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Journal des répressions

jeudi 26 décembre 2002

Quand on leur parle des pressions qui s’exercent à l’encontre des prostituéEs, des détenuEs ou des étrangerEs, de nombreux responsables politiques font mine de ne rien savoir. D’où ce « journal des répressions ».

Prostitution

 5 juin 2002 : vers le cimetière des Batignolles, des travestis racontent que les soirs qui ont suivi le premier tour de l’élection présidentielle, il y a eu un déferlement d’agressions verbales de la part de certains policiers. Le fait le plus violent déclaré : un policier a jeté une bouteille en verre remplie d’urine sur un des travestis.

 9 septembre 2002 : dans le XXème arrondissement, trois jeunes femmes africaines sont montées dans un bus associatif, totalement affolées parce qu’elles avaient aperçu une voiture de police. Les femmes, qui ne parlaient pas français, ont simplement expliqué que les policiers étaient méchants en ce moment et qu’elles avaient souvent été embarquées. Dans le bus, les femmes se sont terrées et accroupies pour que leurs visages ne soient pas visibles de l’extérieur.

 21 septembre 2002 : dans le XVIème arrondissement, une prostituée a raconté à deux militantEs associatifVEs que des policiers lui avaient confisqué ses préservatifs.

 23 septembre 2002 : dans le XIIème arrondissement, une prostituée raconte qu’elle a été récemment embarquée au commissariat du même arrondissement. Dans le fourgon se trouvaient des prostituéEs venant de l’Est et d’autres d’Afrique. La prostituée rapporte que certains policiers ont proposé aux Africaines de « faire le ménage » dans le commissariat en échange de quoi ils les garderaient moins longtemps.

 2 octobre 2002 : dans le XVIIème arrondissement, une prostituée raconte que la semaine précédente, des policiers ont ouvert la camionnette d’un travesti et l’ont aspergé de gaz lacrymogène. Ils auraient aussi aspergé les travestis qui tapinaient dans le même coin à pied.

 2 octobre 2002 : dans le XVIIème arrondissement, vers 2 heures du matin, des militantEs associatifVEs sont témoins de l’interpellation du client supposé d’un travesti. Le client était en voiture, avait ralenti mais pas descendu sa vitre. La voiture de police a fait un tête-à-queue pour le forcer à s’arrêter et lui a braqué des lampes torches dessus. Le client n’a finalement pas été verbalisé. Deux travestis ont alors confirmé que la police agissait comme ça depuis une semaine, dès qu’une voiture arrivait. Les clients se font rares et certains travestis affirment depuis être obligés d’accepter des choses qu’ils refusaient avant (sans vouloir préciser).

 5 octobre 2002 : dans le XIIème, une prostituée étrangère raconte que des policiers lui ont confisqué ses préservatifs lors d’un contrôle d’identité et qu’ils ont agi de même avec d’autres filles étrangères.

 9 octobre 2002 : dans le XVIIIème arrondissement, des policiers ont fouillé le sac d’une femme, regardant si elle avait « trop de capotes » pour savoir s’ils avaient affaire à une prostituée.

 10 octobre 2002 : dans le XIIème arrondissement, une prostituée fait part à un militant associatif du changement de comportement de la police depuis l’existence du projet de loi sur la sécurité intérieure. La personne rapporte un comportement général brutal - tutoiement, insultes, attouchements furtifs - et un rythme soutenu d’arrestations, les personnes embarquées n’étant relâchées qu’au petit matin. Plus grave, cette personne accuse le commissariat du XIè arrondissement de passivité devant des faits de viols : Ddébut octobre, le commissariat aurait refusé d’enregistrer la plainte d’une prostituée violée en bande durant toute une nuit.

 11 octobre 2002 : dans le XVIème arrondissement, des prostituées racontent que les policiers ont confisqué des préservatifs et les médicaments d’une personne séropositive.

 14 octobre 2002 : dans le XVIème arrondissement, des prostituées font état de demande de services sexuels gratuits de la part de certains policiers. Toujours dans le XVIè, des femmes travaillant en studio racontent que depuis quelques mois, les clients ne se gênent plus pour leur demander de ne pas mettre de préservatifs. Elles n’avaient plus eu ce type de demande depuis des années.

Etrangers

 Mars 2002 : M.L, séropositif d’origine congolaise, est expulsé et nous appelle du Congo. Il s’agit de toute évidence d’une erreur administrative. À ce jour, il est toujours au Congo, sans traitement, séparé de sa concubine avec qui il vit depuis 10 ans.

 Avril 2002 : M.B., séropositif d’origine algérienne, nous contacte. Marié avec une française et père de deux enfants français, il avait été assigné à résidence à sa sortie de prison en 1997. Cependant, l’arrêté d’expulsion le visant, daté de 1993, n’a toujours pas été abrogé. À chaque instant, il peut être reconduit dans son pays.

 Avril 2002 : Mme T., malienne séropositive, s’est vu refuser son titre de séjour pour soins, ce qui est contraire à la loi. De plus, les raisons avancées par la préfecture ne correspondent à aucun texte juridique. Depuis plusieurs mois, Mme T. n’a plus aucun droit. Le 5è bureau du Ministère de l’Intérieur nous a affirmé donner raison au Préfet de Melun.

Prison

 Madame A., incarcérée dans un nouvel établissement pénitentiaire « privé ». On lui refuse la possibilité de faire ses aérosols. Elle a été transportée en urgence à l’hôpital de Fresnes.

 Madame B., a été prise d’hémorragie vaginale un soir dans sa cellule à la Maison d’Arrêt de Rennes. Malgré ses plaintes, les soeurs ne lui ont pas ouvert. Elle a été retrouvée baignant dans une mare de sang : elle a dû être transportée par le SAMU.

 Monsieur X. est hospitalisé à Fresnes en phase terminale de sa maladie. Pour l’instruction de son affaire, il a dû redescendre à Montpellier, et s’est retrouvé avec 5 codétenus dans la cellule. Il revient à Fresnes au bout d’un mois, mais en réanimation. Il est décédé peu de temps après.

 Monsieur X., atteint d’un lymphome et dont l’avocate se battait pour obtenir la libération provisoire en attendant son procès, était de plus en plus stressé à Fleury : il a fait l’objet d’un rapport disciplinaire.

NDLR : Les dates ont été sciemment occultées, afin de ne pas porter préjudice aux détenuEs.