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« Nous sommes en colère »

mercredi 23 avril 2003, par Treatment Action Campaign

Jeudi 24 avril 2003, Treatment Action Campaign (TAC), association activiste d’Afrique du Sud, appelle à une journée internationale d’actions pour exiger l’accès pour tous aux traitements contre le VIH, pour défendre la vie de 5 millions de Sud-Africains contaminés, pour dénoncer la mort de 600 malades du sida dans ce pays quotidiennement. A cette occasion, nous publions la traduction française de la déclaration des militants de TAC qu’ils ont lue après avoir interrompu le discours d’ouverture de la Ministre de la santé Sud-Africaine lors de la Conférence sur la Santé publique le 25 mars dernier.

« Nous sommes en colère. Selon les sources gouvernementales, plus de 600 personnes sont mortes chaque jour, cette année, infectées par le VIH/Sida.
Nous sommes là pour vous dire que vous avez échoué, volontairement et par négligence, à mettre en place les interventions nécessaires, y compris l’accès aux traitements par les anti-rétroviraux, qui auraient empêché la mort de nombreux malades. Toutefois, nous sommes là aujourd’hui pour vous dire que nous sommes toujours disponibles pour travailler avec le gouvernement, les personnels de santé et toute la société sud-africaine pour améliorer le système de santé publique.

Pendant des années des médecins, des infirmières, des chercheurs, des malades, les églises, les syndicats, le monde des affaires, des congrès régionaux de l’ANC, le Parti communiste sud-africain, le secteur jeunesse du Sanac et des organisations comme Treatment Action Campaign ont essayé de vous convaincre d’adopter et de mettre en place un plan de prévention et de traitement du VIH/SIDA. Nous avons vraiment été des citoyens exemplaires, utilisant la voie des négociations, des manifestations, des médias, des tribunaux, la Commission des droits de la personne, le Nedlac et d’autres moyens démocratiques pour vous convaincre de faire ce qu’il fallait faire.

Au lieu de saisir ces multiples opportunités que nous vous avions offert pour travailler avec la société civile pour soigner nos malades et réduire le nombre des nouvelles infections, votre réponse a été de vous acoquiner avec de pseudos scientifiques, montrant ainsi votre mépris pour les malades infectés par le VIH, les femmes, les pauvres et la population noire. Vous avez marché de concert avec les négationnistes ( et vous continuez à le faire) et pas une seule fois vous avez déclaré publiquement et sans condition que vous étiez convaincue que le VIH était responsable du sida, tout en affirmant que cela était un présupposé pour la politique du gouvernement, pas un fait.

Vous avez créé la confusion dans l’opinion publique sur l’efficacité du traitement par les anti-rétroviraux et il a fallu un jugement par un tribunal pour que votre ministère décide d’un plan de prévention pour éviter la transmission de la mère à l’enfant. Au lieu de saisir la chance de mettre en place ce programme sans conditions, vous avez volé au secours d’une responsable régionale pour la santé, Mme Sibongile Manana, qui n’avait pas mis ce plan en pratique ; Aujourd’hui encore, vous n’avez pas donné une seule directive nationale aux personnels de santé et aux services de santé régionaux pour les informer correctement de leurs devoirs constitutionnels. Vous avez aussi failli dans l’information des femmes enceintes qui fréquentent le secteur public de santé de vos plans pour réduire les risques d’infection de leurs enfants par le VIH.

Au lieu de conduire le gouvernement à adopter l’accord-cadre du NEDLAC pour un plan de prévention et de traitement, vous l’avez sapé et déformé. Vous n’avez pas eu le temps, ces derniers mois, de vous assurer que les questions que vous aviez concernant l’accord trouvent des explications, mais vous avez eu le temps de d’aller en Irak et de vous montrer avec ce charlatan, Roberto Girraldo. Vous n’avez pas eu le temps non plus de rendre visite à Khayelitsha ou à Gugulethu où ont été mis en place des programmes de traitement par les anti-rétroviraux.

Nous avons entendu toutes sortes de prétextes pour expliquer que la thérapie antirétrovirale ne pouvait pas être mise en place. Vous avez invoqué la toxicité. Vous avez dit la prévention plutôt que le traitement. Vous avez évoqué les coûts. Tous ces prétextes se sont révélés faux, vous avez utilisé fort mal à propos les besoins et la faim de notre peuple pour chanter les bienfaits de la nutrition en l’opposant au traitement, comme si les deux s’excluaient mutuellement.

Dans la presse dominicale, le gouvernement exprime son désir de travailler avec des partenaires. Le gouvernement reconnaît aussi l’efficacité de la thérapie par les anti-rétroviraux et a déclaré qu’il allait prendre en considération les propositions d’un comité médical et financier pour évaluer le coût d’un certain nombre de propositions, y compris le traitement par les anti-rétroviraux. Mais nous avons déjà entendu beaucoup de promesses de la part du gouvernement sur le traitement par les anti-rétroviraux depuis près d’un an, depuis la Déclaration du Cabinet du Président le 17 avril dernier. De fait vous avez gaspillé de l’argent en faisant la publicité pour une liste de souhaits décrite comme un plan d’action. Nous savons que l’étude des coûts est complète. Nous ne pouvons qu’espérer que, contrairement au rapport du Comité de recherches médicales (MRC) et le rapport des scientifiques HST/DOH sur la thérapie par les anti-rétroviraux, vous n’essaierez pas de le censurer.

Pratiquement aucun progrès n’a été fait pour la mise en place de programmes de traitement depuis que nous avons ensemble gagné le procès du 18 avril 2001 et la Déclaration du Cabinet du 17 avril 2002. Tous les efforts pour réduire le coût des médicaments sont venus de la société civile, pas du gouvernement. Vous avez ignoré le désespoir des médecins, des infirmières et des malades du système de santé public. Nous sommes fatigués des promesses. Nous voulons voir un plan d’action et sa mise en place.dans un délai raisonnable. Des millions de vies en dépendent. Mais nous ne pensons plus que vous avez les compétences ni la volonté de gérer correctement l’épidémie du VIH-Sida, ni la santé publique. Les inégalités et la qualité du service dans le secteur des services de santé publique se détériorent depuis que vous aves pris la succession de votre prédécesseur qui avait fait de courageux efforts pour transformer le service de santé public.

Vous nous avez trompés, vous avez déformé nos positions, vous avez temporisé et vous nous avez ignorés depuis trop longtemps. Nous espérons que nous nous trompons et que vous le montrerez en signant l’accord cadre du Nedlac et en vous engageant sans équivoque et franchement pour la mise place d’un plan de traitement par les antirétroviraux. Si vous ne le faites pas, nous irons devant les tribunaux et continuerons notre campagne de désobéissance civile pour que le secteur de la santé publique triomphe malgré vous. »


Plus d’informations sur la Journée Internationale d’actions menée par TAC sur le site de l’association www.tac.org.za et sur le site de Health Gap. Act Up-Paris s’associe à cette journée et des compte-rendus de nos actions seront disponibles très prochainement sur ce site.