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Sida au G8 : Quand Bush promet 15 milliards, Chirac annonce 150 millions

lundi 2 juin 2003

Aujourd’hui, Jacques Chirac vient de rompre l’engagement pris auprès des malades des pays en développement selon lequel la France contribuerait significativement et durablement à la lutte contre le sida.

Il vient de rendre public le montant de la nouvelle contribution française au Fonds mondial contre le sida : 150 millions d’euros par an. Le président Bush, pour sa part, est venu a Evian apporter 3 milliards de dollars annuels pendant cinq ans. Jacques Chirac, champion de la lutte contre le sida au niveau international depuis 1997, laisse donc George Bush prendre le leadership absolu sur ce terrain, avec toutes les conséquences dramatiques que cela implique dans les pays en développement : promotion de l’abstinence au détriment du préservatif et achat de médicaments aux multinationales américaines plutôt que de génériques.

En 2001, les Etats du G8 s’étaient engagés à créer et à alimenter un Fonds de 10 milliards de dollars par an pour lutter contre le sida. La part de l’Europe dans cet effort, comme celle des Etats-Unis, devrait être de 3 milliards. Pourtant, jusqu’à présent, les 8 pays n’ont en tout et pour tout versé que 680 millions de dollars au Fonds mondial, auquel il manque 1,4 milliard de dollars pour assurer le prochain appel d’offre prévu pour octobre.

« Jusqu’ici la France donnait 50 millions par an au Fonds mondial, soit 15 fois moins que ce qu’elle aurait dû mettre au pot commun » commente Gaëlle Krikorian d’Act Up-Paris. « Même en triplant la mise, l’engagement français reste dramatiquement insuffisant et incapable de répondre à l’urgence de la situation » ajoute-t-elle.

La pénurie de moyens bloque la mise en place, dans les pays en développement, de programmes d’envergure nationale à partir des initiatives pilotes lancées dans la plupart des pays ces dernières années. Ceci se traduit chaque jour par de nouvelles morts et de nouvelles contaminations. Pour Chloé Forette, de l’ONG Planet Africa, « en renonçant à imposer un réel changement d’échelle des financements à la lutte contre le sida des pays les plus riches du monde, Jacques Chirac sape la possibilité d’un changement d’échelle de l’action mise en place sur le terrain ».

L’annonce de George Bush imposait une réaction et une seule : une contribution française au moins proportionnelle à l’annonce américaine (0,03% du PNB), c’est-à-dire un engagement d’un minimum de 500 millions d’euros.

En annonçant une forte somme d’argent qui sera essentiellement dépensée dans le cadre d’échanges bilatéraux, les Américains affaiblissent les mécanismes multilatéraux existants, comme le Fonds mondial. Ils disposent avec cet argent d’un puissant outil de marchandage vis-à-vis des pays en développement et seront en mesure d’orienter fortement les politiques nationales des pays. Ainsi l’annonce de Bush, plutôt que de marquer une avancée de la lutte contre le sida, pourrait signer un retour en arrière catastrophique sur le terrain (abstinence, médicaments brevetés hors de prix). Les Etats-Unis menacent des droits essentiels : le droit des pays à mener des politiques de lutte contre le sida adaptées, le droit de recourir aux génériques, tout simplement le droit à la santé des populations des pays pauvres. « Le gouvernement français préfère sacrifier des principes fondamentaux plutôt que de mettre la main à la poche » relève Khalil Elouardighi. « Ce que 500 millions pouvaient faire à Evian, 150 ne le feront pas. Une fois de plus, Jacques Chirac a trahi les malades du Sud ».