou psychique, influences diverses risquant de peser sur le consentement...) dans quatre articles distincts :
 L. 1121-5 : les femmes enceintes, les parturientes et les mères qui allaitent, protégées en raison de leur vulnérabilité physique ;
 L. 1121-6 : les personnes privées de liberté, les personnes hospitalisées sans leur consentement qui ne sont pas sous tutelle et les personnes admises dans un établissement sanitaire ou social à d’autres fins que celles de la recherche, protégées en raison des influences diverses qui sont susceptibles de peser sur leur consentement ;
 L. 1121-7 : les mineurs, régis par un article spécifique ;
 L. 1121-8 : les majeurs sous tutelle faisant l’objet d’une mesure de protection légale et les personnes hors d’état d’exprimer leur consentement.

5.- Modifications du rôle et des comités consultatifs de protection des personnes dans la recherche biomédicale (CCPPRB), qui deviennent les « comités de protection des personnes » (CPP)

Dans le projet de loi et comme l’impose l’article 9.1 de la directive, le comité émet un avis qui n’est plus consultatif mais a un caractère délibératif puisque la recherche ne peut commencer qu’après avis favorable du « comité d’éthique ». Il ne peut être passé outre à un avis défavorable du comité, y compris de la part de l’autorité compétente.

Par ailleurs, le projet loi relatif à la bioéthique, amendé par le Sénat, propose de confier aux comités, outre leurs missions en matière de recherches biomédicales, des missions concernant la constitution de collections d’échantillons biologiques et les recherches portant sur ces collections. Dans ce cadre, le comité évalue la pertinence éthique et scientifique du projet ainsi que l’information et les modalités de recueil du consentement des participants (articles L. 1123-7 et L. 1243-3). Il introduit aussi la notion de comité spécialisé à compétence nationale. (article L. 1123-6).

6.- Systèmes d’informations

Le projet prévoit la mise en place d’une base de données nationale des recherches biomédicales pour lesquelles une autorisation est demandée. Dans le domaine du médicament, cette base permettra d’alimenter la base de données européenne des essais médicamenteux comme l’impose l’article 11 de la directive.

Le projet prévoit également la mise en place et la diffusion par les autorités compétentes de répertoires des recherches biomédicales autorisées.