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Bareback, criminalisation : know your enemy

vendredi 27 juin 2003

L’idéologie bareback surfe sur le fantasme du séropositif meurtrier. Lutter contre la criminalisation des malades passe par la lutte contre le bareback.

Lutter contre le bareback, c’est combattre un discours qui valorise les pratiques à risques et qui, de fait, banalise l’épidémie de sida. Quand Eric Rémès écrit « le sida vaincra », quand il prodigue des conseils pour découper une capote et contaminer une personne qui se croit protégée ou quand Guillaume Dustan affirme à la télévision que « le sida, c’est fini », nous condamnons ces discours et nous faisons tout pour renvoyer à leurs responsabilités ces personnes et les médias qui leur assurent une publicité. C’est simple : nous luttons contre ceux qui font le jeu de l’épidémie. Nos ennemis aimeraient faire croire que le combat d’Act Up contre le bareback témoignerait d’une volonté de contrôler les séropositifVEs, voire de criminaliser des relations sexuelles non protégées. Eric Rémès répète ainsi qu’« Act Up veut mettre un flic devant (sic) chaque trou du cul ». D’autres jugent incompréhensible qu’on puisse lutter contre le bareback ET la criminalisation de la contamination. Luc Arbona écrit par exemple dans le numéro de juin de Technikart : « Mener de front la lutte contre les barebackers et celle contre le délit de contamination s’annonce stratégiquement délicat pour Act Up. Les choses sont mal parties ».

Pourquoi ? Parce qu’Act Up appelle à la responsabilité de tous en matière de prévention ? Mais où Luc Arbona a-t-il vu que cette responsabilité-là était une responsabilité pénale ? Il faut vraiment être déterminé par l’idéologie Sarkozy ambiante pour affirmer une telle sottise. Il ne viendrait jamais à l’esprit de ces gens de penser qu’on peut et doit se sentir responsable de sa sexualité pour soi, pour ses partenaires ou pour la communauté pédé, sans que cette responsabilité ait un quelconque rapport avec une procédure de justice. C’est pourtant ce que nous écrivons, depuis notre affiche « Baiser sans capote, ça vous fait jouir », au printemps 1999 jusqu’à aujourd’hui, dans des textes limpides. Que Rémès ou Arbona relisent un peu l’affiche « Irresponsables » (printemps 2001) ou le texte d’appel à une AG des pédés (octobre 2000). Tout y est déjà écrit.

La littérature du bareback renoue avec la figure fantasmagorique du séropositif meurtrier. Eric Rémès intitule à dessein son livre SerialFucker. C’est dans cette perpétuelle confusion entretenue entre « contamination volontaire » et crime qu’il trouve assez de subversion pour espérer passer à la télévision. Mais cette confusion produite par les barebackers n’est pas la nôtre, les représentations des séropositifVEs qu’ils véhiculent ne sont pas les nôtres. C’est pourquoi, nous luttons contre le discours bareback ET contre la criminalisation de la contamination. Parce que nous sommes des malades, nous refusons que l’épidémie se propage à cause des discours imbéciles de certains ET nous refusons que les impératifs de prévention soient soumis au regard de la justice (voir aussi contre argumentaire).

Où étaient Eric Rémès et Luc Arbona quand il a fallu lutter contre l’article de la Loi sur la Sécurité Intérieure qui impose un test de dépistage obligatoire aux personnes suspectées de viol ? Où sont-ils quand il faut réagir aux projets de diverses associations pour porter plainte contre des malades ayant « volontairement » contaminé leur partenaire ? Leur seul geste pour lutter contre la criminalisation des séropositifVEs consiste à attaquer Act Up-Paris, soit une des rares associations à porter ce dossier.

Depuis que le livre de Eric Rémès est sorti en janvier, nous avons reçu une centaine de mails de personnes indignées qui proposaient qu’on foute les barebackers en prison. Nous avons répondu à chacun d’entre eux, en expliquant pourquoi c’était une mauvaise solution. Ce travail de pédagogie, seules quelques associations le font. Pendant ce temps, Luc Arbona continue à pisser ses copies en se foutant du sida, Eric Rémès profite de l’épidémie pour jouer sa provocation à deux sous aux dépens de la communauté, et les pouvoirs publics pratiquent des tests obligatoires sur les personnes suspectées de viol. Pour notre part, nous continuerons à être présents sur tous ces fronts.