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Édito

samedi 22 mars 2003

Après avoir connu la période tragique où la compassion et finalement la mort entouraient les personnes atteintes, les antiviraux associés par trois, d’où le nom de trithérapie, ont permis le contrôle de la maladie et ont considérablement réduit la mortalité. D’où le terme employé par la médecine de « maladie chronique ».

S’installant dans la maladie, nous avons alors progressivement découvert les effets que ces fameux antiviraux auxquels nous devions de vivre, avaient sur nos organismes au fur et à mesure des années. Ces effets, qualifiés de secondaires par le corps médical, sont devenus des effets indésirables pour ne pas dire intolérables dans le langage des malades. Avec la froideur médicale, le terme d’effets secondaires désigne, bien entendu, le fait qu’il existe, à côté de l’effet principal qui est l’efficacité antivirale, des effets imprévus que l’on découvre au fur et à mesure de l’utilisation du produit et qui ne font pas partie de l’objectif initial.

Cela s’explique : la mise au point d’un médicament commence dans des tubes où les cellules et les virus étudiés ne permettent pas de découvrir autre chose que des effets de toxicité immédiate. Dysfonctionnements ou mort des cellules en culture. Les études sur les animaux de laboratoire permettent ensuite de constater les problèmes inattendus de toxicité ou de perturbation des fonctions vitales. Ensuite viennent les études sur les humains, séropositifs de préférence. Mais ces études durent peu de temps, d’autant moins que l’urgence des traitements est vive. Les effets imprévus des médicaments envahissent peu à peu, la vie des malades. A tel point qu’ils deviennent l’objet principal de leur préoccupation.

Alors que l’effet du sida devient moins sensible, permettant de reprendre une activité professionnelle, la vie de tous les jours est perturbée par des troubles digestifs gênants, des douleurs, puis avec le temps, des problèmes de changement de physionomie disgracieux, des problèmes osseux, cardiaques, etc. Tout converge vers une opposition entre le malade et son médecin : ce dernier cherche avant tout à réduire la production de virus chez la personne qu’il suit. Le malade comprend bien l’objectif mais n’envisage pas la vie indéfiniment avec ces difficultés. Il est clair qu’on ne peut poursuivre à long terme un traitement qui « rend malade » sans se trouver exaspéré à la longue et c’est là que le danger guette : ne pas supporter son traitement c’est inévitablement faire naître l’idée de l’arrêter.

Bien sûr nous savons maintenant que les pauses de traitement sont possibles mais à condition de ne pas faire n’importe quoi. Les malades qui ne se sentiront pas compris par leur médecin seront fatalement tentés d’oublier une prise de temps en temps, ou celui de leurs médicaments qu’ils considèrent comme responsable de leurs problèmes. Ceci peut conduire à l’échappement du virus au traitement et c’est le déclenchement d’une spirale infernale qui peut conduire à l’impasse thérapeutique. A chaque nouvel échec le nombre de médicaments possibles se réduit. Si ce choix ne laisse plus la possibilité de trouver le traitement qui permet de vivre avec un confort suffisant, il expose les malades à devoir subir fatalement des traitements insupportables. C’est pourquoi il est indispensable que les soignants comprennent qu’un des critères de choix d’un traitement est avant tout celui qui permet un confort de vie pour le patient. Il ne suffit pas d’administrer la dernière molécule à la mode ou le dernier produit vanté par les visiteurs médicaux, il faut aussi que le malade se sente bien avec. C’est à cette condition seulement que les années peuvent passer sans difficultés et que la maladie puisse vraiment être considérée comme chronique.